La spiritualité
« Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. » Jean X,10
« Je suis venu répandre un feu sur la terre, et combien je désire qu’il soit déjà allumé ! » Luc XII, 49
Partager les joies et les souffrances des plus pauvres
Le logo
Les paroles de Jésus « Je suis venu jeter un feu sur la terre et comme je voudrais qu’il fût déjà allumé » Luc XII, 49, et « Je suis venu pour que vous ayez la Vie, et la Vie en abondance » Jean X, 10 sont la source vive de l’œuvre de la Famille Kizito. Elle anime la mission des sœurs depuis le premier jour.
C’est dans cet esprit que le logo a été réalisé.
Jésus-Eucharistie est au centre puisqu’Il est le Cœur de toute la mission. La couleur jaune orangé symbolise la lumière de Jésus et la joie que nous voulons transmettre au cœur de la misère, en noir et blanc.
Le mystère de la Croix manifeste le Salut donné par Jésus, le Salut annoncé aux « laissés-pour-compte » : enfants et jeunes des quartiers populaires les plus pauvres représentés par les « maisons » en tôle et à barreaux en bas à droite et aussi aux prisonniers.
Le dessin de l’enfant manifeste la joie et la louange pour la Bonne Nouvelle de l’Amour du Christ et la vie meilleure reçue par la mission de la Famille Kizito.
Une famille spirituelle
L’association œuvre d’un point de vue matériel pour soutenir la Famille Kizito en Haïti, mais aussi d’un point de vue spirituel : par la prière, des parrainages spirituels, des actes de foi et d’offrande en soutien à la Famille Kizito, des parrainages de jeunes et d’animateurs sur place, des correspondances amicales entre jeunes haïtiens et français …
L’objectif de la Famille Kizito est d’unir nos efforts, que nous soyons fidèle, laïc, religieux, en bonne santé, malade, adulte, enfant, parent, grand-parent, célibataire … en France, en Haïti ou ailleurs, pour découvrir davantage l’amour de Jésus-Christ et permettre à ceux qui ne le connaissent pas encore de le rencontrer à Cité Soleil mais aussi autour de nous.
La mission de Sœur Paësie est bien sûr d’œuvrer au plus près des jeunes et des prisonniers de Cité-Soleil, mais en communion avec nous en France ou ailleurs, qui sommes aussi l’objet de l’Amour de Jésus, et qui avons aussi nos dangers : opulence, violence morale, pornographie, démantèlement de la famille, perte des valeurs et de la Foi chrétienne …
Vous êtes malade, souffrant, prisonnier
Vous êtes bien-portant
Vous voulez prier pour le rayonnement de la Famille Kizito…
Devenez son soutien spirituel !
Dans l’association Famille Kizito Haïti France nous souhaitons ne pas perdre de vue cet objectif. C’est pourquoi nous mettons la prière au cœur de notre action.
Chaque membre de la famille Kizito est invité à dire cette prière quotidiennement.
Qui est le Père Elder ?
Le père Elder est un Salesien haitien, professeur de métaphysique à Rome.
Quand il rentre en Haiti l’été, il se rend disponible pour la formation des catéchistes et tout ce que la Famille Kizito lui demande à Cité Soleil.
C’est un ami de Soeur Paësie et de Famille Kizito.
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1er novembre 2022 ~ Tous les Saints
Bonne fête de la sainte jalousie de Dieu, Père de tous ses enfants!
Un Père jaloux du bonheur de ses enfants et qui met tout en œuvre pour qu’ils soient heureux en participant de bonheur qu’est sa communion avec son Fils dans l’Esprit…
Père tellement jaloux de notre bonheur qu’il ne permet pas que notre liberté soit violentée, car ce qu’il nous réserve – et qui doit être à la hauteur de sa jalousie – c’est le meilleur de lui-même et le meilleur de nous-mêmes… L’intimité la plus profonde avec nous que l’Ecriture exprime en termes de « voir la face », le « voir tel qu’il est », « voir Dieu »… Ce sommet de l’existence qui en est la source absolue c’est bien la « vision béatifique »… Nous sommes créés pour voir le Père…
Il pourrait sembler étrange de s’exprimer ainsi et pourtant c’est tout l’élan et le souffle profond du dynamisme de la foi chrétienne et de toute l’Ecriture lue à la lumière de la Résurrection du Christ Jésus.
La fête de la Toussaint nous situe précisément au cœur de la contemplation du désir le plus profond de nos cœurs qui est aussi celui du cœur de Dieu: la rencontre face à face qui comblera nos désirs et qui dès maintenant nous est offerte…
Que sera cette joie et cette fête! Si le moindre sourire ici-bas peut illuminer un visage, faire briller nos yeux et réchauffer nos cœurs, que sera la vision du sourire du Créateur même du sourire…! Béatitude!
Le Père est jaloux du sourire de chacun de ses enfants, jaloux de le faire surgir, ce sourire…
Le Père du ciel se bat pour que rien ne vienne nous voler ce sourire pour le transformer en grimace et faux-semblant…
Son Fils est venu nous dévoiler le sourire du Père: Qui me voit, voit le Père! Et nous avons transformé ce sourire en une plaie béante, un cœur ouvert par un coup de lance! Pourtant, ceux qui regardent celui qu’ils ont transpercé et qui accueillent l’eau vive qui jaillit de son amour et de son pardon, retrouvent du coup leur propre sourire… D’un amour éternel je t’ai aimé… Je suis ton frère, va dire à mes frères… que je n’ai pas honte de les appeler frères… foule immense de ceux qui l’ont cherché et qu’il a cherchés: une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues…
Foule immense des frères et de sœurs qui s’entraident en s’aimant comme le Christ les a aimés et qui pour cela font la joie du Père, augmentent la joie au ciel à chaque fois que l’un d’entre eux s’était tourné vers le Père pour redécouvrir son sourire et la joie divine d’exister, la joie et la liberté des enfants de Dieu… Communion des saints…
Dans leurs vies le Père nous procure un modèle, dans la communion avec eux un appui et dans leur intercession un appui… Car ce Père est si jaloux du bonheur de ses enfants qu’il veut les sauver l’un par l’autre dans son Fils… Si un enfant ne voudrait pas participer au bonheur et au sourire des autres, il attriste l’Esprit du Père et du Fils et renonce à son propre bonheur…
L’amour jaloux du Père fait qu’au ciel il n’y a pas de jalousie… sauf le désir du bonheur de l’autre… et de lui donner la première place en lui lavant les pieds…
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Bonne occasion de découvrir les différents sens et termes pour dire la « jalousie » dans les Ecritures qui vont de l’envie au dévouement et à l’attachement de l’amour, propre de Dieu. Il est intéressant de remarquer que c’est le terme « zélote » (en grec et en latin) qui sert pour dire cet attachement farouche de Dieu à notre bonheur, d’abord par l’exclusion de l’adoration d’une autre réalité en dehors de lui considéré comme une infidélité conjugale par rapport à l’alliance (Ex 20,5; 34,14; Jos 24,19), mais aussi de l’attachement du fidèle à Dieu (1 R 19,10;
Il ne faut pas confondre ce type d’attachement farouche d’une relation d’amour avec le fait d’être envieux du bonheur des autres, comme dans le cas des frères de Joseph qui le vendirent comme esclave (Ac 7,9; Jc 4,2), sentiment qu’on ne saurait attribuer au Père de notre Seigneur Jésus que le « zèle de la maison de son Père dévorait » (Ps 69, 10; Jn 2, 16-17)
קַנָּ֣א = [kanna] en hébreu = ζηλωτής = [zêlotês] en grec =
2 novembre 2022
Commémoration de tous les fidèles défunts, on peut choisir entre les diverses lectures du Lectionnaire
Que de larmes, mon Dieu! Quelle cuisante mais confiante espérance…
«Jésus pleura» (Jn 11,35).
Il faut avoir vécu l’expérience d’un deuil profond et la déchirante douleur devant le seul mal insupportable (la méchanceté et la cruauté humaines) pour comprendre ce verset le plus court de la Bible: les larmes de Jésus ému face aux larmes de Marie devant le tombeau de Lazare.
Les évangélistes parlent plusieurs fois des larmes de Jésus et des larmes qui ont accompagné son existence:
– devant le tombeau de Lazare (Jn 11,35);
– son émotion devant la veuve éplorée de Naïm: « Ne pleure pas! » (Lc 7,13);
– sur la ville de Jérusalem (Lc 19,41);
– les sueurs de sang de l’agonie (Lc 22,44);
– les larmes et le cri aigu et déchirant sur la croix (He 5,7).
Devenir insensible à la douleur des autres est le signe d’une humanité dévoyée et pervertie, «sans cœur, sans pitié» (Rm 1,31), incapable de «pleurer avec ceux qui pleurent» et d’être «dans la joie avec ceux qui se réjouissent» (Rm 12,15). Cette dureté de cœur si contraire à la miséricorde est bien condamnée par Jésus comme cause principale de la pratique de la répudiation des femmes (Mt 19,8; Mc 10,5) contraire au projet d’amour initial du Créateur, donc fruit du péché, est la loi de la jungle humaine quand elle a perdu totalement le bon sens. C’est Hérode ordonnant le massacre des enfants à Bethléem tandis que Rachel inconsolable pleure ses enfants en Rama (Mt 2,18).
Celui qui est venu nous donner un cœur de chair et un cœur de douceur, d’humilité, nous donne aussi un cœur prêt pour le combat, comme le bon berger qui donne sa vie pour ses brebis… Il a durci son visage pour monter à Jérusalem où, aimant jusqu’à l’extrême, son cœur sera ouvert par la lance après sa mort sur la croix pour qu’en jaillisse un fleuve de vie, plaie glorieuse de celui que nous avons transpercé et vers lequel nous devons nous tourner pour trouver la guérison…
Flots de sang et de larmes est cette histoire humaine dans laquelle le Verbe s’est fait chair pour habiter parmi nous et nous apporter la consolation de savoir que nos larmes ne sont pas sans espérance à cause de sa résurrection et qu’un jour «Dieu essuiera toutes larmes de nos yeux» (Ap 7,17; 21,4). Cuisante espérance qui passe inévitablement par le grain qui meurt, promesse de moisson… Mais quoi d’autre le monde peut-il nous offrir et nous promettre qui ne soit pas cendre et illusion… Incapable de créer la vie, le monde donne la mort… folie mortifère qui s’empare de cerveaux malades de deviennent la proie du menteur et homicide dès les origines (Jn 8, 44-47) qui fait que les larmes ne cessent pas de couler…
Alors pleurons nos chers défunts et réjouissons-nous en même temps car, pour la plupart, ils sont avec le Christ, leur vie (Ph 1,23). Essayons de suivre leurs traces. Prions aussi pour eux tous afin que ce qu’il y avait de fragile dans leur vie soit enlevé et qu’eux-mêmes soient sauvés «comme à travers le feu» (1 Co 3,15). Qu’aucun d’entre eux ne se retrouve dans «les pleurs et les grincements de dents» du dehors ténébreux (Mt 8,12).
Que notre amour de charité et notre pardon les délie sur terre afin qu’ils soient déliés dans les cieux (Mt 18,18), puisque pour le Dieu vivant il n’y a pas de mort, car tous vivent pour lui (Lc 20,38).
Nos larmes ne sont pas sans espérance… heureusement… «Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés» (Lc 6,21). Et puisque nous croyons dans notre cœur que Jésus est ressuscité, nous avons aussi la certitude qu’il transfigurera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux! (Ph 3,21).
C’est pourquoi, sachant que le temps est écourté, «désormais, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’en avaient pas, ceux qui pleurent comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui se réjouissent comme s’ils ne se réjouissaient pas, ceux qui achètent comme s’ils ne possédaient pas, ceux qui tirent profit de ce monde comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. Car la figure de ce monde passé» (1 Co 7,29-31).
Donne-leur, Seigneur, le repos éternel et que brille sur eux la lumière de ta face: ton sourire éternel…
Joie après les larmes… Notre tristesse deviendra joie… (Jn 16,20
9 janvier 2022, Baptême de Notre Seigneur
Bonne fête du décloisonnement du Ciel pour l’inhabitation de Dieu en nous…
Quand l’éternité fait irruption dans le temps…ou mieux, quand le temps atteint sa plénitude en se dépassant…ou encore quand l’impossible devient possible, nous savons que nous sommes en présence de Celui qui librement a voulu et pu faire exister le possible que nous sommes…pour l’impossible de la communion définitive avec lui…
L’aujourd’hui éternel de Dieu se dévoile dans les limites de notre temps, et notre cœur se dilate à l’infini d’un amour vertigineux sans lequel nos instants seraient un vide infernal, ou mieux ne seraient pas… Pourtant nous ne nous en rendons pas compte au sens propre, comme ce serait le cas quand un changement radical et substantiel se produit. C’est une transposition qui n’est pas un ailleurs de déplacement local, mais un autrement de vérité plénière… La présence de grâce est une modulation différente de la présence d’immensité du même Dieu qui ne saurait être soumis aux limites du temps et de l’espace, mais qui obtient de nous une réponse libre d’amour qui nous fait devenir nous-mêmes plus authentiquement, plus parfaitement: notre véritable identité enfin retrouvée: « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »…
Tout semble pareil comme avant, mais aux yeux avertis de Jean le baptiseur, un frôlement d’ailes et une voix retentissante dévoile le mystère de la «manifestation de la bonté de Dieu et son amour pour les hommes», alors celui qui n’a pas commis de péché «Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu» (2 Cor 5,21). C’est ainsi que le Verbe fait chair «nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde». En entrant dans le Jourdain il n’en sort pas purifié (il était déjà pur!), mais il en sort purificateur. Ainsi Jean le baptiseur a compris en quoi toute justice pouvait être accomplie dans l’infinie miséricorde de Dieu, il désigne alors son cousin comme «l’Agneau de Dieu» qui prend, porte et en même temps enlève le péché du monde.
Une étape importante de l’Incarnation du Verbe et de la croissance de son humanité en âge, en sagesse et en grâce se produit ainsi au moment de son baptême. Si dans le sein de la Vierge immaculée (Pleine-de-grâce) il a assumé par l’opération de l’Esprit-Saint une humanité sans tache sans péché par le mystère de l’union en sa seule personne de la nature divine et de la nature humaine (union dite « hypostatique » en théologie), dans la théophanie du Jourdain il prend librement sur lui la réalité du péché de l’homme dans une surabondance d’amour qui le conduira jusqu’à la croix (quand l’heure anticipée aux noces de Cana devra se manifester) où les noces de l’Agneau se concluent définitivement avec son Épouse, – l’Église, c’est-à-dire tous ceux qui croient lui et reçoivent son Esprit pour devenir un seul corps avec lui.
Il ne restera plus qu’à obtenir l’inclusion libre de chacune de nos volontés dans ses épousailles pour qu’au fur et à mesure et jusqu’à la fin des temps le Christ rassemble dans l’unité tous les membres de son corps en faisant la paix par le sang de sa Croix.
Du Jourdain à la Pentecôte, en passant par la passion où son amour subit notre peine à notre place et sa résurrection où sa victoire engloutit notre ennemi, le ciel s’est ouvert et celui qui en est descendu nous prend avec lui, pour toujours, pour la plénitude du temps inaccessible aux instants successifs…
On comprend alors l’affirmation de saint Paul dans Éphésiens 5,25-32:
«Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église : il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée. De la même façon les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme c’est s’aimer soi-même. Car nul n’a jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C’est justement ce que le Christ fait pour l’Église : ne sommes-nous pas les membres de son Corps ? Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église».
Et l’on devine le sens profond du cri de l’Apocalypse (19,7-9):
«Soyons dans l’allégresse et dans la joie, rendons gloire à Dieu, car voici les noces de l’Agneau, et son épouse s’est faite belle : on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante» – le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints. Puis il me dit : «Écris : Heureux les gens invités au festin de noce de l’Agneau. Ces paroles de Dieu, ajouta-t-il, sont vraies».
Voici donc que l’Au-delà de tout devient le présent en nous…
Voici que le ciel inaccessible vient reposer en nous en faisant de nous la demeure du Très-Haut…
Voici le décloisonnement du ciel et la joie de notre adoption filiale car «par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, rendus justes par sa grâce, nous devenions en espérance héritiers de la vie éternelle» (Tt 3, 6-7).
Voici la joie de Jean-Baptiste, ami de l’Époux, comme il le dira plus tard Jn 3:
«Qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux. Telle est ma joie, et elle est complète. Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse. Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous ; celui qui est de la terre est terrestre et parle en terrestre. Celui qui vient du ciel témoigne de ce qu’il a vu et entendu, et son témoignage, nul ne l’accueille. Qui accueille son témoignage certifie que Dieu est véridique ; en effet, celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, car il donne l’Esprit sans mesure. Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main. Qui croit au Fils a la vie éternelle ; qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie ; mais la colère de Dieu demeure sur lui» (Jn 3,27-36).
Le Père, le Fils et l’Esprit, l’Unique Dieu, communion d’amour ne désire pour notre bonheur que d’habiter en nous, depuis le jour de notre Baptême…et à chaque Eucharistie…
Alors, de grâce, laissons-le faire sa demeure en nous!
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Apprenons «à renoncer à l’impiété
et aux convoitises de ce monde,
et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable,
avec justice et piété,
attendant que se réalise la bienheureuse espérance :
la manifestation de la gloire
de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ».
16 janvier 2022, 2ème dimanche TO C
Bon dimanche de l’heure anticipée…
L’heure de Jésus est celle de la croix, donc celle de l’union sponsale définitive de la divinité et de l’humanité. Elle n’est pas encore arrivée quand Marie lui demande d’intervenir pour les époux à Cana (Jn 2, 4). Pourtant la demande de sa Mère et la docilité des servants invités à faire « n’importe quoi » dirait Jésus a permis aux disciples d’être témoins du « commencement des signes que Jésus accomplit », de se rendre compte de la puissance, de la gloire, qui ce cachait en celui que Jean-Baptiste avait désigné comme l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde et de croire en lui.
S’il a acquiescé et offert le vin, c’est qu’en quelque sorte il a anticipé son « heure », cette heure qu’il annoncera plus tard à la Samaritaine : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer » (Jn 4, 21-24)
Cette heure sera l’heure de la Résurrection: « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront. Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement parce qu’il est Fils d’homme. N’en soyez pas étonnés, car elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et sortiront : ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement » (Jn 5, 25-29).
Tant que cette heure ne sera pas arrivée, personne ne pourra mettre la main sur Jésus (Jn 7,30; 8,20). L’heure, ce sera celle où il démontrera son amour extrême et absolu pour ses frères les hommes quels qu’ils soient: « Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde vers le Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin » (Jn 13,1). Soit par le lavement des pieds, soit par l’Eucharistie et le commandement nouveau, soit par l’union sponsale définitive sur la croix et dans la résurrection, quand le grain de blé jeté en terre produira beaucoup de fruits, c’est l’heure de la croix et l’heure de la gloire: « »Voici venue l’heure où doit être glorifié le Fils de l’homme. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton nom ! » Du ciel vint alors une voix : » Je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai »». (Jn 13, 23-28).
C’est l’heure de la femme qui doit accoucher où joie et peine s’enlacent inextricablement: « La femme, sur le point d’accoucher, s’attriste parce que son heure est venue ; mais lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus des douleurs, dans la joie qu’un homme soit venu au monde. Vous aussi, maintenant vous voilà tristes ; mais je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera » (Jn 16, 21-22).
Les disciples aussi devront participer à cette heure, pendant la passion et tout au long de l’histoire de l’Église, eux aussi devront vivre cet enfantement de l’homme nouveau qui a commencé sa manifestation, son Épiphanie, à Noël, à la visite des Mages, au Jourdain et à Cana. Il leur faudra croire de tout leur être et par le bouleversement de Pâque que Jésus est « sorti d’auprès de Dieu »: « Je suis sorti d’auprès du Père et venu dans le monde. À présent je quitte le monde et je vais vers le Père » (Jn 16, 27-28). Croire que Jésus est le Verbe de Dieu et que Dieu est Père, Verbe-Fils et Esprit-Saint sera une véritable révolution au cœur du monothéisme juif qui coûtera cher aux disciples. « Voici venir l’heure – et elle est venue – où vous serez dispersés chacun de votre côté et me laisserez seul. Mais je ne suis pas seul : le Père est avec moi. Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jn 16,32-33).
Et voici que dans sa grande prière sacerdotale, au Cénacle, qui sera prolongée dans le cri « cum clamore valido » de la croix, Jésus constate que l’Heure est venue, de Cana au Golgotha, en passant par le Cénacle et Gethsémani: «Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit : « Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ! Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. Je t’ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l’œuvre que tu m’as donné de faire. Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que fût le monde »» (Jn 17,1-5).
Et c’est au pied de la croix aussi que l’heure de Marie arrivera, l’heure où elle devra commencer à enfanter le Christ total dans ses membres. Devenant Mère de Jean et de tous les disciples bien-aimés par testament elle éduquera chacun à faire n’importe quoi Jésus leur demande de faire: «Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui» (Jn 19,27). À ce moment-là, tout était accompli, il ne restait plus que le « J’ai soif » à dire et le « C’est achevé » pour rendre l’esprit…
L’heure des noces de l’Agneau qui enlève le péché du monde et de l’Épouse purifiée par le bain d’eau qu’une parole accompagne pour être sans tache, ni ride, ni rien de tel, mais sainte et immaculée (Eph 5, 25-32) a commencée.
Cana est donc une anticipation et en même temps une étape fondamentale de la mission du Sauveur et du mystère de l’Incarnation qui est aussi la divinisation de l’humain.
Les disciples de Jésus commenceront à voir dans les signes et les miracles qu’il fera son caractère messianique, grâce à l’intervention de Marie qui en savait déjà quelque chose…
Chaque disciple, comme chaque personne humaine est unique et doit être assumé personnellement dans le Corps de l’Épouse que l’Agneau rassemble et constitue par tous les sacrements signes de sa grâce, de son pardon, de la purification qu’il opère en vue de rendre son Épouse resplendissante et à la hauteur de l’union à Dieu.
Cette merveilleuse variété de dons et de charismes fait que l’unicité de chaque personne soit affirmée et son identité garantie dans la communion avec les autres, prélude du bonheur de la communion dans la vision béatifique: L’Esprit et l’Épouse disent: Viens!
Que Marie anticipe en nous et pour nous notre « heure », celle où nous apprendrons enfin à passer de monde vers le Père!
23 janvier 2022, 3ème dimanche TO C
Bon dimanche de l’au-jour-d’hui…de la Parole pour chacun…
Notre Dieu, le Dieu vivant et vrai, Père de notre Seigneur Jésus-Christ n’est ni au passé ni au futur… Il est présence au présent et il nous donne, malgré les nuances de gris de notre quotidien avec ses aléas inévitables, il nous donne de vivre son «aujourd’hui» et d’entrer dans son repos. Sa Parole créatrice ne fait pas de nous des nostalgiques d’un passé qu’on imaginerait comme un âge d’or, ou d’un paradis futur utopique… Nous maintenant dans l’existence chaque jour en nous donnant le pain il nous donne la joie divine d’exister car en lui nous avons la vie, le mouvement et l’être…et nous introduit dans la perspective d’une plénitude de vie déjà à l’œuvre maintenant, dans un autrement de notre regard sur nous-mêmes et sur les autres… Quand la voix du Père avait retentit sur les eaux du Jourdain c’était en fonction de cette présence d’un jaillissement éternel d’amour qui constitue l’être même du Dieu-Amour: «Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré» (Lc 3,22).
L’«aujourd’hui» (Lc 4,21) de la péricope de ce 3e dimanche ordinaire B qui commente la lecture du prophète Isaïe à la synagogue de Nazareth, début du ministère public de Jésus selon saint Luc, correspond à la promesse faite au bon larron à la fin du même évangile qui nous accompagnera cette année: «En vérité, je te le dis, «aujourd’hui» tu seras avec moi dans le Paradis» (Lc 23,43).
Voici comment nos instants fugaces deviennent désormais lieu de rencontre et porte ouverte sur la non-succession des instants dans la mesure où ils atteignent leur plénitude. Cet accomplissement, cette plénitude est déjà Paradis, ciel sur terre, si nous avons la grâce de percevoir l’envers des choses en accueillant celui qui ne peut venir à notre rencontre que dans l’instant présent de son amour éternel qui veut demeurer avec nous et en nous…
Quand l’Esprit planait sur les eaux du Jourdain et que la voix du Père disait l’engendrement éternel de son Verbe dans l’Aujourd’hui, c’est tout le désir des prophètes qui se réalisait, la possibilité d’une libération définitive de ceux qui sont enchaînés, maintenus esclaves du temps et de l’espace, et n’arrivent pas à lever la tête. Car la vraie jonction entre le temps et l’éternité, le véritable passage vers l’accomplissement et la plénitude de vie et d’être n’est pas selon la dimension matérielle mesurée par les instruments de l’homme, c’est une signification enfouie dans le quotidien au-jour-d’hui et main-tenant où Dieu lui-même vient nous tenir la main si nous sommes suffisamment attentifs à son passage, à sa visite, à sa présence… Ce n’est pas sans raison que saint Jean insiste pour dire que la «vie éternelle» c’est une qualité de relation avec celui qui possède l’existence en plénitude, pas un prolongement de successions d’instants de type mathématique: «Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ» (Jn 16,3). Ainsi l’éternité est plénitude de vie et vie en plénitude…
Libération du joug de la loi de Moïse, tout comme de celui de la loi de la jungle. Destruction du mur de la haine et de la division qui établissait une barrière entre les hommes, finie la guerre de tous contre tous (Eph 2, 14-16). Libération pleine pour chacun, pour tous, sans distinctions, car chacun est unique et irremplaçable (1 Co 12, 12-30 ) et tous sont vivants pour lui (Lc 20,38) dans l’aujourd’hui de son repos (He 4, 6-7). Puissions-nous y entrer aujourd’hui…pour tous les jours sans jours de toujours..
30 janvier 2022, 4ème dimanche TO C
Jour du Seigneur: Quand ce qui est reçu fait éclater le récipient… ou le dilate à l’infini…
Dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d’Isaïe, nous avons entendu Jésus déclarer dimanche dernier: « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ». De l’Heure qui n’était pas encore venue à Cana à cet Aujourd’hui de Nazareth, quelque chose d’inouï traverse la vie des contemporains de Jésus et ils ne sauront pas à quoi s’en tenir jusqu’au matin de Pâque, jusqu’à l’incendie de la Pentecôte en passant par les affres du vendredi saint. Quand la plénitude de vie qu’est l’éternité atteint la peau de chagrin qu’est le temps, c’est l’écartèlement et celui en qui cela se produit en est crucifié…et renouvelé…
Si tout ce qui est reçu est reçu selon la manière d’être du récipient, il ne faut pas oublier que cette réception peut aussi exiger un changement radical dans l’être du récipient pour qu’il corresponde au contenu qui le dépasse… C’est ce qui arrive de manière particulière dans la rencontre entre le mystère de deux libertés humaines, mais plus encore dans notre rencontre avec la source même du mystère de notre existence… L’Heure où l’Aujourd’hui de la rencontre se produit est souvent un écartèlement…
Et, à bien regarder, c’est difficile qu’il en soit autrement.
Revenons à l’Évangile d’aujourd’hui: Comment les gens de Nazareth auraient-ils pu deviner ce qui se passait en retrouvant le fils de Joseph, le charpentier, qu’ils connaissaient si bien, ainsi que ses frères et sœurs (cousins et cousines), ainsi que sa mère Marie. S’il se contentait de faire des miracles on n’aurait pas eu de problème, le drame c’est qu’il exigeait une relation avec lui avec une force d’exclusive insupportable pour n’importe quel homme et encore moins pour un Juif fidèle à la loi de Moïse… Jésus apparaissait bien comme un vin nouveau capable d’éventrer les vieilles outres dans l’explosion d’une fermentation divine qui dérangeait tout… Se présenter comme un Rabbi, passe encore! Avoir des pouvoirs de thaumaturge, on peut en profiter! Se prétendre un prophète réalisant les prophéties, c’est un peu plus gros à avaler! Quant à insinuer qu’il était le Messie ou pis encore le Fils de Dieu, là vraiment il dépassait les bornes!!!
Vivant de l’héritage de vingt siècle de christianisme s’exprimant à la manière des autres expressions « religieuses » ou « sacrées » de l’humanité nous ne nous rendons pas compte que nous sommes souvent aux antipodes de ce que rencontrer et suivre le Christ signifie… Quelque chose s’est émoussé et la force décapante du message de Jésus a été désamorcée sous des tonnes de faux-semblant… En tout cas nous ne serions pas encore prêts à donner notre vie pour lui… ou à renoncer à nos commodités… Plus facilement, comme les gens de son village, nous deviendrons furieux contre lui, puisqu’il ne correspond pas à nos caprices, nous le pousserons hors de notre vie, hors de notre village pour le précipiter en bas… Pourtant, si nous voulons d’un Dieu qui s’adapte à nos vues, nous adorons une idole…
Voilà pourquoi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la foi en Jésus Ressuscité n’est pas une foi humaine, ni une simple foi religieuse, c’est un don de Dieu, c’est une réalité surnaturelle qui doit conduire notre intelligence vers ce dont elle est capable, l’homme est « capax Dei » (capable de Dieu), mais qu’elle ne pourrait jamais atteindre par ses propres forces…
Ainsi la foi, l’espérance et la charité dont nous parle la deuxième lecture ce sont des dons particuliers que Dieu veut faire à tout homme qui s’ouvre à l’action de son Esprit, à sa grâce. Souvent nous les confondons avec les passions de l’âme qui la mènent naturellement et nous passons à côté du don de Dieu. Souvent nous croyons pouvoir fonder le sentiment religieux simplement sur les valeurs humaines qu’impliquent ces passions de l’âme et nous confondons tout…
Quel amour humain peut correspondre à ce dont parle saint Paul pour l’avoir expérimenté:
« L’amour prend patience ;
l’amour rend service ;
l’amour ne jalouse pas ;
il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ;
il ne fait rien d’inconvenant ;
il ne cherche pas son intérêt ;
il ne s’emporte pas ;
il n’entretient pas de rancune ;
il ne se réjouit pas de ce qui est injuste,
mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ;
en tout, il supporte; en tout, il garde la foi;
en tout, il espère; en tout, il endure.
L’amour ne passera jamais. »
Il s’agit seulement de l’amour répandu dans nos cœurs par l’Esprit de Celui qui nous invite à aimer comme il nous a aimés, jusqu’à la croix…jusqu’a l’ennemi: nouveauté radicale! C’est cet amour-là qui rend possible le naturel de l’amour, de la confiance et de l’espoir humains…de n’importe quel engagement définitif… Sans cette racine surnaturelle, toute religion est verbiage et illusion…
La foi chrétienne dont il s’agit est vertu théologale, une grâce à demander et à accueillir pour vivre dans la charité sans laquelle la foi est morte… Dieu est amour! Qu’il dilate nos outres ou les renouvelle pour le vin nouveau de l’Heure des noces éternelles, Aujourd’hui: Pâque éternelle du Seigneur!
Bon dimanche!
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Catéchisme de l’Église catholique # 1165:
Lorsque l’Église célèbre le mystère du Christ, il est un mot qui scande sa prière : Aujourd’hui !, en écho à la prière que lui a apprise son Seigneur (cf. Mt 6, 11) et à l’appel de l’Esprit Saint (cf. He 3, 7 – 4, 11 ; Ps 95, 7). Cet « aujourd’hui » du Dieu vivant où l’homme est appelé à entrer est « l’Heure » de la Pâque de Jésus qui traverse et porte toute l’histoire :
La vie s’est étendue sur tous les êtres et tous sont remplis d’une large lumière ; l’Orient des orients envahit l’univers, et Celui qui était « avant l’étoile du matin » et avant les astres, immortel et immense, le grand Christ brille sur tous les êtres plus que le soleil. C’est pourquoi, pour nous qui croyons en lui, s’instaure un jour de lumière, long, éternel, qui ne s’éteint pas : la Pâque mystique (S. Hippolyte, pasch. 1-2).
31 janvier 2022, Saint Jean Bosco
S. Jean Bosco, père et maître des jeunes
LETTRE DE S. JEAN BOSCO À SES CONFRÈRES
Avant tout, si nous voulons nous montrer les amis du vrai bien de nos élèves et les amener à faire leur devoir, nous ne devons jamais oublier que nous représentons les parents de cette chère jeunesse qui fut toujours le tendre sujet de mes occupations, de mes études, de mon ministère sacerdotal, et de notre congrégation salésienne.
Que de fois, mes chers fils, dans ma longue carrière, j’ai dû me persuader de cette grande vérité : il est toujours plus facile de s’irriter que de patienter, de menacer un enfant, que de le persuader ! Je dirai même qu’il est plus facile, pour notre impatience et pour notre orgueil, de châtier les récalcitrants que de les corriger, en les supportant avec fermeté et douceur.
Je vous recommande la charité que saint Paul employait envers les nouveaux convertis à la religion du Seigneur, et qui le faisait souvent pleurer et supplier quand il les voyait peu dociles et répondant mal à son zèle.
Écartez tout ce qui pourrait faire croire qu’on agit sous l’effet de la passion. Il est difficile, quand on punit, de conserver le calme nécessaire pour qu’on ne s’imagine pas que nous agissons pour montrer notre autorité ou pour décharger notre emportement.
Considérons comme nos enfants ceux sur lesquels nous avons un pouvoir à exercer. Mettons-nous à leur service, comme Jésus qui est venu pour obéir, non pour commander. Redoutons ce qui pourrait nous donner l’air de vouloir dominer, et ne les dominons que pour mieux les servir.
C’est ainsi que Jésus se comportait avec ses Apôtres, en supportant leur ignorance, leur rudesse et même leur manque de foi. Il traitait les pécheurs avec gentillesse et familiarité, au point de susciter chez les uns l’étonnement, chez d’autres le scandale, et chez beaucoup l’espoir d’obtenir le pardon de Dieu. C’est pourquoi il nous a dit d’apprendre de lui à être doux et humbles de cœur.
Puisqu’ils sont nos enfants, éloignons toute colère, quand nous devons corriger leurs manquements, ou du moins modérons-la pour qu’elle semble tout à fait étouffée.
Pas d’agitation dans notre cœur, pas de mépris dans nos regards, pas d’injures sur nos lèvres. Ayons de la compassion pour le présent, de l’espérance pour l’avenir : alors vous serez de vrais pères, et vous accomplirez un véritable amendement.
Dans les cas très graves, il vaut mieux vous recommander à Dieu, lui adresser un acte d’humilité, que de vous laisser aller à un ouragan de paroles qui ne font que du mal à ceux qui les entendent, et d’autre part ne procurent aucun profit à ceux qui les méritent.
RÉPONS
R/ Gloire à Dieu qui donne avec générosité.
Dieu aime qui donne avec joie ;
il a pouvoir de vous combler.
Celui qui fournit au laboureur la semence et la paix,
vous donnera, à vous aussi, la semence en abondance.
Votre générosité ne pourvoit pas seulement
aux besoins de vos frères,
elle est encore source d’action de grâce envers Dieu.
ORAISON
Dieu qui as suscité saint Jean Bosco pour donner à la jeunesse un maître et un père, inspire-nous le même amour qui nous fera chercher le salut de nos frères en ne servant que toi seul.
6 février 2022, 5ème dimanche TO C
Bon dimanche de la folie de suivre le Christ Jésus…
Comment comprendre la décision des pêcheurs de Galilée de tout laisser pour suivre Jésus?
Comment comprendre l’incroyable revirement du rabbin Saul de Tarse de devenir adorateur d’un crucifié?
Certes les textes ne nous fournissent pas tous les détails que nous aurions aimé savoir: comment s’organisaient les premiers disciples du Galiléen pour manger, pour voyager, pour aller par-ci par-là…? Quel ferment messianique et quelle espérance politique pouvaient créer le climat propice dans ce peuple opprimé par les Romains, exploité par les publicains, terrorisé par les bandits et autres zélotes, subjugué par les rigidités pharisaïques et les rapacités sacerdotales, aux prises avec tous les maux de la nature et des mauvais esprits, etc.?
Pour Saul nous savons qu’il a eu une expérience formidable sur la route de Damas, mais quand même nous pouvons nous demander, comme ses compagnons pharisiens, s’il ne s’était pas cogné trop fort la tête en tombant sur la route?
En tout cas nous sommes forcés de constater le long cheminement des proches disciples de Jésus qui les transformera au même titre que la fulgurante conversion de Paul et de nous demander qu’est-ce qui s’est passé dans leurs vies?
C’est ce cheminement sinueux ou rectiligne que les lectures de ce cinquième dimanche ordinaire nous oblige à redécouvrir au moment du déclic. Au point de départ soit d’une pêche miraculeuse ou d’une bouleversante apparition, il y a une personne dont la rencontre ne peut laisser personne indifférent. Son regard il pénètre au plus profond du cœur de chacun et l’oblige à un choix pour ou contre sans ambages.
Qu’y avait-il dans cet homme pour qu’il exerce une telle emprise sur les gens et qu’il soit capable aujourd’hui encore de remettre en question quiconque en entend parler? Qu’est-ce qui peut toucher ainsi celui qui s’arrête un tant soit peu à considérer ce simple fils de charpentier?
J’aurais envie de répondre tout de suite: la Véracité et le feu d’un Amour sans condition qui brillait dans ses yeux, sa parole et sa vie… Bien sûr, les gens ne le diraient peut-être pas ainsi de prime abord, mais les cœurs qui deviennent brûlants quand il explique l’Écriture, les signes évidents des guérisons miraculeuses ou de cette pêche surprenante alors que toute la nuit on était resté bredouille… chacun a eu son point d’attache et tout en se posant des questions sur le personnage de Jésus on ne pouvait s’empêcher soit de le bénir, soit de le maudire: Signe de contradiction pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël a dit Luc au début de son Évangile en plaçant ses mots sur les lèvres du vieillard Siméon qui voyait vraiment loin…
Ceux qui l’ont suivi ont fait le saut de la foi humaine et religieuse, de la confiance en quelqu’un qui pouvait garantir le quotidien en ouvrant une perspective d’avenir pour un peuple écrasé…mais non point abandonné de Dieu… Une conscience nouvelle de leur condition de pécheurs graciés, touchés par le charbon ardent d’un brasier d’amour éternel…
Ils étaient loin de s’imaginer que cela les mènerait au Calvaire et au matin de Pâques, donc à quelque chose de plus grand et de plus exaltant encore que ce qu’ils pouvaient désirer dans leur dénuement: une irruption de Dieu lui-même dans leurs vies et une nouvelle capacité de voir et de comprendre tout à la lumière de Jésus. Si Pierre aura sa traversée du reniement, il fera une triple déclaration d’amour qui le portera à ne pas craindre de mourir pour un Jésus mort qu’il n’a pas pu suivre jusqu’au bout quand il était vivant… Quand même! Il faut une certaine folie! Il faut un changement total des paramètres d’une humaine logique et d’un combat terre à terre pour les nourritures terrestres qui animait ces pauvres pêcheurs de Galilée…
Finie la course vers l’argent, le pouvoir, la jouissance : désirs mondains et démons de ce monde…
Voilà pourquoi suivre le Christ ne sera jamais une humaine logique, mais une divine folie!
Gamaliel n’en reviendrait pas de voir son meilleur élève, Saul de Tarse tomber dans le piège si peu légal de la bénédiction d’un maudit crucifié…mais ressuscité… et tout est là! Qui peut comprendre qu’il comprenne! Tout est dit! À bon entendeur, salut!
13 février 2022, 6ème dimanche TO C
Bon dimanche des pauvres heureux de l’être et des riches malheureux de l’être…
Un compositeur belge, Theo Mertens, fait chanter dans un musical:
« Il y a des gens qui disent que l’argent ne fait pas le bonheur,
ce sont ceux qui en ont trop qui font courir la rumeur… »
Vraiment elle est dure la vie des pauvres… je dis la pauvreté matérielle, qui peut descendre jusqu’à la misère… et l’on doit se convaincre qu’il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu…
Mais d’autre part on se demande sérieusement aussi qu’est-ce qui fait le bonheur? C’est quoi être heureux?
Quand est-ce qu’une plénitude de vie est accessible à l’homme ici-bas?
Nous ne le savons que trop, le cœur de l’homme est insatisfait et inquiet, il ne se repose sur aucune de ses possessions. Il suffit d’obtenir ce qu’on désirait ou convoitait, d’en jouir quelques instants pour ne plus le désirer et tendre vers un autre bien à posséder, et ainsi de suite…
Et le poète déclare : « Un seul être te manque et tout est dépeuplé… »
N’est-ce pas dans sa relation avec les autres que l’humain expérimente ses satisfactions les plus profondes et des désillusions les plus cuisantes? Alors, il faut avouer que si l’argent peut acheter bien des choses, le ne peut pas acheter un regard d’amour vrai… « Qui offrirait toutes les richesses de sa maison pour acheter l’amour, ne recueillerait que mépris » dit le Cantique (8,7).
Or voici qu’en Jésus, c’est le regard d’amour même de Dieu qui se dévoile à nous, qui se pose sur nous!
Et ce regard se pose sur le plus faible et le plus petit…aussi intensément qu’il se pose sur le jeune homme riche…(Mc 10,21: Jésus le regarda et l’aima…), au point qu’il s’identifie à eux et fait de cette identification le critère du jugement dernier…
Il est tout aussi vrai que ce regard de Jésus est d’amour et de vérité et peut être sévère quand il se trouve devant le mensonge, l’hypocrisie et la mauvaise foi qui sont la marque du malin, alors il est navré de l’endurcissement du cœur de l’homme qui se ferme précisément au bonheur en se fermant à la vérité…(Mc 3,5: Regard de colère…).
On comprend alors le côté tranchant du début du sermon dans la plaine de s. Luc où l’invitation au bonheur est clairement lancée comme un avertissement, pas comme une malédiction au sens propre. C’est un constat de l’état dans lequel quelqu’un peut choisir de s’installer ou accepter d’être acculé et qui peut le conduire à être malheureux ou heureux dans la mesure où il se ferme ou bien s’ouvre à Dieu et aux autres, dans la mesure où il accueille ou non l’imprévu de Dieu dans sa vie, dans la mesure où il traverse cette condition en compagnie de Jésus ou sans lui:
Heureux, vous les pauvres…
Heureux, vous qui avez faim maintenant…
Heureux, vous qui pleurez maintenant…
Heureux êtes-vous, quand les hommes vous haïront, quand ils vous frapperont d’exclusion et qu’ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme.
Réjouissez-vous ce jour-là et tressaillez d’allégresse, car voici que votre récompense sera grande dans le ciel. C’est de cette manière, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais malheur à vous, les riches !…
Malheur à vous, qui êtes repus maintenant ! …
Malheur, vous qui riez maintenant!…
Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous ! C’est de cette manière, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser au prime abord, il ne s’agit pas d’un discours sociologique, ou d’une invitation à la lutte des classes ou encore à la haine contre qui que ce soit…
Ce n’est vraiment pas de cela qu’il s’agit, puisque les versets suivants invitent à aimer les ennemis et à faire du bien à ceux qui nous font du mal, il s’agit de l’accueil ou du rejet de la personne de Jésus qui peut nous conduire à vivre selon une logique nouvelle avec la garantie d’une relation nouvelle aussi avec Dieu.
C’est au cœur de cette relation unique que le pauvre et le persécuté au nom de Jésus sont heureux parce qu’ils ont la plus grande richesse: l’assurance d’un amour vrai et pour toujours!
Voici le Bonheur pour les pauvres…leur richesse absolue…
Le riche et celui qui s’est acheté une bonne réputation à force de manipuler l’opinion contre Jésus sont malheureux parce qu’ils passent à côté de la plus grande richesse: l’assurance d’être aimés gratuitement!
Voici le Malheur des riches: leur pauvreté radicale et définitive…
En suivant la logique des marchés de ce monde, la confusion de la hiérarchie des valeurs font que souvent les chrétiens travaillent au service du capital en transformant les pauvres en consommateurs aux désirs constamment inassouvis et capable des plus grands sacrifices pour l’acquisition de biens somme toute accessoires sinon dérisoires qui ne laissent qu’un goût de cendre… D’autre part les mêmes chrétiens se battent pour que les riches aident les pauvres, mais sans cesser des s’enrichir: c’est la quadrature du cercle…dans le capitalisme tout comme dans le communisme réel… En fin de compte nous suivons les schémas de ce monde (le système) où il nous faudrait vivre selon la dynamique du Royaume de Dieu: être dans le monde sans être du monde…
Croyons-nous vraiment au pouvoir de Dieu créateur et re-créateur dans la Résurrection, avons-nous pour seule lumière définitive l’assurance de l’union d’amour avec la source même de tout bonheur, capable de nous combler à l’infini?
Sinon quelle nouveauté sous le soleil et quelle espérance pour les petits?
Car si nous avons notre espérance dans le Christ seulement pour cette vie d’ici-bas, nous sommes les plus à plaindre des hommes! (1Cor 15,19)
20 février 2022, 7ème dimanche TO C
Bon dimanche du passage du terreux au céleste!
La Béatitude, le Bonheur des pauvres, des affamés, de ceux qui pleurent, de ceux qui sont haïs et exclus à cause du Fils de l’homme est un paradoxe qu’il semble pratiquement impossible de vivre, sauf si nous avons fait un passage du terreux au céleste… Sauf si nous sommes entrés dans la sagesse de la folie du Crucifié-Ressuscité… Autrement ce ne seront encore que des paroles…qui ne riment à rien…
Quand on pense que Ste Claire d’Assise a dû demander au Pape de lui accorder « le privilège de la pauvreté », on se dit qu’il fallait bien que le commun des chrétiens de l’époque soit aux antipodes de l’Évangile pour que la pauvreté évangélique devienne une réalité tellement rare qu’il a fallu demander la permission pour la vivre…à la manière de Fils de l’homme qui n’avait pas où reposer la tête…
Notre argile et la boue d’où nous provenons, la poussière et la cendre où nous retournerons nous ont vraiment fait tourner la tête pour nous croire ce que nous ne sommes pas et pour ne pas être ce que nous sommes: néant, moins qu’un souffle… C’est pourquoi il nous faut perdre la tête selon le monde pour trouver notre vraie grandeur selon le ciel. Tous ceux qui ont vraiment rencontré le Christ en témoignent, mais qui voudra écouter?
C’est trop lourd et trop dur à porter ce détachement, cet arrachement, cet éloignement de nous-mêmes et des instincts et des affects et des consolations humaines, malgré leur goût amer…et leur dégoût final… Pourtant précisément c’est par ce dégoût que notre conscience sera avertie d’un autrement et d’un supplément d’âme plus fort et plus vital que tout ce que nous perdons ici-bas en suivant la voie tracée par le Christ Jésus… Il nous offre la douceur d’un amour qui nous apprend à avoir pitié de ceux qui n’y ont pas encore goûté, car ils ne savent pas ce qu’ils sont ni ce qu’ils font… Père, pardonne-leur… Père apprends-moi à leur pardonner comme une crucifixion de mon vieil homme, frappé à mort, mais que je remarque encore vivant chez les autres et ce reflet de moi-même m’énerve… puisqu’au lieu de faire surgir cette immense compassion du Père pour ses fils perdus, je pourrais avoir l’attitude du frère aîné qui ne comprend pas la miséricorde et qui regrette de ne pouvoir utiliser les moyens charnels de ce monde…
Il faut définitivement y renoncer et se laisser dépouiller peu à peu, se vider de soi-même, de son orgueil et de son amertume pour accueillir le seul visage de Dieu qui ne nous trompe pas, celui du crucifié! Et ne plus voir que lui dans les contradictions de chaque frère et les nôtres pour rester à notre place et laisser à Dieu le jugement final et la vengeance de l’amour…
Quelle grandeur d’âme chez David! Il correspond bien au choix que le Seigneur avait fait de lui… Même dans ses égarements les plus répugnants il a su crier son « miserere » (Ps 50) qui ne saurait ne pas toucher le cœur de Dieu qui est tendresse et pitié…
Mais le Fils de David promis c’est plus encore et à l’infini, au-delà du terrestre, du terreux, il nous offre le céleste de pouvoir être miséricordieux comme notre Père des cieux et nous n’en revenons pas…
Voici comment les pauvres, les affamés, ceux qui pleurent, ceux qui sont haïs et exclus à cause du Fils de l’homme sont vraiment, définitivement heureux! Ah! Si nous pouvions partir à la conquête de ce ciel-là! Inaccessible à nos fusées construites sur la souffrance des autres, accessible à tous les piétinés et damnés de la terre qui ont le bonheur d’être rejoints par Celui qui a osé dire et vivre: « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. » Vertige total! Regarder la terre et nos frères à partir de Dieu, du haut de la croix! Joie sans fin!
27 février 2022, 8ème dimanche TO C
Bon dimanche de la peine jamais perdue…
« Peine perdue! » c’est l’expression de découragement qui s’empare souvent de nous quand nous ne réussissons pas à plier la nature ou les autres à notre volonté ou à nos caprices…
Aujourd’hui le Christ nous invite à ne pas gaspiller nos énergies, donc perdre notre peine, à:
– vouloir guider les autres en étant soi-même aveugle;
– prétendre dépasser notre maître sans avoir terminé la formation;
– essayer d’enlever la paille dans l’œil des autres sans voir la poutre dans le nôtre;
– attendre que des bromélias communs produisent des ananas;
– croire aux paroles d’un homme de mauvaise foi…
Car les apparences sont trompeuses, il faut que les fruits tiennent la promesse des fleurs pour qu’on puisse se fier. Tout est dans l’état du cœur, c’est-à-dire du centre de décision de la personne, de son intelligence, de sa volonté et de sa liberté bien orientées : « L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » (Lc 6,45).
Il y a un donc un décalage fatal dans nos vies que seule la grâce peut réajuster: tant que nous n’avons pas encore compris qui nous sommes pour Dieu et ce qu’il attend de nous, il y a une fissure, un écart où le père du mensonge peut s’introduire et nous déconstruire (Jn 8,44: « Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était homicide dès le commencement et n’était pas établi dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge »).
La rencontre avec le Ressuscité nous réajuste et nous permet de faire la vérité avec nous-mêmes dans la charité. Sa lumière dénonce notre mal le plus profond, comme il l’affirme en promettant d’envoyer le Paraclet qui « une fois venu, établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement : de péché, parce qu’ils ne croient pas en moi ; de justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus ; de jugement, parce que le Prince de ce monde est jugé » (Jn 16, 7-11).
Alors notre combat quotidien c’est pour « faire la vérité dans la charité » (Eph 4,15), devenir vrais, nous réajuster afin que ce que nous sommes au-dedans ne soit pas différent de ce que nous exprimons au-dehors, c’est-à-dire notre être profond de « fils » et « filles » de Dieu dans son Unique Fils que nous sommes dès maintenant. Il nous est donné de vivre selon cette grâce malgré les doutes que le menteur voudrait nous suggérer… alors nous ne perdrons jamais notre peine:
– nous viendrons à la lumière et nous y marcherons, cela pourra éclairer d’autres peut-être…
– nous imiterons notre Maître et Seigneur indépassable sur la croix…
– nous laisserons notre frère enlever la poutre de notre œil…en lui lavant les pieds…
– nous ne seront pas déçus des fruits amers que l’on peut trouver mais nous travaillerons pour la greffe salutaire qui suppose bien des émondages, sarclages et tellement de patience…
– nous ne jugerons pas sur les apparences et nous sonderons les racines profondes des discours…
L’Esprit de vérité nous donnera le discernement nécessaire pour que notre peine s’applique là où cela en vaut la peine: notre possible transformation, l’espérance de notre résurrection à vivre et à mettre en œuvre au quotidien… Victoire sur le mensonge, sur le péché, sur la Loi de Moïse, sur la mort!
Que ce que dit notre bouche et ce qui déborde de notre cœur soient la bonne odeur du Christ!
« Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire
par notre Seigneur Jésus Christ.
Ainsi, mes frères bien-aimés,
soyez fermes, soyez inébranlables,
prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur,
car vous savez que, dans le Seigneur,
la peine que vous vous donnez n’est pas perdue!
2 mars 2022 Mercredi des Cendres
Discrétion, vie intérieure, intimité avec Dieu, retour sincère vers lui dans une prière personnelle qui nous ouvre à une rencontre avec la source de toute vie et de tout bonheur qui sera notre vraie conversion…
Sa Parole nous suffit… Au chemin du désert il nous attend…
Miséricorde et compassion: les besoins matériels de nos frères sont des besoins spirituels pour nous, et leur faim spirituelle une urgence qui n’admet pas de retard…demain pourrait être trop tard…
Bon chemin de Carême et bonne montée vers Pâques!
6 mars 2022 1er dimanche de Carême
Bonne entrée au désert où le combat s’intensifie…et la victoire à portée de main…
Toute la vie chrétienne est une marche victorieuse pour libérer ceux que l’enfer ou les portes de la mort ou la peur de la mort retiennent captifs…
Cela n’a rien à voir avec les luttes fratricides depuis Abel le juste jusqu’au dernier enfant avorté hier soir, luttes qui vont de la fronde à la bombe, dans une progression mortifère qui finira par désorbiter notre terre après avoir rendu la vie humainement impossible ici-bas…
Non, le combat chrétien est bien plus terrible, malgré les apparences, car il s’agit de tuer en moi le vieil homme, pas de tuer le frère en face de moi…
Ce terrain miné de ma mauvaise conscience qui s’évertue à se masquer et à louvoyer est immense… Il est d’autant plus menaçant qu’il fait semblant de ne pas l’être…
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas jouer avec nos serpents originaires qui constamment inventent de nouvelles astuces pour nous dépister…
Il nous faut nous tenir sur la corde raide de la droiture et du constant réajustement de notre être appelé à devenir lui-même en faisant la vérité dans la charité grâce à ce face à face avec la lumière de la Parole du Créateur et Rédempteur, océan infini de miséricorde, abîme insondable du vrai bonheur de se donner par amour…
Voilà pourquoi il nous faut chaque jour « faire ceci en mémoire de…lui », c’est-à-dire nous replonger dans la fraîcheur des eaux du matin de Pâque de notre baptême pour ressusciter avec lui… Nous nourrir du Ressuscité pour vivre en réssuscités…
Voilà pourquoi pendant ces quarante jours de Carême nous sommes invités à intensifier nos exercices spirituels pour remettre nos pendules à l’heure et vaincre l’ennemi avec les armes de l’Esprit…
Pour ne pas nous fourvoyer, la pédagogie bi-millénaire de l’Église nous renvoie à des choses toutes simples et pourtant tellement essentiels… Il s’agit de faire attention à ce qui en nous n’est pas du tout de l’ordre de notre animalité: prier pour découvrir la volonté de Dieu et avoir la force de l’accomplir; jeûner pour permettre à l’Esprit de Dieu de produire en nous son fruit de maîtrise de soi; partager pour ouvrir nos mains et nos cœurs peu à peu au don total de nous-mêmes… C’est ainsi que le démon du pouvoir est vaincu, car la prière nous pousse à faire la volonté de Dieu et non la nôtre; le démon du plaisir est terrassé car notre chair n’a plus le contrôle de notre vie; et le démon de l’argent-avarice est réduit en poussière car nos biens ne nous asservissent plus…
Quelle liberté pour celui qui comprend que l’obéissance (la prière), la chasteté (le jeûne) et la pauvreté (l’aumône) sont la condition normale de vie du disciple authentique du Christ, dans n’importe quel état de vie!
Ayant résisté cette année encore aux pièges de l’ennemi pour garder notre liberté, quand le diable aura « épuisé toutes les formes de tentations », il s’éloignera de nous, comme de Jésus « jusqu’au moment fixé »…
Il recommence toujours ses manèges, jusqu’au jour où il nous faudra rendre l’âme, mais nous ne craignons rien car comme nous le rappelle saint Paul: « Si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé ». La confession de foi, la certitude de l’amour et l’assurance de l’espérance de notre propre résurrection c’est déjà maintenant notre vie en plénitude, c’est-à-dire notre bonheur: le salut! Vienne donc l’instant final si nous vivons chaque instant comme si c’était le dernier…
Alors la métaphore d’un pays « ruisselant de lait et de miel » nous conviendra parfaitement au cœur du désert, car elle décrit la condition de celui qui a retrouvé la grâce de Dieu et y demeure. Il sait que toute la création est à lui, qu’il est au Christ et que le Christ est à Dieu: Vie en plénitude!
13 mars 2022 2ème dimanche de Carême
Bon dimanche du corps de misère devenant corps de gloire!
L’annonce de la bonne nouvelle de Jésus Ressuscité dans le Nouveau Testament se fait le plus souvent en insistant sur les binômes : Abaissement – Élévation; Humiliation – Glorification; Mort – Résurrection; Corps de misère (pauvres corps) – Corps de gloire (corps glorieux)…
On pourrait considérer d’autres binômes comme: Péché – Grâce; Œuvres de la Loi de Moïse – Œuvres de la Foi en Jésus; Ancienne Alliance – Nouvelle Alliance; Sacerdoce selon Aaron – Sacerdoce selon Melchisédech; Commandement ancien – Commandement nouveau; Premier Adam – Dernier Adam (le Christ); Cité terrestre – Cité céleste, et ainsi de suite.
Aujourd’hui, pour notre deuxième dimanche de Carême, le récit de la Transfiguration invite à considérer avec la lettre aux Philippiens le binôme Corps de misère (pauvres corps) – Corps de gloire (corps glorieux) qui correspond aussi à celui de Corps animé (corps psychique, donc vivant du principe immatériel de la vie d’ici-bas) – Corps pneumatique (corps spirituel de ressuscité vivant selon l’Esprit de Dieu) dont parle aussi Paul dans 1 Cor 15 (et cela vaudrait la peine de relire tout ce chapitre, ce dimanche-ci pour mieux en comprendre l’enjeu…).
Pour certains penseurs, l’homme n’est qu’un tube digestif relié à des membres… Alors on comprend alors de cri de Paul qui déclare que pour certains : Leur dieu c’est leur ventre! « Beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre » (Phl 3, 18-19). Personne ne doute qu’une nourriture équilibrée soit nécessaire à la vie de l’homme sur terre et que nous ne sommes pas seulement une « res cogitans », une « substance pensante » comme le voulait Descartes, mais déjà Aristote se moquait du roi qui disait: « Je suis ce que je mange », car selon lui seul un animal irrationnel pourrait dire une chose pareille. Cette soumission à la matière, cet esclavage du charnel nous conduit du matérialisme à l’hédonisme le plus plat, le plus cynique qui fait fi de la vie et de la dignité des autres pourvu de se satisfaire… c’est la jungle de ce monde livré à tous ses démons… Si une autre dynamique ne vient nous réveiller de la torpeur ainsi que de la rage infra-animale qui s’empare des hommes et de nations en ce début du vingt-et-unième siècle…
Celui qui disait qu’il fallait « manger sa chair » et « boire son sang » (Jn 6, 53-58), disait aussi au même endroit que « la chair ne sert de rien, c’est l’Esprit qui vivifie! » (Jn 6, 63). Il s’est fait chair pour devenir esprit vivifiant pour que par lui nous puissions devenir ce que nous mangeons, effectivement, le Corps du Christ, parce que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui vient de Dieu et qui nous apprend que la vraie vie c’est de donner sa vie…
Le Ressuscité peut alors tout mettre à ses pieds…
La vision du corps de gloire du Christ à la Transfiguration sera la clé de compréhension de toute sa vie: la voix qui avait résonné sur les eaux du Jourdain résonne encore sur la montagne de la Transfiguration: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le! »
Le mystère du Christ et de sa gloire de Fils de Dieu s’est dévoilé devant les disciples par l’éclat de son corps de lumière, corps de gloire, tandis qu’il allait vers sa passion…
C’est l’étrange paradoxe du Fils de Dieu – Fils de l’homme, que l’Église mettra des siècles à exprimer en des termes précis (vrai Dieu et vrai homme, consubstantiel au Père, fait chair pour notre salut…) pour protéger le mystère inouï du Dieu-Amour dont le Fils bien-aimé fait homme est la Parole que nous devons accueillir pour en être nous aussi illuminés, transformés en attendant notre résurrection où tout notre être vivra du Christ, notre tête. Voici la ré-capitulation à désirer en faisant tout pour ne pas être dé-capités et ne jamais capituler devant les forces de désagrégation de la matière…
La vie de l’âme, c’est-à-dire notre principe de vie incorruptible parce que non seulement immatériel, mais plus encore spirituel, est bien plus que ce que nous mangeons, puisque tandis que notre corps change et renouvelle se cellules chaque sept ans dit-on, l’âme demeure même au-delà de la dissolution des éléments corporels. C’est pourquoi Jésus disait: « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais qui ne peuvent tuer l’âme » (Mt 10, 28). Et ceux qui tuent le corps, ce sont tous les assassins et seigneurs de la guerre de tous les temps dont Moïse et Élie parlaient certainement à Jésus: la Loi et les Prophètes témoignent que les justes seront persécutés injustement pour leur justice par des suppôts de Satan qui souvent s’ignorent et n’en sont pas moins terriblement efficaces dans l’imitation de leur père, homicide dès l’origine…
Donc, à la question: Y-a-t-il une autre dimension? Jésus répond: Oui par toute sa vie…
S’agit-il d’un arrière-monde? D’un autre monde? Il nous répond qu’il s’agit plutôt d’un intra-monde, d’un autrement dans le monde, lui en qui habitait corporellement toute la plénitude de la divinité (Col 2,9). La Transfiguration nous le prouve…
Le ciel n’est pas un ailleurs, car il serait limité dans l’espace et le temps… Il est l’autrement du Dieu-avec-nous, Emmanuel, même et surtout sur la Croix. Cette dernière est le chemin de l’Exode, de la Pâque, de la sortie de ce monde-ci en y étant pleinement: apprentissage d’un amour absolu qui ne saurait attendre demain pour une réponse que seul l’aujourd’hui peut donner…
Dieu s’engage le premier dans cette Alliance, depuis la création, depuis Abraham en promesse et depuis Jésus en réalisation définitive et éternelle, alors, nous le savons comme dit le Psalmiste:
J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »
Ton corps de misère uni au Corps Eucharistique du Christ et broyé sous la dent des suppôts des ténèbres est en train de devenir corps de lumière, transparence de l’Emmanuel, corps de gloire!
20 mars 2022 3ème dimanche de Carême
Bon dimanche de la catastrophe imminente et du risque de la patience…
Les lois de la nature peuvent nous prendre par surprise et nous plonger soudain dans la catastrophe…
La loi de la liberté humaine fait partie de ces lois de notre nature et elle peut aussi causer bien des dégâts…
Deux exemples nous sont présentés dans l’Évangile d’aujourd’hui et un avertissement urgent si nous ne respectons pas la règle de notre être et de notre agir sur terre: 1) une tour qui s’écroule; 2) un massacre sacrilège; 3) une vigne infructueuse.
Autour de la Tour de Siloé…:
Notre intelligence, en découvrant les lois de la nature, doit apprendre à les appliquer de manière drastique pour éviter les catastrophes dans l’utilisation de ces éléments pour atteindre des objectifs déterminés par nos besoins naturels ou artificiels… Mieux construire (pour se protéger contre les tremblements de terre, les tempêtes, les raz-de-marée, les incendies, etc.), mieux soigner (pour se protéger des bactéries, microbes, virus; pour réparer les organes et les os, etc.), mieux prendre soin de cette planète qui est la nôtre et tellement spéciale… De la fronde à la bombe, de l’âge de la pierre à l’ère de la fission ou de la fusion de l’atome, l’intelligence de l’homme a fait un bond incroyable dans la connaissance de la matière tout en comprenant qu’il lui reste encore plus à découvrir.[1] Cependant l’homme tremble aussi face au danger que la manipulation de ces éléments représente pour sa propre existence… Saurons-nous comprendre à temps et respecter suffisamment les normes d’équilibre de notre univers pour ne pas détruire toute vie humaine possible? Cela dépendra alors en grande partie de la loi de la liberté humaine…
En face du massacre des Galiléens…:
Au cœur de la nature avec ses lois déterminées et ses indéterminismes (semble-t-il), il y a notre propre liberté avec ses choix qui doivent se régler sur une loi de la conscience dans le discernement du bien à faire et du mal à éviter. C’est ce qu’il y a de plus spécifique, intime, personnel chez chacun de nous constituant ainsi notre « identité ». Le tribunal de la conscience auquel personne ne peut échapper est implacable… et le geste le plus impie c’est celui qui a poursuivi Caïn entendant la voix du juge lui dire: « Qu’as-tu fait ! Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! ». Et la marque caïne comme le péché originel poursuivent leur course de vengeance insensée… jusqu’à Celui qui nous apprendra à refuser la voie de Lamek pour pardonner jusqu’à soixante-dix fois sept fois… Mais, qui voudra apprendre?
La patience d’un jardinier…:
Un figuier qui fatigue la terre parce qu’il ne porte pas de fruit, un propriétaire qui veux l’arracher tout de suite, un jardinier qui demande une chance, car peut-être il n’en avait pas pris soin suffisamment et voudrait essayer avec un peu plus de fumier… « Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas ». Risque de la patience… patience du risque… Risquer la patience parce qu’on ne sait pas si cela changera quelque chose, d’une part; souffrir, pâtir le risque parce qu’on ne veut pas rester les bras croisés, d’autre part… Avoir le goût du risque et le sens de la catastrophe pour ne pas prétendre changer le réel et en particulier la fermeture irrémédiable des cœurs qui se livrent au diable…
Un avertissement…:
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même… »
Que vous soyez plus pécheurs ou moins pécheurs, la nature ou la folie humaine peut vous faucher à n’importe quel moment. La seule chose qui doit vous intéresser c’est de bien utiliser le sursis qui vous est accordé pour porter du fruit. C’est-à-dire vous tourner vers Celui qui seul « est » et vous donne d’être dans ce temps fugace pour un fruit d’éternité… Le seul qui puisse dire « JE SUIS » de manière absolue comme plénitude de l’existence, le « JE SUIS » du buisson ardent qui voit la misère de son peuple et nous demande de nous en occuper en son nom, celui en dehors duquel tout est « néant » nous invite à protéger et défendre le faible, l’inconnu qui passe contre les voleurs et les bandits légaux ou illégaux de ce monde, sinon c’est nous-mêmes qui seront agressés avec une conscience marquée au fer rouge de la complicité du silence et de l’inaction…récriminant contre Dieu qui ne fait rien alors qu’il souffre dans le plus petit…et que nous ne faisons rien…
L’exemple du peuple qui refuse de prendre ses responsabilités et qui déclare Dieu sourd à ses prières nous est proposé pour que l’avertissement soit clair et que notre constance dans le combat soit à toute épreuve parce que nous savons en qui nous avons mis notre confiance.
Une dernière considération…:
Il nous faut savoir que même si pour les vivants, vivre c’est exister et pouvoir dire « Je suis » pour les vivants intelligents c’est vraiment exister, nous ne pouvons pas réduire l’existence à la vie biologique, celle du corps qui nous occupe tant et si bien que nous pouvons arriver à vivre pour manger (comme l’Épulon dans un regard pour le pauvre Lazare), au lieu de manger pour vivre (comme le conseillait l’Harpagon qui vivait pour entasser des richesses!). Il ne faut pas non plus réduire l’existence au vertige du pouvoir et de la domination sur les autres ici-bas, les asservir au lieu de les servir… Ni non plus réduire l’existence à la vie de l’intelligence, la spirale vertigineuse de l’accroissement des connaissances doivent élargir la conscience de nos limites devant un univers qui nous dépasse à l’infini…
Tout cela est caduc et appelé à disparaître.
La vraie vie qui nous fait exister pour de bon est celle de l’Esprit qui nous unit à la source même de toute existence et qui nous donne de dire notre petit « je suis », dans le grand « JE SUIS » de Dieu par la puissance du Ressuscité qui a dit: Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, vous saurez que Je suis! C’est lui qui nourrit notre faim (pain de vie, pas simple manne), qui soutient notre faiblesse et garantit notre victoire sur le mal et la désagrégation par la force du pardon et de la miséricorde…
Périr de la même manière que les victimes de la Tour de Siloé et les massacrés de Pilate, c’est réduire l’existence à l’une de ses dimensions passagères et juger tout à la lumière de la force humaine ou d’un sacré manipulé en vue d’obtenir les avantages, conforts et nourritures terrestres: pure folie!
Dans le temps de la patience de Dieu qui nous garde en vie ici-bas pour nous apprendre à tendre vers les biens véritables, à les désirer et à en produire les fruits par une conversion vraie, sans avoir peur du creux que cela implique…
Nous gémissions intérieurement, dit saint Paul, en attendant la rédemption de notre corps, puisque nous sommes sauvés, mais en espérance. Ce gémissement est aussi et avant tout un soupir de joie profonde calme et prolongée (laetare) puisque ce que nous attendons est tellement plus grand que ce que nous pourrions redouter ici-bas… Alors le gémissement devient le refuge, la source et l’expression du bonheur possible maintenant. Étrange paradoxe: un creux, un manque, un vide qui est l’unique plénitude dans le temps, car nous savons en qui nous avons mis notre confiance… Vienne notre Pâque!
27 mars 2022 4ème dimanche de Carême
Bon dimanche de la joie du retour au Père!
Se ressaisir et faire volte-face, parce que la pesanteur de nos péchés n’est soulagée que par le souvenir de la bonté du Père, même pour le plus simple de ses ouvriers. Voilà ce qui fait craquer la chape de béton qui ensevelissait l’enfant prodigue: Mon père n’est pas méchant… Et cela suffisait pour qu’il trouve la force de se lever, de se relever, avec toute sa honte et sa faim pour retourner chez son Père, conscient de sa bêtise et de sa déchéance.
Le carême est marche et rencontre:
– marche dans le désert avec la certitude que ma solitude n’est pas seulement habitée par mes démons qui se démasquent et attaquent de front, mais aussi et surtout par une soif profonde qui tend vers une plénitude et qui est déjà un oasis au fond de mon cœur…
– rencontre avec la source qui murmure et me dit: Viens vers le Père! Cette source c’est le Ressuscité lui-même, présence discrète et souvent imperceptible qui me brûle cœur au carrefour des Écritures pour vaincre mes démons et sortir des tristes prisons et tombeaux où je m’enfonce et m’enferme, parce qu’il m’a dévoilé le vrai visage du Père…
Seul ce dévoilement nous fait entrer dans la terre promise où ce n’est plus la manne, ni les nourritures terrestres, mais le pain de vie éternelle déjà à notre portée qui nous est offerte: Hors la vie éternelle c’est qu’ils te connaissent le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé Jésus-Christ.
Alros le cri de Paul retentit avec force: Laissez-vous réconcilier avec Dieu! Il est bon pour les justes et les injustes, il s’invite à la table des pécheurs pour pouvoir les accueillir, graciés et réconciliés, à sa table! Ton frère était mort, il est revenu à la vie! Joie et fête pour un seul pécheur qui revient à la maison, qui ressuscite!
La réconciliation avec Dieu est une nouvelle création. Là où notre péché a néantisé et dé-créé, Dieu et lui seul peut re-créer…
Il est intéressant de remarquer que le cœur de Dieu est toujours ouvert pour nous et nous supplie de nous laisser réconcilier. Effectivement, la fermeture du cœur est de notre côté, c’est nous qui avons honte et peur, qui nous cachons et par orgueil résistons à l’amour de Dieu… nous voulons réduire Dieu à notre image, alors que c’est le contraire qui doit se produire… nous devons nous dilater à la mesure sans mesure de son amour qui nous a créés à son image et ressemblance, qui nous a faits tournés vers lui avec cette inquiétude au cœur qui ne s’apaise que quand nous reposons en lui…
Ce n’est pas nous qui implorons le pardon, c’est Dieu qui nous supplie d’accueillir le sien… Vraiment étrange et pourtant…! « …C’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu! ».
Entrez dans la joie de tous vos frères qui ont accueilli l’amour du Père, le cœur libre pour la fête sans fin!
Réjouissez-vous! Laetare!
3 avril 2022 5ème dimanche de Carême
Bon dimanche du passage de la résignation à la joie par la contrition…
Le danger d’être lapidée, la honte et le déshonneur d’être trainée publiquement en jugement auraient suffi pour engloutir cette femme dans le désespoir non seulement face aux êtres humains, mais aussi face à Dieu… Car elle n’avait pas péché seule, mais c’est elle seulement qui devait subir les rigueurs de la loi de Moïse et de la dureté de cœur des hommes qui ne condamnent aucun mari pour adultère… mais si le Lévitique (20,10) prévoyait le même châtiment pour les deux coupables, son compagnon de péché n’est pas mentionné, on ne parle que de ce qui concerne la femme… (Jn 8,5).
Certainement elle était résignée à son sort, consciente de son péché et pas innocente comme la Susanne du récit de Daniel (chapitre 13 de la Vulgate <https://www.aelf.org/bible/Dn/13>) injustement accusée par des vieux qui voulaient abuser d’elle qui leur résistait. La femme adultère de l’Évangile d’aujourd’hui, abandonnée par son mari qui n’en voulait plus et de son complice qui a dû fuir le danger était seule dans sa culpabilité, sans défense, sans Dieu, sans consolateur…
Intolérance, hypocrisie, mensonge d’une société et d’une religion bien liée aux préjugés de cette société… La femme adultère n’a aucune porte de sortie.
Mais ce jour-là, un jeune Rabbin dérangeant les discours et les privilèges des administrateurs du sacré, se présentant comme plus grand que Salomon, plus grand que Jonas et plus grand que Moïse était dans les parages: occasion rêvée pour le piéger… Et tous nous connaissons la scène pleine de suspens, de silence assourdissant et de quelques phrases plus lapidaires que toutes les pierres brandies par les justiciers injustes:
injustes:
–– « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre! ». Cette parole de Jésus réinterprète l’indication du Deutéronome (17,6-7: « On ne pourra être condamné à mort qu’au dire de deux ou trois témoins, on ne sera pas mis à mort au dire d’un seul témoin. Les témoins mettront les premiers la main à l’exécution du condamné, puis tout le peuple y mettra la main. »). En demandant que ce soit celui qui est sans péché qui jette la première pierre, Jésus renvoie les témoins à leur propre conscience, puisque souvent le péché se trouve dans les yeux de celui qui regarde, il voit la paille dans l’œil de l’autre mais pas la poutre dans le sien… Le proverbe anglais dit bien: « It takes one to know one » (Il faut l’être pour le reconnaître)… Comme les « gérontes » présents ont eu honte à leur tour et sont partis les premiers, suspendant ainsi tout le processus d’exécution. Jésus a touché le fond de leur conscience et arrêté leurs mains prêtes à verser le sang… Ils ont été invités à la repentance… Jésus est plus grand que Salomon!
Puis c’est le tête-à-tête entre Jésus et l’accusée:
–– « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » – « Personne, Seigneur ». « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. ». Voici la nouveauté inouïe dans la vie de cette femme! Elle échappe à la lapidation, elle échappe à la honte, elle échappe au déshonneur, mais surtout elle échappe au mensonge de son péché. Jésus ne lui fait pas un discours sur le fait que les autres ne sont pas meilleurs qu’elle, ou que la société est bien hypocrite et peu inclusive, etc. Il la renvoie à la vérité de son être et de sa dignité. Sa chute, ses passions, son péché ne sont pas le dernier mot de sa vie, elle est bien plus que ça! Elle est fille de la grâce qui la remet sur pied: « Ne pèche plus! » Voilà ce qu’il faudrait pouvoir dire et aider à vivre à chaque être humain au cœur de sa déchéance pour que la nouveauté s’installe et que la joie de Pâque éclate… Pour que qu’il puisse passer de l’attrition à la contrition du regret par amour pour Dieu si miséricordieux et sauveur… Pour que le passé soit dépassé et que tendu vers l’avant nous puissions étreindre celui qui nous a embrassés du haut de la croix… Pour qu’une nouvelle création pointe à l’horizon, bourgeonne au fond de nos cœurs et éclate en vie éternelle…
Aujourd’hui il y a une manière de parler de l’accueil et de l’inclusion et de la tolérance qui est une manœuvre diabolique d’enfoncer les autres dans leur déchéance en en faisant une « normalité » ou pire encore une « norme » alors qu’il s’agit d’une « énormité » qui défigure totalement l’autre et provient d’une réduction de la personne et d’une volonté de manipulation absolue en tuant la conscience et le sens même du péché… Promotion de la dépravation, rejet des exigences l’Évangile pour une Église à la mode du jour, acceptant les pressions des mass-médias… Politique de l’autruche, car cet esclavage ne peut satisfaire la soif d’absolu et d’air pur du cœur de l’homme… La vérité fait sortir les captifs de leur prison, leur offre la vraie liberté… Le poète-prophète nous parle au nom du Seigneur qui dit: « J’ai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides, pour désaltérer mon peuple, celui que j’ai choisi. Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. » Le psalmiste supplie: « Ramène, Seigneur, nos captifs, comme les torrents au désert. »…
Puissions-nous nous laisser saisir par le Christ… Puissions-nous entendre, accueillir et vivre, nous aussi cette parole de libération à la fin de nos confessions pour ce temps de Pâque qui approche: Tes péchés sont pardonnés. Va, et désormais ne pèche plus!
«Il s’agit pour moi de connaître le Christ,
d’éprouver la puissance de sa résurrection
et de communier aux souffrances de sa Passion,
en devenant semblable à lui dans sa mort,
avec l’espoir de parvenir
à la résurrection d’entre les morts.
Certes, je n’ai pas encore obtenu cela,
je n’ai pas encore atteint la perfection,
mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir,
puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus.
Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela.
Une seule chose compte :
oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant,
je cours vers le but en vue du prix
auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.»
10 avril 2022 Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur
Bonne entrée dans la Grande Semaine, la Sainte Semaine, pour une rencontre totale avec le Ressuscité!
La foi chrétienne, avant d’être un ensemble de doctrines élucidées au long des siècles par l’Esprit Saint qui conduit à la vérité tout entière, avant d’être une série de normes morales qu’on croit pouvoir imposer de l’extérieur, est un événement…
Le christianisme n’est pas une « religion » comme les autres, ni une religion du livre ou une secte philosophique de prétendus connaisseurs (gnostiques) ou de prétendus détenteurs de formules magiques ou de techniques efficaces résolvant les problèmes quotidiens et les déséquilibres physiques ou psychiques…
Non!
La foi chrétienne est un événement historiquement concentré en trois jours mais désormais dilaté sur tous les instants du temps humain.
La foi chrétienne est un événement ou mieux un bouleversement provoqué par la Rencontre de Quelqu’un qui est pleinement vrai et véridique et dont la seule lumière dessille nos yeux et déjoue les pièges du Tentateur, le menteur…
Ceux qui furent les premiers à subir l’onde de choc de cet ébranlement de tout leur être, corps et âme, intelligence et volonté, passions et instincts, étaient vraiment loin de s’attendre à pareille chose. La surprise a été aussi totale que la transformation de toute leur vie qui s’en est suivie.
Le dénouement de l’histoire de la vie de Jésus n’en a pas été la fin mais, au contraire le commencement absolu. Ce que les disciples de Jésus ont du boire (le calice promis), ce en quoi il ont été plongés (leur baptême) est devenu leur nouvelle naissance, le nouveau point de départ de leur vie et l’unique nouvelle capable de désamorcer toutes les bombes de haine et les engins de destruction que la jungle humaine utilisera pour les empêcher de parler et d’annoncer ce qu’ils ont vu, entendu, touché et vécu… et qu’ils ne pourront plus jamais taire, même si on les élimine…
Ils vivent dans un souvenir? Non! Ils vivent dans la présence d’un vivant pour l’éternité et d’un amour inouï pour lequel ils peuvent tout sacrifier ayant trouvé la pierre précieuse, le sens ultime de leur existence. Alors ils ne cessent de dire, même avec la bouche close:
« Nous annonçons ta mort, Seigneur Jésus
et nous proclamons ta résurrection
jusqu’à ce que tu viennes! »
C’est l’Anamnèse (le mémorial) de la liturgie latine après la consécration du pain et du vin, chaque jour, chaque dimanche, chaque année à Pâques. Le Kérygme inlassablement claironné:
« Mortem tuam annuntiamus, Domine,
et tuam resurrectionem confitemur,
donec venias. »
Jusqu’à ce que tu viennes! (donec venias). Ce « donec » du latin qui signifie jusqu’à ce que, tant que, aussi longtemps que, et qui se perd dans bien des traductions dans les langues modernes, permet de situer correctement l’expérience des Apôtres et de tous ceux qui après eux et grâce à eux seront rejoints par l’énergie d’amour déclose et propulsée dans l’événement de Pâques. Jusqu’à ce que tu viennes, mais aussi pour que tu puisses venir… Jusqu’à ce que toutes les virtualités de cet événement unique et pour toujours se déploient… Jusqu’à ce que la lumière de la joie de ton amour atteigne tous les instants de la brève histoire de l’humanité dans l’univers et que la plus fugace durée d’une vie humaine soit illuminée de fond en comble, dans tous ses recoins et replis… Jusqu’à ce que tu viennes achever en nous et par nous ce que tu as commencé…
C’est l’annonce de ta mort et la proclamation de ta résurrection qui nous tient debout et nous transforme jour après jour pour aimer jusqu’à l’extrême comme tu nous a aimés dans ta Passion que nous raconte saint Luc aujourd’hui…
Voici ce que cette année encore, encore une fois par la grâce de la patience de Dieu à notre égard, la Semaine Sainte et le Triduum Pascal et les cinquante jours de Pâques et l’alléluia avant l’Évangile de chaque dimanche et chaque jour à l’Eucharistie nous rappelle et nous fait vivre.
Entrer dans la vérité et dans l’amour et y demeurer jusqu’à ce que tu viennes (donec venias), Seigneur Jésus! Alors viens à notre rencontre, éveille nos cœurs au sens brûlant des Écritures, ouvre nos yeux à la Fraction du Pain. Toi seul peux transformer nos chemins d’Emmaüs, sombres et tristes et dangereux, en retour précipité à Jérusalem en pleine nuit, les cœurs ardents et joyeux…
Les textes et les rites de la Semaine Sainte parlent d’eux-mêmes à ceux qui prennent le temps d’ouvrir leur cœur en accueillant leurs frères, le pardon du Seigneur et l’espérance du salut…
Bonne route!
17 avril 2022 – Pâques!
Quelle étrange histoire!
Jamais cadavre n’a été aussi encombrant et gênant…
Les commanditaires du crime ont veillé pour que la tombe soit verrouillée, scellée et bien gardée… Il s’agit d’un tombeau creusé dans le roc et pratiquement inviolable, une fois fermé…
Pourtant trois jours plus tard, au petit matin, tout ce dispositif est ridiculisé, parce que la pierre a cédé, le tombeau s’est ouvert, mais le cadavre n’y était plus, il a disparu! Volatilisé? On ne l’a pas vu sortir… le roc du tombeau reste intact… Par où est-il passé?
Voilà comment un cadavre est devenu encombrant et gênant parce qu’il a disparu de manière étrange, laissant les draps et les linges intacts et dégonflés à la même place…
Déroutant tout cela, au point que même le mensonge imaginé pour l’expliquer (– ses disciples seraient venus voler le corps… Ben, ça alors! ces peureux qui l’on renié et abandonné devant le danger, se son vivant… Quand même! –) ce mensonge ne tient pas debout dès qu’on examine les circonstances de près, elles ne sont pas atténuantes mais de plus en plus aggravantes.
Le pire de l’affaire c’est l’écho de la voix de l’exécuté qui avait dit qu’il ressusciterait trois jours après la crucifixion…
Vraiment gênant et encombrant, ce cadavre introuvable!
Et ce drap dégonflé dans le tombeau à la même place? Parfaitement intrigant et énigmatique pour tous les détectives du monde depuis 2000 ans et plus…
D’autres tombeaux attirent les voleurs, archéologues, touristes parce qu’ils recèlent des trésors, peut-être, ou de précieuses informations pour l’histoire et la science… Mais celui-ci attire des milliers de visiteurs depuis tout ce temps parce qu’il est précisément VIDE!
Et le drap mortuaire a été enlevé, effectivement oui, par ses disciples et précieusement conservé pour ne livrer son secret que 18 siècles après, quand on a inventé la photographie! Alors le chanceux photographe amateur, Secondo Pia, en 1898, ayant braqué son appareil sur ce qui semblait un visage sur le Suaire de Turin, aura la surprise d’avoir en main, dans la lumière rouge de son laboratoire, un négatif photographique qui était un positif, déclenchant ainsi des
études aussi troublantes que controversées … comme au matin de Pâques…
C’est que ni la tombe vide, ni le drap dégonflé avec les traces à peine visibles du tourment du Crucifié mais correctement à leur place ne peuvent être des « preuves » de la foi théologale en la résurrection du Christ, il faut autre chose: un don de Dieu, un déclic, une étincelle, une flamme transmise du cœur de la Vierge Marie au cœur de saint Jean pour que ses yeux s’ouvrent: « Il vit et il crut! » (Jn 20,8). Attraction du Père vers le Fils par l’Esprit… Et ce fut le bouleversement total dans l’histoire des hommes, une nouvelle ahurissante: « Il est ressuscité! » Avec comme conséquence: « Nous ressusciterons! »
Est-il vraiment ressuscité? Alors là, c’est pile ou face, oui ou non, vrai ou faux… et l’on perd la face ou l’on fait volte-face!
C’est à prendre ou à laisser, c’est désormais la décision fondamentale de toute vie humaine: Ressusciter? Résurrection possible? Oui ou non?
Résurrection de la chair? Retrouver l’intégralité de notre être corps et âme après notre mort?
Entrer âme et corps dans une nouvelle dimension après notre mort physique? Jusque là nous pouvons l’admettre: 1) L’immortalité de l’âme, c’est-à-dire du principe de vie intellective et spirituelle qui maintient nos éléments matériels dans le dynamisme vital, d’accord. 2) La décomposition de ces éléments matériels qui se transforment et fondent dans la nature, d’accord. D’ailleurs nous remplaçons constamment ces éléments au cours de notre vie actuelle.
Mais penser qu’après la conflagration totale que sera la fin de notre terre – quand le système solaire entrera dans sa phase finale par l’explosion ou l’implosion de notre étoile ou encore par un autre cataclysme naturel et/ou provoqué par l’homme – penser qu’après la fin du monde nous retrouverons notre dimension corporelle hors des limites spatio-temporelles actuelles, voilà ce qu’il nous est difficile d’accueillir, ce dont il serait impossible de parler en dehors de la foi surgie de l’expérience de la rencontre avec le Ressuscité dont parlent et témoignent les Évangiles…
Il y faut un Créateur tout-puissant, aimant et Re-Créateur capable de faire toutes choses nouvelles selon son projet d’amour et donnant un sens à chacune de nos souffrances, à chacun de nos choix libres… pour que nos plaies deviennent source de lumière, plaies glorieuses…
Voilà!
Mais face au tombeau vide et au drap dégonflé porteur d’indices troublants, seul le témoignage de ceux qui ont rencontré Jésus le Crucifié-Ressuscité indique une piste, donne un sens et oblige au choix radical: vivre pour la cendre ou vivre pour l’Esprit!
Seuls ces témoins-là peuvent en parler et, le plus souvent, les mots leur manquent pour exprimer l’indicible, mais leurs vies crient haut et fort le passage qu’ils ont vécu et l’autrement qui a fait basculer toute leur manière d’être, les rendant étranges à leurs propres yeux et aux yeux de leurs contemporains… L’amour indicible du Crucifié les a rejoints et ils n’en reviennent pas!
Il nous suffit d’écouter leurs récits, l’histoire des disciples, de Marie Madeleine, de Saul de Tarse, du diacre Étienne et des « martyrs » (témoins) au long de ces derniers 2000 ans, témoins d’un amour surhumain ou mieux surnaturel, pour se dire qu’il y a eu quelque chose d’insolite…
Écoutons-les dans ces cinquante jours de la fête de Pâques qui est peut-être la dernière de notre vie ici-bas… laissons-nous provoquer… Qui sait? À la fraction du pain et au détour d’un chemin…
Joyeuse traversée
24 avril 2022 – 2ème dimanche de Pâques!
Divine Miséricorde
Bon dimanche du bonheur de croire en la Divine Miséricorde du Fils de Dieu!
« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples… Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom » (Jn 20,31).
Cette première finale de l’Évangile de saint Jean après l’apparition à Thomas nous situe face à quelque chose de nouveau dans l’histoire de la relation d’Israël avec le Dieu unique: Croire que Jésus est non seulement le Christ, mais « le » Fils de Dieu!
C’est déjà un scandale énorme que de demander à un Juif de penser que le Messie, le Christ, soit un crucifié; mais le comble c’est d’ajouter qu’il est « le » Fils de Dieu!
Le descendant de David, le Fils de David attendu selon les prophéties serait le grand roi, le grand prophète, le grand Prêtre, l’Oint, le Consacré par excellence de Dieu avec l’huile de l’Esprit de Dieu lui-même. Le Fils d’homme de Daniel (7,13) qui vient sur les nuées du ciel à qui l’Ancien doit conférer empire, honneur et royaume éternel (Dn 7,14), comment pourrait-il être un maudit crucifié incapable de se sauver lui-même de la mort?
Il est vrai que Jésus avait confondu une fois les Pharisiens par son exégèse surprenante du verset d’un Psaume messianique 109 (110),1: » Comment peut-on dire que le Christ est fils de David ? C’est David lui-même en effet qui dit, au livre des Psaumes : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite… David donc l’appelle Seigneur ; comment alors est-il son fils ? » (Lc 20,41-43). Mais toute la tradition juive est constante: c’est un descendant de David qui aura le trône éternel d’Israël.
On comprend alors le drame de Thomas Didyme (le Jumeau).
La crucifixion et la mort de Jésus ne pouvait être qu’une preuve disqualifiant toute sa vie et tous ses discours, un Messie abandonné de Dieu! Quelle farce! Ils se sont fait avoir par un charlatan de plus… Sauf si sa résurrection venait effectivement bouleverser les cartes et faire réinterpréter les Écritures…
Alors là, si Jésus était vraiment ressuscité, Thomas pourrait recommencer à croire en lui, mais il voulait en être absolument sûr…
Or, voilà que Thomas s’est trouvé devant les plaies du crucifié, en particulier celle du côté perforé par la lance…
Brusquement tous les nuages épais de désillusion, de peur et de découragement se sont envolés. Les Écritures se sont illuminées et la profession de foi de Thomas fut totale: « Mon Seigneur et mon Dieu! »
Il a été plus loin que les apparences, il n’a pas vu seulement un fantôme ou un cadavre revenu à la vie, mais son « Seigneur » et son « Dieu »!
C’est par là que la foi chrétienne devient un saut surnaturel et un don de l’Esprit de Dieu!
Découvrir « le » Fils de Dieu, donc Dieu lui-même (puisqu’il n’y a pas plusieurs dieux!) dans le Crucifié transpercé du Golgotha!
Comment articuler cela dans la conviction monothéiste absolue du peuple d’Israël?
Mais en même temps, comment douter de cela devant l’évidence de la présence du Ressuscité?
Tout d’un coup il faut prendre conscience que s’il est « le » Fils de Dieu, Dieu est « son Père », et puisqu’il ne peut y avoir qu’un seul Dieu, il faut admettre qu’en Dieu il y a un Père et un Fils, ou mieux que Dieu est Père et Fils et aussi Esprit-Saint dans une unité totale mais en même temps communionale… « Moi et le Père nous sommes un! » (Jn 10,30)…
Voici ce qui est absolument époustouflant et il faudra des siècles pour que ce qui se dévoile pleinement dans le « Mon Seigneur et mon Dieu! » de Thomas Didyme soit explicité et préservé à partir de l’ordre que donnera Jésus d’aller faire des disciples et de baptiser au Nom (singulier) du Père et du Fils et du Saint-Esprit. « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie! » Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit: « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20,21-23)… Qui peut se permettre de dire des choses pareilles!
Croire que Jésus est « le Fils de Dieu »! Voici la pierre d’achoppement la plus terrible, car c’est précisément pour cela qu’on l’a crucifié. Il suffit de bien suivre l’Évangile de Jean pour comprendre l’enjeu crucial d’un tel titre pour nous les hommes et pour notre salut…
« Nous avons une Loi et d’après cette Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu » (Jn 19,7). C’est l’explication donnée par les accusateurs devant Pilate pour réclamer la mort de Jésus. Ébranlé, le procureur voulait libérer Jésus. Alors ils ont utilisé le dernier argument politique: « …quiconque se fait roi s’oppose à César… nous n’avons de roi que César… » (Jn 19,15).
Mais au fait, depuis l’hiver de la fête de la Dédicace précédent le printemps de la Pâque finale, les Juifs avaient décidé de lapider Jésus: « Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème et parce que toi, n’étant qu’un homme, tu te fais Dieu » (Jn 10,33). Lors d’une autre fête précédente, ayant guéri l’infirme un jour de sabbat, Jésus avait dit: « Mon Père est à l’œuvre jusqu’à présent et j’œuvre aussi » (Jn 5,17). C’est pourquoi déjà ils cherchaient à le tuer, « puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant égal à Dieu » (Jn 5,18).
En ce dimanche de l’octave de Pâques où les nouveaux baptisés portaient encore leur vêtement blanc et où la liturgie nous invite à être « Quasi modo geniti infantes… » comme des enfants nouveau-nés qui ont soif du lait qui les nourrit, pour être aussi « avides du lait pur de la Parole, afin qu’il vous fasse grandir pour le salut » (Antienne d’ouverture de la messe), accueillons l’invitation à la béatitude provoquée par l’incrédulité de Thomas Didyme: « Heureux ceux qui n’ont pas vu et ont cru! » (Jn 20,29). C’est la béatitude de la Vierge Marie qui a cru à la Parole (Lc 1,45).
Par le souffle de l’Esprit, par la grâce du don du Très-Haut, accueillons le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, et réalisons à notre tour par sa Divine Miséricorde la parole de Dieu que nous sommes devenus grâce au sang et à l’eau qui ont coulés du Cœur du Christ nous aimant jusqu’à l’extrême. Baptisés dans sa mort et sa Résurrection au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, devenus fils dans le Fils, disons C’est pourquoi déjà ils cherchaient à le tuer, « puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant égal à Dieu » (Jn 5,18).
En ce dimanche de l’octave de Pâques où les nouveaux baptisés portaient encore leur vêtement blanc et où la liturgie nous invite à être « Quasi modo geniti infantes… » comme des enfants nouveau-nés qui ont soif du lait qui les nourrit, pour être aussi « avides du lait pur de la Parole, afin qu’il vous fasse grandir pour le salut » (Antienne d’ouverture de la messe), accueillons l’invitation à la béatitude provoquée par l’incrédulité de Thomas Didyme: « Heureux ceux qui n’ont pas vu et ont cru! » (Jn 20,29). C’est la béatitude de la Vierge Marie qui a cru à la Parole (Lc 1,45).
Par le souffle de l’Esprit, par la grâce du don du Très-Haut, accueillons le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, et réalisons à notre tour par sa Divine Miséricorde la parole de Dieu que nous sommes devenus grâce au sang et à l’eau qui ont coulés du Cœur du Christ nous aimant jusqu’à l’extrême. Baptisés dans sa mort et sa Résurrection au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, devenus fils dans le Fils, disons C’est pourquoi déjà ils cherchaient à le tuer, « puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant égal à Dieu » (Jn 5,18).
En ce dimanche de l’octave de Pâques où les nouveaux baptisés portaient encore leur vêtement blanc et où la liturgie nous invite à être « Quasi modo geniti infantes… » comme des enfants nouveau-nés qui ont soif du lait qui les nourrit, pour être aussi « avides du lait pur de la Parole, afin qu’il vous fasse grandir pour le salut » (Antienne d’ouverture de la messe), accueillons l’invitation à la béatitude provoquée par l’incrédulité de Thomas Didyme: « Heureux ceux qui n’ont pas vu et ont cru! » (Jn 20,29). C’est la béatitude de la Vierge Marie qui a cru à la Parole (Lc 1,45).
Par le souffle de l’Esprit, par la grâce du don du Très-Haut, accueillons le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, et réalisons à notre tour par sa Divine Miséricorde la parole de Dieu que nous sommes devenus grâce au sang et à l’eau qui ont coulés du Cœur du Christ nous aimant jusqu’à l’extrême. Baptisés dans sa mort et sa Résurrection au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, devenus fils dans le Fils, disons C’est pourquoi déjà ils cherchaient à le tuer, « puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant égal à Dieu » (Jn 5,18).
En ce dimanche de l’octave de Pâques où les nouveaux baptisés portaient encore leur vêtement blanc et où la liturgie nous invite à être « Quasi modo geniti infantes… » comme des enfants nouveau-nés qui ont soif du lait qui les nourrit, pour être aussi « avides du lait pur de la Parole, afin qu’il vous fasse grandir pour le salut » (Antienne d’ouverture de la messe), accueillons l’invitation à la béatitude provoquée par l’incrédulité de Thomas Didyme: « Heureux ceux qui n’ont pas vu et ont cru! » (Jn 20,29). C’est la béatitude de la Vierge Marie qui a cru à la Parole (Lc 1,45).
Par le souffle de l’Esprit, par la grâce du don du Très-Haut, accueillons le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, et réalisons à notre tour par sa Divine Miséricorde la parole de Dieu que nous sommes devenus grâce au sang et à l’eau qui ont coulés du Cœur du Christ nous aimant jusqu’à l’extrême. Baptisés dans sa mort et sa Résurrection au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, devenus fils dans le Fils, disons avec Thomas devant le mystère de la foi de l’Eucharistie que nous célébrons: « Mon Seigneur et mon Dieu! »
1er mai 2022 – 3ème dimanche de Pâques!
Bon dimanche de l’amour pour « le » Fils de Dieu qui est notre vie éternelle…
La première finale de l’Évangile de saint Jean que nous avons lu dimanche dernier (Jn 20,30-31) nous indiquait le motif pour lequel tout l’Évangile a été écrit: « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom ».
Le témoignage et la vie des Apôtres après les événements de Pâques n’a d’autre objectif que d’aider à croire que Jésus est le Christ et plus encore « le » Fils de Dieu, car c’est en croyant cela que l’on peut avoir la vie en plénitude, la vie éternelle en son nom, c’est-à-dire par sa puissance divine d’amour et de miséricorde qui nous pardonne et nous unit à lui, dans sa personne (son nom) pour n’être plus qu’une seule chair avec lui : La vie éternelle n’est pas une chose qui viendrait s’ajouter à la brièveté de nos instants temporels, la vie éternelle c’est Dieu lui même, c’est lui qui existe en possédant parfaitement et totalement de façon simultanée une vie sans bornes… Donc la vie éternelle pour nous c’est une union d’amour et de connaissance avec celui qui est la plénitude de l’exister dont nous participons ici-bas…
Saint Jean utilise plus que tous les autres écrits du Nouveau Testament l’expression « vie éternelle » et la dernière fois où cette expression apparaît c’est au début de la prière dite sacerdotale de Jésus à la fin du dernier souper avec les disciples (Jn 17,1-3):
« Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit : « Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ! Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ ».
Celui qui grâce à la lumière de sa résurrection entre par la foi dans la profondeur de la véritable identité de Jésus de Nazareth, le crucifié, roi des Juifs, et découvre en lui « le » Fils de Dieu présence et visage de la miséricorde et de l’amour infini qu’est Dieu, entre ipso facto dans la vie éternelle même de Dieu par son Verbe créateur (le Fils) et son Souffle d’amour et de vérité (l’Esprit) pour dire lui aussi « Abba! » comme le Fils. « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17,3).
On comprend alors les exclamations du prologue de l’Évangile et de la première lettre de saint Jean:
« Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement avec Dieu.
Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut.
Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes» (Jn 1,1-4).
« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; – car la Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue – ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète » (1 Jn 1,1-4).
Cette manifestation de la Vie éternelle qui a jailli du tombeau au matin de Pâques ne se transmet que par l’amour, par le « commandement nouveau de l’amour » (Jn 13,34: aimer comme le Christ a aimé, par lui, avec lui et en lui!) que nous rapporte aussi saint Jean et dont doit témoigner toute l’Église par son unité, sa sainteté, sa catholicité et son apostolicité.
La deuxième finale de l’Évangile de saint Jean que nous lisons ce dimanche (Jn 21, 1-19) peut être lue dans cette perspective.
L’unité de l’Eglise est exprimée par la seule barque où se trouvent les sept disciples pour la pêche avec Pierre, l’unique filet qui ne se déchire pas.
La sainteté dans le fait que le filet qu’il faut « tirer » comme Jésus « attire » tout vers lui, une fois élevé de terre (Jn 12,32), sans lui nous ne pouvons rien faire, unis à lui par la charité ce n’est plus nous qui vivons, mais lui, la vie éternelle, qui vit en nous et nous attire sans cesse.
La catholicité dans le nombre de poissons (153) qui selon saint Jérôme indique le nombre d’espèces de poissons que les anciens avaient identifiées, donc c’est tous les hommes qui sont attirés pour n’être qu’un seul corps dont le Christ est la tête et qui lui donne toute la vérité, tous les moyens de salut pour tous les hommes sur terre (« kat’holos » signifie en grec « selon le tout »).
Et enfin l’apostolicité dans ce fameux dialogue de Jésus avec Pierre où trois fois son amour est réclamé pour guérir son triple reniement et à chaque fois la mission de nourrir les agneaux, de conduire les brebis et de nourrir les brebis lui est de nouveau confié pour qu’il affermisse ses frères dans la foi par le témoignage de sa vie et surtout son genre de mort (Jn 21,19) qui mettra le sceau sur le « Suis-moi! » sur lequel s’achève l’Évangile de saint Jean.
Pierre suivra Jésus en se réjouissant de souffrir pour lui…
« Il faut obéir à Dieu
plutôt qu’aux hommes.
Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus,
que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice.
C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé,
en faisant de lui le Prince et le Sauveur,
pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés.
Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela,
avec l’Esprit Saint,
que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. » (Ac 5,29-32)
Croire avec l’Église sur la base du témoignage apostolique que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant et l’aimer – sinon d’un amour divin de don soi (agapê), du moins d’un véritable amour humain d’amitié sincère (philia), – c’est le point de départ qui nous permet d’obéir au commandement nouveau et de vivre dès maintenant de la vie éternelle même qu’est Dieu.
« Seigneur, toi, tu sais tout :
tu sais bien que je t’aime. »
Sois le Berger de mon troupeau, sois le Pasteur de mes brebis, je t’ai choisi, mon Esprit est sur toi…
« Suis-moi! »
22 mai 2022 – 6ème dimanche de Pâques!
Bon dimanche du don de l’Esprit et du don de notre vie pour le salut de tous…
Lire et comprendre un texte c’est tout d’abord reconnaître son genre littéraire pour ne pas confondre une métaphore poétique qui tente d’exprimer l’indicible avec une indication historique ou morale ou un texte légal et un testament. Confondre les genres c’est passer à côté du message. Par exemple, la liturgie d’aujourd’hui nous met en présence de quatre textes qui cernent et expriment un unique mystère sous des registres différents: 1) Un compte-rendu juridique réglant un des premiers conflits majeurs de la première communauté chrétienne (la différence culturelle entre juifs et grecs devenus chrétiens dans les Actes des Apôtres); 2) Un texte poétique exaltant l’universalité du salut désirée, promise et attendue (Psaume); 3) Une fresque symbolique typique de l’Apocalypse nous décrivant l’Eglise comme un édifice fondé sur les Apôtres et transmettant la lumière de l’Agneau; 4) Une promesse et une garantie du don de la présence spéciale de l’Esprit, mémoire du Christ, pour que sa paix nous habite (sur ton de confidence et surtout de testament certifié!).
Nous pourrions dire que le dénominateur commun de ces quatre passages de l’Écriture c’est le rassemblement de tous les hommes par l’Esprit du Christ grâce au témoignage des Apôtres pour former l’unique cité où tout ensemble ne fait qu’un parce que le Père, le Fils et l’Esprit font leur demeure en eux.
C’est le fruit qui mûrit dans la Pâque du Christ qui par sa résurrection nous donne la force de son Esprit pour l’aimer et pour aimer comme lui en toute vérité.
Cet amour en vérité a permis de surmonter la répugnance culturelle qui gênait la cohabitation entre les chrétiens provenant de nations différentes, mais surtout la fausse vision de l’universalisme du salut en clé de simple conformité culturelle au judaïsme de façon matérielle pour ne pas dire charnelle. Il a fallu un travail particulier de l’Esprit d’amour et de vérité dans le cœur des Apôtres réunis à Jérusalem pour que la nouveauté absolue apportée par le Christ soit mise en œuvre concrètement dépassant les clivages précédents. C’est dans la foi que nous sommes fils d’Abraham, pas dans la chair, pas par héritage culturel, familial, génétique ou conformité cultuelle, mais dans l’accueil de la promesse réalisée en Jésus pour tous les hommes de toutes races, langues, tribus et nations…
C’est cet amour en vérité, don de l’Esprit qui brille dans la structure Apostolique de l’Eglise, Corps Mystique et Épouse du Christ, Ville où tout ensemble ne fait qu’un, Jérusalem d’en-haut, Demeure de Dieu avec les hommes, demeure des hommes en Dieu. Elle est porteuse d’une lumière unique où tous les hommes trouvent leur place dans cette « unidiversité » voulue par Dieu (comme le dit S. François de Sales: « unidivers, c’est-à-dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité », Traité de l’amour de Dieu, II,2).
Le mystère tenu caché depuis les siècles et maintenant révélé devra être protégé et transmis par les Apôtres et leurs successeurs à travers des définitions et éclaircissement de la doctrine et des mœurs… Tous les Conciles en témoignent…
Pourrons-nous jamais imaginer ce que cette première décision collégiale des Apôtres avait de nouveauté absolue? Quelles résistances l’Esprit du Christ a dû briser pour dépasser l’étroitesse de vue des chrétiens d’origine juive avec leur certitude d’être supérieurs aux autres!!! Déjà la difficulté dans la distribution des plats avait obligé les Apôtres à instituer les Diacres…
Cela nous donne une idée du travail énorme qu’il faut dans nos cœurs d’homme pour une conversion effective aux valeurs de l’Évangile, pour vaincre toute cette carapace de vanité et de faux-semblants, d’intérêts mesquins, de soif de domination et de désirs terreux… pour apprendre à aimer comme le Christ nous aime!!!
Toute l’histoire de l’Église témoigne des chutes et des relèvements des chrétiens portés par un idéal qui les dépasse, qu’ils ont souvent oublié et dont parfois ils voudraient se débarrasser…
Ceux qui s’étonnent de voir les responsables de l’Église demander pardon pour les péchés des baptisés qui n’ont pas vécu l’Évangile comprennent bien peu du cœur de l’homme et de sa marche dans la liberté vers la vérité à chaque génération… Pas de progression sans désajustements et remises en question…
Il ne faut pas non plus s’étonner de voir l’Église canoniser ses fils modèles qui ont été dociles à l’Esprit de leur baptême, ses saints… Ils nous rappellent que Dieu est à l’œuvre en cet âge par son Esprit qui ne cesse de répandre l’amour de Dieu dans nos cœurs et de nous conduire à la plénitude de la vérité, nous consolant et nous défendant contre nous-mêmes et nos limites inévitables…
Voilà pourquoi le don de l’Esprit est absolument nécessaire à chaque étape de l’histoire… Lui seul nous enseigne tout, et il nous fait souvenir de tout ce que Jésus nous a dit. Il est notre Maître intérieur et notre Mémoire pour que résonne constamment en nos cœurs le « »COMME » je vous ai aimés» de Jésus. Autrement nous nous perdons dans les dédales pervers du vieil homme (et de la vieille femme, pour être inclusifs!) qui ne cesse de ressurgir en nous par le biais de tout ce qu’il y a d’instincts de la chair et de passions de l’âme et de tentations de l’ennemi et de ses suppôts…
Lui seul peut mettre cette « PAIX » qui vient du Christ dans nos membres qui nous font la guerre et sèment la zizanie… cette « PAIX » que le monde ne peut ni donner, ni enlever non plus…
Lui seul, le PARACLET, le DÉFENSEUR, peut nous garder en nous arrachant aux griffes des démons qui mènent la danse infernale de ce monde…
Lui seul peut nous conduire au « DON » et au « PARDON » qui sont les Cieux nouveaux et la Terre nouvelle, la Jérusalem d’en-haut…
Lui seul peut faire de nous des disciples bien-aimés comme Barnabé et Paul, «eux qui ont fait DON de leur vie pour le Nom de notre Seigneur Jésus Christ»…
Car si nous ne faisons pas don de notre vie pour le Christ Jésus et pour aimer comme lui, on nous l’arrachera de force, on nous la prendra, alors que nous aurions dû la donner afin de la garder pour l’éternité…
Que notre cœur cesse de se troubler en voyant venir notre croix… nous savons qu’elle vient et nous savons que notre Défenseur est à nos côtés, alors c’est elle (notre croix) qui nous fixera dans la FOI et la PAIX et la FRATERNITÉ, dons du Ressuscité…
8 mai 2022 – 4ème dimanche de Pâques!
Bon dimanche de l’Agneau-Pasteur, étrange paradoxe!
Les métaphores ont la vie aussi dure que leur impact est profond sur la communication humaine. Il suffit de passer en revue les expressions où les termes « mouton » (d’origine gauloise), « agneau » (d’origine latine, jeune mouton), « brebis » (femelle adulte), « bélier » (mâle adulte), « berger », « pasteur », apparaissent pour se rendre compte de la connotation plutôt péjorative de leur emploi dans l’usage moderne: des « moutons de Panurge » aux « moutons de prison »… Le passage du sens propre au sens dérivé puis au sens figuré est nécessaire pour communiquer, mais il faut aussi savoir décoder les genres littéraires et les contextes pour ne pas passer à côté de l’essentiel… Aujourd’hui dire de quelqu’un qu’il est un mouton, c’est simplement dire qu’il passif, crédule et qu’il se laisse mener, qu’il a l’instinct grégaire… Dire qu’il est un agneau, c’est souligner son caractère doux et très pacifique… Dire qu’il est une brebis c’est indiquer sa fidélité à son guide, à moins qu’il ne soit une brebis galeuse, donc indésirable… et ainsi de suite.
Pourtant, dans l’Évangile ce côté péjoratif n’est pas évident et dire de quelqu’un qu’il est un mouton, c’est plutôt dire qu’il est sous la protection, à l’abri d’un pasteur ou d’un berger. Ces derniers veillent sur ceux qui leur sont confiés et les défendent au prix de leur vie. L’accent est donc clairement mis sur le salut, l’état de pleine réalisation, la sûreté de la condition de la brebis qui n’est pas abandonnée à elle-même et qui pourrait se perdre, se fatiguer, mourir de faim « comme les brebis sans berger » (Mt 9,36).
Là où l’élevage est encore traditionnelle, on comprend bien la différence, aujourd’hui estompée, entre un « pasteur », celui qui garde mais surtout fait paître le bétail et qui par métaphore en est le chef, le conducteur, le guide et le maître; et un « berger » qui doit surtout garder les moutons, les conduire, sans en être obligatoirement le maître…et pourraît être un mercenaire…
Il est intéressant de remarquer que dans l’Évangile de dimanche dernier le dialogue de Jésus avec Pierre jouait non seulement sur les différents verbes pour dire « aimer » en grec selon un degré de don total absolu (« agapô ») ou un degré de réciprocité dans l’amitié (« philô »), mais aussi sur le degré de responsabilité confiée au premier des Apôtres sur la seule base de son « amitié », « philia », pour Jésus. A sa première réponse d’amitié Jésus lui dit: «Pais mes agneaux» (« Boske ta arnia mou », Jn 21,15), c’est-à-dire conduis au pâturage, nourris mes petits moutons. A la deuxième réponse Jésus lui dit: «Sois le berger de mes brebis » (« Poimaine ta probata mou », Jn 21,16), conduis mes grands moutons. Et enfin à la troisième réponse: «Pais mes brebis» (« Boske ta probata mou », Jn 21,17), c’est-à-dire donne à manger, nourris mes grands moutons. Il doit être pleinement Berger qui conduit et Pasteur qui nourrit « ses frères », « les frères de Jésus », en affermissant leur foi en Celui qui est l’unique Berger et Pasteur (« le grand pasteur des brebis », He 13,20; « le pasteur et gardien de nos âmes » (1 P 2,25) qui a donné sa vie pour eux et qui est « LE » Fils de Dieu qui les rend frères, puisqu’il n’a pas honte de les appeler « frères » ayant souffert jusqu’au bout pour eux. L’Agneau immolé c’est le « Lion de Juda » (Ap 5,5-6) qui est en même temps Agneau et Pasteur (Ap 7,17).
En ce dimanche du « Bon Pasteur » (4e dimanche de Pâques) de l’année C, seulement quatre versets de l’Évangile selon Jean (Jn 10, 27-30) sont soumis à notre attention par la liturgie, énonçant deux vérités capitales:
1) le lien indissoluble entre Jésus et ses vrais disciples qui débouche sur la vie éternelle;
2) le lien indissoluble entre le Fils et le Père qui ne sont qu’UN sans que le Fils soit le Père ni que le Père soit le Fils:
« Mes brebis écoutent ma voix ;
moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront,
et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout,
et personne ne peut les arracher de la main du Père.
Le Père et moi, nous sommes UN. »
Le Père est plus grand que tout, le Fils écoute et obéit au Père dont il se reçoit éternellement. À leur image nous pourrons vivre ce lien d’unité qui se fonde sur un amour, une écoute et un don total de la propre existence. C’est ce qui devient « vie éternelle » dans le disciple, qui pourra dire comme saint Paul: « Alors, je connaîtrai comme je suis connu! » (1 Cor 13,12)
Jésus s’est donné et a gardé ses disciples, ses brebis, et pas un seul ne s’est perdu, « sauf le fils de la perdition » (Jn 17,12), qu’il a pourtant enveloppé d’amour et d’amitié jusqu’au bout, mais le mystère de la liberté des créatures intelligentes fait qu’elles peuvent être dans le troupeau sans être du troupeau, sans faire partie de ceux qui écoutent, connaissent et suivent le Christ Jésus. Terrible réalité que de passer à côté de ce pour quoi nous sommes nés, de rater notre existence sur terre et d’être arrachés des mains de Jésus, l’Agneau-Pasteur vainqueur du mal, du péché et de la mort.
Ceux qui passent à côté de leur « appel », de leur « vocation » au bonheur selon les Béatitudes, ne peuvent participer ni maintenant ni après au cantique des brebis rachetées qui sont heureuses d’avoir reçu l’existence et d’avoir témoigné leur gratitude en suivant les traces de leur Agneau-Pasteur, immolé-vainqueur. C’est la vision de l’Apocalypse qui présente l’achèvement du processus commencé dans les Actes des Apôtres:
« Une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer,
une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues.
Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau,
vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main.
L’un des Anciens me dit :
« Ceux-là viennent de la grande épreuve ;
ils ont lavé leurs robes,
ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau.
C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu,
et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire.
Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux.
Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif,
ni le soleil ni la chaleur ne les accablera,
puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône
sera leur pasteur
pour les conduire aux sources des eaux de la vie.
Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. » » (Ap 7, 9.14b-17)
Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde, que rien ne nous arrache de ta main!
Fais qu’en te rencontrant, toi le Ressuscité et en demeurant fidèles au commandement nouveau comme tes premiers Apôtres et « tous ceux qui sont destinés à la vie éternelle et qui deviennent croyants », traversant « la grande épreuve », nous ne soyons jamais détachés, séparés de toi, mis à gauche avec les « boucs » et autres seigneurs de la guerre!
Garde-nous par ta droite « à ta droite » car nous « reconnaissons que le Seigneur est Dieu : il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau.
Oui, le Seigneur est bon,
éternel est son amour,
sa fidélité demeure d’âge en âge » (Ps 99 (100), 3, 5).
Il essuiera toute larme de nos yeux!
15 mai 2022 – 5ème dimanche de Pâques!
Nouveau! Nouveau! Nouvelle nouveauté! Nouveauté de la Bonne Nouvelle!
Cieux nouveaux! Terre nouvelle! Commandement nouveau!
Du définitivement et éternellement nouveau sous le soleil!
Et cette nouveauté jaillit de chaque cœur qui chaque jour accueille la lumière toujours nouvelle du commandement toujours nouveau, car chacun doit l’inventer (au sens étymologique de trouver), à sa manière, en la vivant en profondeur dans les circonstances les plus diverses et précisément les plus adverses…
Pas le commandement ancien! (Mt 22,36-40; Mc 12,28-31; Lc 10,25-28). Invitant à aimer Dieu plus que tout et le prochain comme soi-même, il était pourtant énorme et extraordinaire. Mais son potentiel révolutionnaire se trouvait entravé par l’incise « comme toi-même » selon laquelle il fallait aimer son prochain. La référence était « soi-même », même dans la règle d’or en positif sur les lèvres de Jésus : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes » (Mt 7,12); ou en négatif dans l’Ancien Testament: «Ne fais à personne ce que tu n’aimerais pas subir» (Tb 4,15). Et si l’on voudrait traduire le commandement ancien en disant: “Aime ton prochain, c’est toi-même!”, on ne sortirait pas du cercle fermé du même et du soi-même autoréférentiel.
La vérité de l’amour et la possibilité de vivre le commandement doit venir du dehors de nous-mêmes, il faut un fondement hétéronome, hors de soi, où nous appuyer comme référence ultime et désamorcer constamment le potentiel totalitaire de l’égocentrisme.
C’est cette nouveauté que nous apporte Jésus, « LE » Christ, « LE » Fils de Dieu: « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » (Jn 13,34; 15,12).
C’est ainsi qu’il fait toutes choses nouvelles (Ap 21,5), dans un simple « COMME »… qui change totalement la perspective!
Je n’ai pas à aimer les autres comme je m’aime, je n’ai pas à faire pour eux ce que j’attends qu’ils fassent pour moi… Je vais pouvoir les aimer COMME Jésus m’aime et PARCE QUE Jésus m’a aimé le premier, me comblant de ce qu’il me commande avant de me le commander…
Cette nouveauté est aussi une crucifixion car l’amour qui nous est commandé, parce que donné, doit EXCÉDER:
– en HAUTEUR: il s’agit de l’amour reçu de Dieu en Jésus-Christ, une grâce versée dans nos cœurs par l’Esprit-Saint (Rm 5,5);
– en PROFONDEUR: un amour qui va jusqu’au don de la propre vie; donner ce qu’on a c’est peu, c’est rien… se donner soi-même, donner son soi-même, donner ce qu’on est c’est tout donner, Jn 15,13: « Nul n’a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis! »;
– en LARGEUR et EXTENSION: jusqu’à embrasser l’ennemi, faire du bien à ceux qui nous font du mal, c’est COMME ça que le Christ Jésus nous a aimés, quand nous étions ses ennemis: « À peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste ; pour un homme de bien, oui, peut-être osera-t-on mourir -; mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rm 5, 7-8); « aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense alors sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, Lui, pour les ingrats et les méchants » (Lc 6,35).
C’est cette nouveauté absolue qui nous dérange et que nous refusons de vivre, ou mieux d’accueillir, qui fait que la promesse des cieux nouveaux et la terre nouvelle s’éloigne, car c’est en nous que ces derniers doivent commencer…
C’est cette nouveauté absolue qui s’approche quand de vrais témoins du Christ témoignent de lui (martyrs = témoins) donnant leur vie et pardonnant aux faucheurs de vie…
C’est cette lumière qui traverse depuis deux mille ans la trame horrible de l’histoire de haine, de mensonge et de sang innocent versé sur l’autel des Moloch d’ici-bas qui ne cesse de faire couler les larmes…
Heureux ceux qui pleurent parce qu’ils ont été traversés par cette lumière et qu’ils entrent résolument dans cette nouveauté sachant qu’ « il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu », mais ne se laissant pas abattre malgré les coups et contre coups, une fois qu’ils ont passé la « porte de la foi » et goûté que « la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres ».
Ils expérimentent déjà dans leur vie, et pas seulement comme une attente pour demain, que Dieu en eux et avec eux est en train d’essuyer toute larme, de vaincre le spectre hideux de la mort pour qu’il n’y ait plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car l’ancien monde s’en est allé, l’homme nouveau, la femme nouvelle sont nés, dans le Ressuscité: « Voici qu’il fait toutes choses nouvelles » à chaque geste d’amour vrai COMME LUI, PAR LUI, AVEC LUI et EN LUI, Jésus le Christ à jamais vivant…
Bonne nouvelle! Nouveauté si bonne… et la seule!
26 mai 2022 – Ascension du Seigneur
Une fois pour toutes notre Tête est entrée au ciel et nous entraîne avec lui…
L’unique événement qui a bouleversé la vie des Apôtres de Jésus arrive aujourd’hui à un point culminant: la glorification du corps crucifié qu’ils avaient vu ressuscité. Désormais il ne sera plus avec eux de la même manière encore sensible et spatio-temporelle qui convenait au processus de leur apprentissage de la nouveauté absolue de la résurrection. Ce qu’il annonçait comme son retour vers le Père est désormais accompli, alors, avec son humanité, il remplit maintenant tout l’univers (Eph 4,10) puisque cette humanité dans laquelle habitait corporellement toute la plénitude de la divinité (Col 2,9) est désormais totalement assumée en Dieu pour devenir notre premier de cordée…
Il nous est bon qu’il soit soustrait à nos sens qui ne pouvaient l’atteindre que du dehors, maintenant par la foi, don de son Esprit, il nous devient intérieur. C’est ainsi qu’il est pleinement notre Sauveur. Car le salut ne saurait nous être extérieur s’il est la pleine réalisation de notre être dans la docilité au don de Dieu. Par notre libre accueil du don gracieux qu’il nous fait nous devenons ce qu’il a pensé pour nous de toute éternité et qu’il a mis en œuvre en créant notre âme unique et immortelle.
C’est donc à la Pentecôte dans dix jours, que le baptême des Apôtres s’achèvera, dans le feu et l’Esprit-Saint. Leur baptême a été celle que Jésus désirait ardemment recevoir, c’est-à-dire le passage de ce monde vers le Père par la mort et la résurrection, pour que l’humanité assumée dans le sein de la Vierge Marie, et vécue jusqu’à la perfection de l’amour, soit définitivement assumée en Dieu. Ainsi la mort-résurrection-ascension-glorification-don de l’Esprit à la Pentecôte qui est l’unique événement sauveur une fois pour toutes bouleversera de fond en comble l’être et l’agir des Apôtres pour en faire des hommes nouveaux. Ils ont vécu le baptême dans l’événement même. Nous qui venons après nous le vivons dans les signes des sacrements qui nous renvoient à l’unique événement de la Pâque-Pentecôte dont l’énergie d’amour infinie et éternelle nous rejoint. Touchant le passage fugace des instants de notre temporalité cette énergie d’amour nous entraîne dans la plénitude du temps qui nous a rejoints et qui nous soude en un unique corps: celui du Christ glorifié qui nous nourrit par son Eucharistie.
C’est parce qu’il est glorifié qu’il peut demeurer partout avec nous avec son Corps et son Sang, toute son humanité et sa divinité pour nous prendre en lui à chaque communion, pour remplir de lui tous nos instants.
Désormais, nous le savons, le ciel n’est pas ailleurs, il est autrement… Et c’est cet autrement qui est la nouveauté absolue sous le soleil: Il est avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde! Sous ses mains qui nous bénissent nous sommes en paix. Nous n’avons plus à nous inquiéter du temps et des royaumes de la terre, les mains du Christ qui s’élève en bénissant sont aussi celles qui nous attirent et nous soulèvent pour qu’au milieu des changements de ce monde nos cœurs soit fixés là où se trouvent les vraies joies.
« Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité.
Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ;
vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ! »
C’est tout ce qui importe!
Accueillons son Esprit et laissons-nous entraîner par lui là où il nous attend… par des sentiers qui nous surprendront toujours: surprise de l’amour à témoigner au jour le jour…
29 mai 2022 – 7ème dimanche de Pâques!
Bon dimanche du « pas sans toi »…
Celui qui t’a fait sans toi, ne peut pas te sauver sans toi… (s. Augustin)
Dieu qui a tout fait de rien n’a pas voulu refaire sans Marie sa création déchue… (s. Anselme)
« Sel de la terre, lumière du monde, mais pas sans toi, Marie, mais pas sans toi », la Mère des vivants…
Au Cénacle, après l’Ascension, au Cénacle où Jésus avait prié pour que l’Esprit soit donné à ses disciples, au Cénacle, réunis en prière avec Marie pendant neuf jours, les disciples apprennent à connaître tout le parcours de Jésus et à comprendre ce qui leur est arrivé d’inouï… Chacun a son rôle et sa mission est unique, comme Marie, pourtant cette unicité est un pour les autres… Ce que les disciples comprennent au Cénacles, ils n’auraient pas pu y croire cinquante jours avant… et le vieux saint Jean le dira avec émotion plus tard au Prologue de son Évangile et de sa Première Lettre: « La vie s’est manifestée… et nous avons touché le Verbe de vie! ». Cette plénitude de vie qui jaillit du tombeau au matin de Pâques, ils l’avaient côtoyée sans le savoir, sans s’en rendre pleinement compte, mais au fond de leur cœur quelque chose leur murmurait comme une source « Viens vers le Père! ».
Si le salut est la pleine réalisation de notre être, si le salut c’est notre bonheur, nous ne pouvons le penser comme une simple main tendue qui resterait extérieure à nous, nous devons y participer de plein gré et de tout notre être. Oh! En fait ce que nous appelons notre participation n’est qu’un « Oui » d’amour, de confiance et d’abandon… qu’il nous est donné de dire en toute liberté (ou que nous pouvons refuser de dire en tout vérité), mais, là aussi, le cœur reconnaissant reconnaît un don: le don de la liberté dans l’Esprit-Saint qui fait de nous des enfants qui s’accueillent constamment en se sachant portés par un amour plus grand qu’eux qui leur donne d’exister: Goûter à la joie divine d’exister!
Vie en plénitude qu’Etienne a rencontrée et contemplée au point de donner sa vie pour en témoigner en aimant et en mourant comme le Christ, le Fils de l’homme qu’il voit à la droite de la majesté dans les hauteurs, réalisation de l’Incarnation du Verbe qui a pris notre nature humaine pour toujours: et « pendant qu’on le lapidait, [Etienne] priait ainsi : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort ».
Il s’endormit dans la mort, c’est-a-dire il se jeta dans les bras du Ressuscité, du Vivant pour les siècles. « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » dira plus près de nous la petite Thérèse… Une telle plénitude de don et de vie est d’une fécondité inouïe et le sang d’Etienne devint la semence de vie éternelle chez Saul qui deviendra Paul… Bouleversante transformation que seule l’extrême faiblesse de l’amour peut réaliser car il nous fait devenir nous-mêmes pour un « oui » qui est vraiment nôtre et qui va jusqu’au bout du don de soi…
Au Cénacle, Jésus avait prié pour que ses disciples soient « un » afin que le monde croie, et il pensait à chacun de nous qui viendrions après… parce que c’est cette unité que produit son Esprit qui nous fait devenir son Corps, son unique Épouse, chair de sa chair dont il prend bien soin.
Après les divisions des schismes dans l’Eglise au long des siècles dès qu’on parle d’unité, d’unité de l’Eglise, on pense à l’œcuménisme qui est, bien sûr, une exigence urgente sur le plan extérieur, mais au fait l’unité pour laquelle le Christ prie est d’abord l’indivision intérieur de chaque baptisé dans sa tension vers l’amour vrai pour aimer comme Jésus l’a aimé.
Si chacun de ceux qui croient à la parole des Apôtres entre pleinement dans la vie trinitaire il en sera tellement unifié intérieurement qu’il pourra répandre l’unité autour de lui dans le pardon des ennemis et dans le témoignage de la vérité: alors tous ne seront qu’un cœur et qu’une âme… Il ne s’agit donc pas d’un embrigadement et d’une conformité-uniformité extérieure ou d’une absorption qui efface la richesse unique qu’est l’autre (nos divisions ad extra sont indices d’une cassure ad intra bien plus terrible à laquelle travaille le prince de ce monde), mais d’une harmonie qui met en relief chaque note en rapport avec l’ensemble faisant de chacun une pierre vivante dans la construction, dans l’édification du Corps du Christ, de l’Épouse du Christ, de l’ensemble des sauvés.
« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi…
qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi! »
Moi en toi, toi en moi; moi en eux, toi en moi…
Voilà de quoi il s’agit!
« Père juste… Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître,
pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »
Voici notre salut et notre « Oui » salutaire… qui ne peut exister sans nous… et qui hâte la venue du Seigneur… car comme le répète Jésus deux fois dans la péricope de la prière sacerdotale de l’Évangile d’aujourd’hui, c’est la condition « pour que le monde croie que tu m’as envoyé »… « afin que le monde sache que tu m’as envoyé »…
Accueillir en nous l’amour dont le Fils est aimé et dont il nous a aimés pour qu’il soit en nous et nous en lui… Pour qu’à l’humanité de Jésus déjà assumée dans la plénitude de vie de la Trinité par la glorification du corps de Christ s’adjoigne définitivement notre propre humanité, notre personne dans sa personne divine. Ainsi notre existence sera accomplie, achevée, pleinement réussie…
Chacun aura son salaire selon ce qu’il a fait.
L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! »
Celui qui entend, qu’il dise : « Viens ! »
Celui qui a soif, qu’il vienne.
Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.
Oui, je viens bientôt!
Amen, viens Seigneur Jésus!
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Bonne neuvaine de Pentecôte!
Et aujourd’hui en Haïti:
Bonne fête des Mères sous le regard de Notre-Dame, nouvelle Ève, mère des vivants c’est-à-dire les disciples bien-aimés du Christ
5 juin 2021, Dimanche de Pentecôte
Bonne fête du surnaturel en nous… si naturellement!
Nous cherchons souvent midi à quatorze heures et nous passons à côté de l’essentiel de nous-mêmes…
Étrange condition que celle de l’homme qui, comme le dit saint Augustin dans ses Confessions, est le plus souvent au-dehors à chercher Dieu, la beauté si ancienne et si nouvelle, qui est au-dedans…
En cette fête de Pentecôte, il nous est bon de retrouver la fraîcheur de l’Esprit du Seigneur tournant le cœur d’un homme passionné de jouissance et assoiffé de vérité à l’infini. Voici le cri de s. Augustin (Les Confessions 10, 27):
“Bien tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle,
bien tard, je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors,
et c’est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses
qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ;
j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;
tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix.
—————–
Ce que je sais, de toute la certitude de la conscience, Seigneur, c’est que je t’aime. Tu as touché mon cœur de ta parole, et à l’instant je t’aimai.
Le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent ne me disent-ils pas aussi de toutes parts qu’il faut que je t’aime ? Et ils ne cessent de le dire aux hommes.
Qu’aimé-je donc en t’aimant ? Ce n’est pas la beauté selon la dimension, ni la gloire selon le temps, ni l’éclat de cette lumière amie à nos yeux, ni les douces mélodies du chant, ni la suave odeur des fleurs et des parfums, ni la manne, ni le miel, ni les délices de la volupté. Ce n’est pas là ce que j’aime en aimant mon Dieu, et pourtant j’aime une lumière, une mélodie, une odeur, un aliment, une volupté, en aimant mon Dieu ; cette lumière, cette mélodie, cette odeur, cet aliment, cette volupté, suivant l’homme intérieur ; lumière, harmonie, senteur, saveur, amour de l’âme, qui défient les limites de l’étendue, et les mesures du temps, et le souffle des vents, et la dent de la faim, et le dégoût de la jouissance, Voilà ce que j’aime en aimant mon Dieu.”
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Quelle merveille ce serait, si à nous aussi il était donné de goûter à ce qu’il a goûté et d’être transformés, retournés de fond en comble par l’Esprit promis et donné, non seulement au jour de Pentecôte de manière spectaculaire pour la naissance publique de l’Église par l’œuvre des Apôtres mais aussi normalement de manière imperceptible à nos sens mais encore plus profonde et régénérante dans le cœur de chacun de nous qui l’implorons sincèrement.
Ce qui se passe c’est que nous voulons sentir, nous sommes en quête d’émotions fortes et de transes frétillantes, alors que l’Esprit de Dieu agit en nous surnaturellement en nous rendant à notre vraie nature de fils et filles de Dieu…
La Séquence de Pentecôte nous le dit tranquillement. Parce que l’Esprit est le Consolateur souverain et l’hôte très doux de nos âmes, il est « adoucissante fraîcheur ».
« Dans le labeur, le repos ;
dans la fièvre, la fraîcheur ;
dans les pleurs, le réconfort.»
Et puisqu’il pénètre jusqu’à l’intime le cœur de ses fidèles par sa lumière bienheureuse, il n’est remarqué que par redressement de la vie et de la conduite de celui qui l’accueille qui n’est plus perverti ni souillé, ni aride ni blessé, ni raide ni froid, ni faux.
Voici comment les sept dons sacrés de l’Esprit redonnent l’équilibre et la sérénité à notre vie humaine troublée en nous faisant croître dans la vertu…
Se laisser conduire par l’Esprit pour être fils et filles de Dieu n’est pas autre chose que cette semence de vie éternelle en notre chair qui nous fait passer sous l’emprise du Fils de Dieu pour dire « Abba! » avec lui et vivre dans l’expérience d’un amour infini d’où nous venons, où nous allons et qui nous porte à chaque instant.
Comment « savoir » que cette transformation c’est produite en nous et que c’est l’Esprit de Dieu qui nous fait agir?
Si nous nous laissons enseigner par le Défenseur qui nous fait souvenir de tout ce que Jésus a dit et nous dit à nous personnellement.
Alors nous apprenons qu’un être humain ne peut pas naturellement faire certaines choses qui sembleraient pourtant les plus normales pour un humain, par exemple:
– aimer tout le monde, ses amis et ceux qui lui plaisent certainement, mais encore et, en particulier, aimer ses ennemis et faire du bien pour ceux qui lui font du mal…
– dire la vérité en toute circonstance à qui la vérité est due, même au prix du sacrifice de sa propre vie…
– maîtriser ses pulsions sexuelles et mener une vie réglée par rapport à la nourriture et à la boisson…
– rester fidèle dans le mariage et les autres engagements de la vie…
– donner sa vie en mourant pour le Christ et comme le Christ…
Voilà ce que seuls les vrais chrétiens et pour cela de vrais citoyens peuvent faire et qui les fait vivre « naturellement » en participant à la « divine nature » (2 P 1,4) sans se prendre pour Dieu, loin de là…
On ne vit naturellement dans l’amour vrai et le vérité sans feinte en reconnaissant le Christ dans les pauvres (jugement dernier) que si on se laisse « naturaliser » sur naturellement par l’Esprit créateur qui seul peut renouveler tout l’univers dans la splendeur de la Résurrection du Christ qui chasse toute crainte et tout peur… Car celui qui a peur de la mort a peur de l’amour et de l’Amour!
« Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé ! » (Lc 12,49)
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera,
nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. »
Tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle…
12 juin 2022, Sainte Trinité C
Bon dimanche de la troublante révélation de l’intimité de l’Unique…
Rien de plus troublant que cette remise en question totale de tout ce que notre intelligence pourrait atteindre toute seule… et Dieu seul sait au prix de quelle marche sur la corde raide de la « recta ratio »…
Rien de plus surprenant que cette remise en question totale de tout ce qu’un peuple portait en lui comme certitude reçue d’une tradition assurée et porteuse d’un sentiment unique de supériorité…
Rien de plus étrange que cette cassure du monothéisme le plus rigide et du déisme le plus froidement ajusté…
Les mythes et les divinités de l’Olympe avaient volé en éclat devant la rigueur de la raison philosophique dans l’Antiquité, et, semble-t-il, Socrate est condamné pour athéisme…
Les idoles, les forces de la nature et la foule des divinités construite par l’imaginaire humain s’étaient retirés, ridicules, devant l’absolu du monothéisme juif iconoclaste…
Jusque-là tout allait bien et l’on pourrait croire avoir com-pris, avoir pris-en-soi-avec-soi-et-pour-soi le divin… on pourrait même croire avoir le dernier mot dans un livre comme le Coran…
L’effort de survie par des pratiques scrupuleuses (c’est le sens de « super-stitio » en latin) ou la lutte pour ne plus lutter afin de dépasser la douleur en atteignant l’ataraxie nirvanique bouddhique, sagesse des religions de souche première ou de la méditation orientale, auraient pu conquérir le monde sous couvert de philosophie, de théosophie ou de victoire impassible… Et l’on pourrait croire avoir trouvé le principe universel qui régit même l’au-delà de tout (loi du karma) justifiant toutes sortes d’injustices ici-bas…
Mais cela aussi doit s’estomper devant une lumière toute autre, bien différente à la fois de la suppression du désir et de l’exacerbation du « conatus essendi »…
Tout cela s’anéantit devant la troublante révélation de l’être d’un homme crucifié que ses disciples ont rencontré ressuscité puis ont vu glorifié et qui les a totalement renversés…
C’est quelqu’un cette troublante révélation! Ce n’est pas un livre, ni un principe philosophique, ni une pratique sacrée efficace… c’est quelqu’un!
Il n’est pas venu dévoiler un secret différent de lui, construire un système résolvant les problèmes, parler d’une tierce personne ou encore s’enfoncer dans un silencieux respect apophatique de ce qu’il ne savait pas…
Non! Il est venu se faire connaître comme l’intimité même de l’Unique se disant par sa Parole et se donnant par son Esprit… Il nous dévoile cette intimité comme un feu dévorant sans consumer mais donnant à chacun d’être ce qu’il est… Feu de l’Amour même qui ne peut être que communion de Personnes, mais Personnes qui ne sont que leur relation subsistante dans l’Unique: Dieu est Amour!
Et pour cela il se fait connaître comme Père, Fils et Esprit-Saint!
Le secret, le mystère, le dévoilement c’est l’Homme Crucifié-Ressuscité, « LE » Fils de Dieu qui nous plonge dans l’océan infini d’amour qu’est l’Unique, pour une nouvelle naissance d’en-haut: « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit! » Et tout est dit! Et tout est à découvrir! Et tout est à se laisser embrasser dans l’amour infini et à se laisser embraser par le feu de l’Esprit…
Quelqu’un qui nous dévoile son intimité en toute vérité et tout est bouleversé…et dans cette intimité, notre adoption comme fils et filles à notre tour, Parole d’amour dans le Verbe… Frères et sœurs participant de la nature divine…par pure grâce…
Et quand c’est Dieu, le Quelqu’un le plus Quelqu’un, lui-même qui se dévoile en Quelqu’un…et nous révèle le quelqu’un que nous sommes…
Don de grâce et Mysterium fidei!
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Pour votre méditation en cette solennité, les textes bibliques et liturgiques sont ruminer, mais, si vous avez le temps et l’intérêt, reprenez aussi l’opuscule de Thomas d’Aquin, « De rationibus fidei » (Les raisons de la foi, au chantre d’Antioche contre les Grecs orthodoxes, les Arméniens et les Sarrasins au chantre d’Antioche). Lisez au moins les chapitres 1, 3 et 4 pour nourrir votre intelligence, mais rappelez-vous toujours ce que disait S. Augustin: « Si comprehendis, non est Deus »… « Si tu comprends, ce n’est pas Dieu »… Dieu est toujours au-delà de nos idées… Si tu es compris et te laisse comprendre, alors tu entres dans le mystère pour dire comme Paul: « Je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus » (Phl 3,12).
19 juin 2022, Le Saint Sacrement (Fête-Dieu) C
Achèvement de l’Incarnation, jonction permanente du temps à l’éternité, semence éternelle en nos corps, Kénose salvatrice qui nous relève, nous soutient et nous soulève au quotidien, certitude d’une présence s’appuyant sur la promesse du Verbe de Vérité éternelle: « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps! ».
Présence réelle, pas seulement en image ou symbolique : pas seulement comme un désir de notre cœur, mais comme un accomplissement du projet du Créateur. Présence de Celui qui est présent éternel parce que plénitude de vie s’embrassant et se possédant totalement et simultanément. Mais aussi vie qui nous embrasse et nous donne d’être libres pour de vrai, pour de bon.
Chair et sang qui nous vivifient alors que « la chair et le sang ne servent à rien » (cf. Jn 6,63), ils sont grevés de néant, mais si l’Esprit les vivifie, alors oui, ils deviennent notre « remède d’immortalité » et notre porte d’entrée dans l’éternité.
Il nous faut alors nous investir totalement dans une relation où l’autre ne nous donne pas quelque chose en dehors ou différent de lui, mais « se » donne à nous et nous invite à faire de même pour nous donner à lui. C’est là que s’insère la métaphore des « noces » où les deux ne sont plus qu’une seule chair (Eph 5,31), mais avec Jésus, en plus et d’abord, nous ne sommes qu’un seul esprit (1 Co 6,17).
Alors l’opacité, la résistance et l’impénétrabilité de la chair qui exprime l’esprit sans permettre de l’atteindre devient transparence, ouverture au don, communion sans aucun repli sur soi: plénitude de l’amour, désir accompli du bien de l’autre qui constitue notre véritable identité, où notre visage authentique nous est dévoilé: « Seigneur à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle! » (Jn 6,68).
Pourtant, malgré cette porte qui nous est ouverte, le risque est grand de renier le Seigneur, s’il faut supporter la croix en allant vers toi…! Qu’il fasse en sorte que son regard croise le nôtre… Qu’il nous pose trois fois la question fondamentale du « M’aimes-tu? » et par sa puissance de Ressuscité qu’il nous obtienne que notre foi ne défaille pas!
Par le point de départ de son Incarnation dans le sein et le « oui » de la Vierge Marie, il a « assumé » individuellement notre humanité dans sa Personne divine et nous ouvre les bras pour que nous n’ayons pas peur de nous perdre en lui: seule façon de nous trouver vraiment.
Pour l’achèvement de son Incarnation dans le sein et le « oui » de la foi de l’Église, il vient « assumer » chacune de nos personnes aussi dans l’humanité divinisée de sa Personne.
C’est cela qui se réalise à chaque Eucharistie. Nous devenons Celui que nous mangeons et recevons, un seul esprit et une seule chair avec lui.
Alors nous pouvons compléter dans notre chair ce qui manque à la Passion du Christ, (Col 1,24) si nous « discernons le corps » (1 Co 11,29) pour ne pas manger notre propre condamnation. Car faire le rite sans entrer dans la présence réelle du mémorial et sans devenir à son tour pain rompu et sang versé, c’est « devenir coupable du Corps et du Sang du Christ » (1 Co 11,27).
Laissons-nous « assumer » par Celui qui nous a aimés comme Église-Épouse et qui s’est donné, livré, pour nous en nous lavant par « le bain d’eau qu’une parole accompagne » (Eph 5,26) et nous nourrissant du pain de sa chair vivifiante pour que nous soyons cellules vivantes en son Corps pour l’éternité.
L’éternité n’est pas ailleurs, mais autrement…
La présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie est intimement liée au Sacerdoce nouveau, celui du Christ, selon l’ordre du roi Melkisédek qui devient le nôtre sous la double forme baptismale et ministérielle. Cette présence réelle est donc indissolublement liée à la succession apostolique. Là ou le sacrement de l’Ordre (sacerdoce ministériel) se perd, celui de l’Eucharistie s’évanouit. Le chapitre 6 de l’Évangile de s. Jean, la Séquence de la Solennité d’aujourd’hui qui est une composition de s. Thomas d’Aquin et le chapitre 8 du « De rationibus fidei » peuvent nous aider à éclairer notre foi dans le mystère insondable de l’abaissement du Fils de Dieu jusqu’à la croix, jusqu’à l’autel, jusqu’à nous!
26 juin 2022, 13ème dimanche TO C
Bon dimanche de la vraie liberté…
Jésus, l’homme aux exigences insupportables qui refuse la violence et la destruction de ses ennemis, qui ne cherche à manipuler personne pour se trouver des « followers ». Il n’oblige personne et n’achète personne. On ne peut le suivre qu’en pleine liberté puisqu’il nous mène à la croix, mais n’est-ce pas précisément cela la liberté?
Bonne fête à tous les papas!
10 juillet 2022, 15ème dimanche TO C
Bon dimanche du surprenant Samaritain…
Une histoire de brigands de grands chemins nous est racontée aujourd’hui pour nous faire découvrir que si l’ennemi n’est pas notre prochain, aucun homme blessé, attaqué, spolié et écrasé ne peut être notre ennemi puisque nous voulons lui être proche, être son prochain, AVOIR PITIÉ de lui…
Une histoire de brigands où des gestes inouïs d’humanité sont posés contrairement à ce qu’on aurait pu penser, brisant la chaîne infernale de la haine et du mensonge qui emprisonne l’autre dans l’aveuglement de notre esprit… Voici toute l’histoire des hommes ici-bas…
L’avenir et l’éternité sont à ces gestes inouïs qui témoignent d’une fraternité vraie possible, d’une liberté authentiquement vécue, d’un martyre de charité qui nous donne de ne pas désespérer et d’apprendre à voir ce bien qui ne fait pas de bruit et qu’on veut ensevelir sous des tonnes de mauvaises nouvelles amplifiées jusqu’à la nausée…
Heureusement qu’il y a une autre parole à écouter, une bonne nouvelle à découvrir, un autre regard à apprendre…
Une parole toute proche de nous pour que nous puissions la mettre en pratique…
Qu’est-ce à dire? Sinon qu’elle correspond à la naturalité de notre être s’il n’est pas dévoyé… elle est notre mode d’emploi normal, inscrit dans chaque fibre de notre code génétique… Et, si nous sommes dociles à ce que nous sommes vraiment, au meilleur de nous-mêmes, cette parole est la voix de notre conscience qui nous pousse vers le bien et nous écarte du mal. Cette naturalité de fonctionnement nous pouvons la remarquer chez les autres vivants (végétaux et animaux) qui instinctivement choisissent ou s’orientent vers ce qui contribue au maintien de leur existence, à leur épanouissement et à la transmission de la vie. Cette programmation qu’ils reçoivent de leur Créateur, ils ne peuvent s’en écarter…
Une pareille programmation se retrouve chez nous les humains dans tout ce qui relève du fonctionnement automatique de notre organisme qui a un impact aussi sur notre psychè puisque nous sommes un seul et même être, corps et âme.
Mais, précisément, chez nous, il y a aussi tout ce qui relève de l’intelligence et de la volonté, tout ce qui garantit notre liberté et fait que « l’homme sage domine les astres » et n’en soit pas simplement le jouet aveugle.
La loi naturelle explicitée dans le Décalogue en termes négatifs d’interdiction est une expression de cette spécificité unique de l’être humain, mais on la remarque encore plus, cette spécificité, quand par le jeûne, la prière et l’aumône il nous est donné de maîtriser notre corps, notre soif de domination et de possession. C’est un dépassement énorme de l’instinct animal… et pour cela il est difficile d’arriver à s’y maintenir et à y grandir… Le poids de l’animalité est bien trop lourd pour nous assurer la légèreté nécessaire pour ce minimum d’humanité que saint Jean Bosco exprimait dans son trinôme éducatif et pastoral: Raison, Religion, Bienveillance, ou encore Bon sens, Ouverture à la grâce, Bonté affectueuse… Être raisonnable (jeûner), être juste (envers Dieu et les autres), être aimable (pour panser doucement les plaies de nos frères)… Pour y arriver il faut quelque chose de surhumain afin de régler l’animalité et l’instinctif, une grâce venue du Créateur de nos âmes qui est aussi notre Rédempteur. Lui qui s’est fait notre prochain et nous invite à faire de même.
Notre Samaritain qui nous a découvert le chemin de notre authentique humanité, le chemin de la fraternité dans l’auberge, la maladrerie, l’hôpital qu’est son Eglise…
Si le Décalogue peut se résumer dans l’amour de Dieu par dessus tout et du prochain comme soi-même, la question du Légiste de l’Évangile d’aujourd’hui resterait sans réponse, à savoir: « Qui est mon prochain? » Parce qu’en réalité elle est bien mal posée, cette question, et Jésus l’a renversée pour y répondre: Sur qui ai-je décidé de me pencher? Pour qui suis-je prêt à être proche? Envers qui suis-je disposé à faire preuve de pitié? Même envers mon « ennemi »? (et je ne saurais en avoir, sauf quand il faut défendre les brebis qui me sont confiés contre les loups, les bandits et autres assassins…)
Ainsi toutes les barrières sautent et toutes les justifications que nous nous amusons à inventer pour nous déshumaniser s’écroulent.
Et les portes de la vie éternelle s’ouvrent devant nous, nos noms sont inscrits dans les cieux, et la nouvelle création commence dans le Crucifié-Ressuscité qui s’est fait le prochain de chacun de nous blessés sur la route, il a changé notre regard…
En lui tout est récapitulé, l’humanité n’est plus décapitée, sans tête, sans chef, sans direction, livrée à la désagrégation et à l’animosité infra-animale, mais réconciliée et pacifiée…
« Va et, toi aussi, fais de même! »
Que la grâce de faire ceci en mémoire de Lui nous soit accordée chaque jour pour que nous habitions dès maintenant la vie éternelle… sur la route contrôlée par des brigands…
17 juillet 2022, 16ème dimanche TO C
Bon dimanche de l’Hôte très doux de nos âmes…
Béthanie, en hébreu « maison du pauvre » ou « maison des dattiers »… pour Jésus ce n’est pas d’abord un endroit intéressant au pied du mont des Oliviers, tout près de Jérusalem, avec de beaux paysages ou bien – qui sait? – un bon hôtel ou restaurant où se reposer… mais c’est surtout le cœur de trois amis qui l’aiment et qu’il aime… Deux sœurs et leur frère chez qui il se sent bien: Marthe, Marie et Lazarre (nous les fêterons ensemble le 29 juillet).
Avec les vacances d’été (pour ceux qui peuvent se les offrir…) d’une part, et d’autre part les drames humains de violences, de guerres et de carnages insensés (les fabricants d’armes paient les taxes… et les contrebandiers offrent de bons pots-de-vin…), l’épisode de Béthanie peut nous aider à ne pas nous désorienter au gré des soi-disant « influencers » de tour…
Ne nous laissons pas voler la meilleure part!
Il y a des voix et des visages, des regards et une présence qui nous font recentrer notre vie et goûter à l’essentiel… Comme une brise légère après la bourrasque, comme un oasis de fraîcheur après la traversée du désert, comme une épaule assurée après les désarrois… Comme un retour chez soi, en soi pour y redevenir soi-même, en toute liberté… Comme une bouffée d’air sous le parfum des sapins qui dilate doucement les poumons et nous revigore… Comme ces instants d’éternité qui apaisent notre faim et notre soif… Comme ce sourire d’un enfant qui éveille le meilleur de nous-mêmes…
Ah! Si nous pouvions nous ouvrir à l’accueil de celui qui nous donne son cœur, son sourire, son épaule, sa lumière et son Esprit… Jésus s’invite chez nous, sous notre toit, dans notre tente…
La Trinité veut faire sa demeure en nous… C’est elle qui passe notre faim et notre soif… C’est elle qui calme notre agitation et nous introduit dans le rythme de son cœur qui bat d’amour pour nous de toute éternité et viens nous le murmurer quand nous prenons le temps d’être à l’écoute…
Être à l’écoute de la brise légère, de la source qui murmure au fond de nos cœurs « Viens vers le Père! », mais aussi de la souffrance indicible de l’Apôtre, du témoin, du martyr qui complète en sa chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l’Église pour que le mystère tenu caché depuis toujours mais qui maintenant a été manifesté à ceux que Dieu a sanctifiés soit dévoilé parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire !
Brise légère, feu dévorant, souffrance du Christ en agonie jusqu’à la fin du monde tant que chaque brebis égarée n’aura pas été trouvée pour qu’elle choisisse la meilleure part…
C’est la Séquence de Pentecôte qui nous revient à l’esprit et l’icône de la Trinité de Roubliev (Philoxénie d’Abraham)…
Viens, Esprit Saint, en nos cœurs,
et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres,
viens, dispensateur des dons,
viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain,
hôte très doux de nos âmes,
adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ;
dans la fièvre, la fraîcheur ;
dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse,
viens remplir jusqu’à l’intime
le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine,
il n’est rien en aucun homme,
rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
redresse ce qui est dévié.
À tous ceux qui ont la foi
et qui en toi se confient,
donne tes sept dons sacrés.
Donne vertu et mérite,
donne le salut final,
donne la joie éternelle.
Amen. Alléluia.
L’Hôte très doux de nos âmes trouvera-t-il nos cœurs ouverts…?
Saurons-nous deviner la seule chose nécessaire pour notre vie…?
Être mûrs pour l’éternité quand la lance ou les boulets ou la mitraille nous faucheront…?
Larmes de Marie, larmes de Jésus, confiance de Marthe et… un jour Lazare reviendra à cette vie pour accueillir aussi l’autre vie… Car l’Hôte très doux, son ami fidèle, est Résurrection et vie en plénitude!
31 juillet 2022, 18ème dimanche TO C
Bon dimanche de la recherche des réalités d’en-haut ici-bas…
Le terreux prétentieux pris à son propre piège est celui qui prétend renoncer aux arrières mondes, à l’au-delà, à l’idée d’un ciel et d’un enfer, en se posant ici-bas comme le surhomme… Il se veut adulte et libéré de l’étau des conformismes sociaux pour assumer et assurer et définir sa propre identité de manière ab-solue… puis au bout du compte il se retrouve dans un attrape nigaud, pris au piège de la machine de ce monde dont le moteur est l’argent (mammon), le carburant le plaisir (belzébul) et le volant le pouvoir (satan)… Alors au soir de la vie il est tout désabusé, déçu d’avoir amassé, entassé, détruit et ruiné les autres et son monde… il désespère de lui-même, dans le meilleur des cas, ou accuse tout le monde de son malaise et, comme un rat empoisonné, il rend la vie impossible aux autres (dans la plupart des cas)… Se pendre ou faire un carnage c’est tout comme… c’est se mentir et tout mensonge vient du malin…
On comprend alors la prière de Jésus à la dernière Cène: « Je ne te prie pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais » (Jn 17,15).
Il n’y a aucun doute, c’est par le mensonge, les ténèbres de l’intelligence que l’homme commence sa descente aux enfers… Que ce soit l’enfer d’ici-bas du progrès artificiel pour certains avec son corollaire de drogues et de faux-semblants de pure chirurgie esthétique et sa codicille de violence et de luxure désabusée… Que ce soit l’autre enfer d’ici-bas de la marginalisation réelle et cruelle qui elle aussi voudrait être ce qu’elle n’est pas et se drogue et se soûle pour ne pas voir sa putréfaction… Que ce soit l’enfer définitif réservé pour le diable et ses suppôts, mais déjà effectif dans la fermeture plus ou moins relative des cœurs au bien et au vrai… tout commence par un mensonge…
Lequel? Ne pas se rendre compte que nul ne peut être heureux seul sur terre et que les biens de la terre sont pour préparer notre ciel en les partageant avec les autres… Ah! Cette soif de posséder, qui est une idolâtrie…
C’est toute la morale de ce monde néolibéral ou néo-socialiste… même exploitation de l’homme par l’homme! Toute l’histoire de l’humanité, de l’esclavage, du délire prométhéen qui oublie d’essuyer une larme, et de panser une blessure…
Cette soif de posséder, qui est une idolâtrie… Moloch sur l’autel duquel le commerce des armes sacrifie des milliers de vie qui valent chacune plus que tous les univers réunis… transformant en bêtes féroces et hideuses ses adorateurs, « troupeau parqué pour les enfers et que la mort mène paître » (Ps 49,15)…
« Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont transpercé l’âme de tourments sans nombre » (1Tm 6,10).
« Faites donc mourir en vous
ce qui n’appartient qu’à la terre :
débauche, impureté, passion, désir mauvais,
et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie.
Plus de mensonge entre vous :
vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien qui était en vous
et de ses façons d’agir,
et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau
qui, pour se conformer à l’image de son Créateur,
se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance ».
La recherche des réalités d’en-haut, se fait dans la jungle d’ici-bas où nous apprenons à être dans le monde sans être du monde… Ce monde livré au pouvoir des détraqués, drogués, armés… Le monde c’est le vide et l’éphémère, mais c’est seulement là que nos cœurs peuvent découvrir la sagesse et nos yeux commencer à regarder autrement l’autre et les choses et à ne plus jamais s’agenouiller devant aucune des idoles qui mènent nos frères et sœurs à leur perte certaine, entrainant des milliers d’autres dans le désespoir… car le crime ne se ferait pas s’il ne profitait pas à quelques-uns…
L’homme nouveau, celui qui apprend la vraie mesure de ses jours en se rassasiant de l’amour de Dieu, c’est lui dont le cœur pénètre la sagesse de la croix et des plaies glorieuses… puisqu’il sait qu’il n’échappera pas à la machine qui broie les vivants au profit de…l’idole sans vie qu’est l’argent…
Et pourtant, cet argent trompeur et malhonnête aurait pu, devrait, doit servir à nous faire des amis dans les tentes éternelles (Lc 16,9)…
« Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?»
Mais il semblerait que plus rien n’arrête la folie de ce monde… Que les martyrs se préparent!
Se préparer à quoi? À aimer jusqu’au bout, envers et contre tout… et pour cela à œuvrer sans cesse pour s’enrichir pour Dieu et enfin à utiliser à bon escient leur intelligence illuminée par la foi capable de trouver une issue là où l’on ne l’aurait jamais pensé… tout n’est pas vanité, il y a chaque jour du nouveau sous le soleil (n’en déplaise à Qohélet) car: Jésus est ressuscité! Il nous accompagne sur les chemin d’ici-bas..
15 août 2022, Assomption
Bonne fête de l’Assomption pour contempler le chef-d’oeuvre le plus parfait de la Trinité: Fille du Père, Mère du Fils, Temple de parfaite docilité à l’Esptit d’amour, de vérité et de liberté!
La Très Sainte Vierge Marie est la parfaite Arche d’Alliance, de l’Alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Fils de ses entrailles et de sa foi… Écoutant la Parole et la gardant dans son cœur elle l’a accueillie aussi dans sa chair pour lui donner corps et l’unir à notre humanité… Aucune autre créature n’a joué le rôle unique de cette mère où la victoire du Christ sur le péché, sur la mal, sur la mort a été totale…
C’est Elle qui a formé l’Église à la docilité à l’Esprit comme authentique mère du Christ total: Tête et membres! Elle nous garde dans l’Alliance nouvelle pour remporter la victoire sur le Dragon et chanter son Magnificat de générations en générations…
Vivant pour toujours avec son corps et son âme dans la gloire de son Fils, Elle est le premier maillon de la chaîne des ressuscités avec le Christ…
Qu’elle nous entraîne au Stabat à l’heure de la croix car notre Fiat doit devenir inébranlable pour que tout homme goûte à la joie de la plénitude de Grâce venant du Christ qui l’a comblée, Elle la première!
Surabondance incroyable alors que l’ont pensait ne plus pouvoir espérer… lampe allumée du vendredi saint jusqu’au matin de Pâques, jusqu’à l’éternité, réserve d’huile pour chacun de nous, maintenant et à l’heure de notre mort-dormition, doux passage vers l’autre rive quand la main du meilleur Ami nous tient…
15 août 2022, Assomption de la Vierge Marie
Bonne fête de l’Assomption pour contempler le chef-d’oeuvre le plus parfait de la Trinité: Fille du Père, Mère du Fils, Temple de parfaite docilité à l’Esptit d’amour, de vérité et de liberté!
La Très Sainte Vierge Marie est la parfaite Arche d’Alliance, de l’Alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Fils de ses entrailles et de sa foi… Écoutant la Parole et la gardant dans son cœur elle l’a accueillie aussi dans sa chair pour lui donner corps et l’unir à notre humanité… Aucune autre créature n’a joué le rôle unique de cette mère où la victoire du Christ sur le péché, sur la mal, sur la mort a été totale…
C’est Elle qui a formé l’Église à la docilité à l’Esprit comme authentique mère du Christ total: Tête et membres! Elle nous garde dans l’Alliance nouvelle pour remporter la victoire sur le Dragon et chanter son Magnificat de générations en générations…
Vivant pour toujours avec son corps et son âme dans la gloire de son Fils, Elle est le premier maillon de la chaîne des ressuscités avec le Christ…
Qu’elle nous entraîne au Stabat à l’heure de la croix car notre Fiat doit devenir inébranlable pour que tout homme goûte à la joie de la plénitude de Grâce venant du Christ qui l’a comblée, Elle la première!
Surabondance incroyable alors que l’ont pensait ne plus pouvoir espérer… lampe allumée du vendredi saint jusqu’au matin de Pâques, jusqu’à l’éternité, réserve d’huile pour chacun de nous, maintenant et à l’heure de notre mort-dormition, doux passage vers l’autre rive quand la main du meilleur Ami nous tient…
28 août 2022, 22ème dimanche TO, C
Bon dimanche de l’impossible humilité…
La vertu de l’humilité selon la pensée chrétienne n’était pas considérée comme telle par la morale païenne d’un Aristote, par exemple. Dans cette dernière perspective au lieu d’être une « vertu », signifiant la force elle serait plutôt une vulgaire faiblesse, un rabaissement de la personne, un manque de grandeur d’âme, de la servilité ou de la flagornerie… ou tout au plus une expression de « modestie » et de tempérance…
En proposant cette attitude d’humilité dans les paraboles d’aujourd’hui, en invitant à un désintéressement étrange contraire aux diplomatiques échanges de bons procédés (qui souvent ne sont que du donnant-donnant) et aux conditions normales de réciprocité, Jésus ne semble pas comprendre à fond les dynamiques d’ici-bas…
Dans cette jungle où nous vivons, la loi du plus fort étant la meilleure, il faut savoir jouer des coudes, s’imposer, se faire respecter, se faire valoir par l’appareil de l’autorité qui sait se faire obéir sinon de bon cœur du moins par la peur, l’intimidation, l’argent et la manipulation, les pots-de-vin et les luttes d’influence quand ce n’est pas par la terreur… et l’orgueilleuse élimination de l’autre…
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Le terme « humilité » signifie étymologiquement « adhérant à ce qui est bas », humilis en latin vient de « humi », c’est-à-dire « appuyé à terre ». Cet abaissement peut se produire de deux façons : « 1° En vertu d’un principe extrinsèque, lorsque par exemple un homme est abaissé par un autre. Et alors l’humilité a un caractère pénal [c’est une humiliation… et il en faut beaucoup selon sainte Bernadette pour faire un peu d’humilité vraie !]. 2° En vertu d’un principe intrinsèque. Cela peut parfois être bon, lorsque quelqu’un, par exemple, considérant ce qui lui manque, s’abaisse selon sa condition, comme Abraham disant au Seigneur (Gn 18, 27) : “Je parlerai à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre.” L’humilité est alors une vertu. Mais parfois cela peut être mauvais, lorsque, par exemple, “l’homme, oubliant sa dignité, se compare aux bêtes stupides, et devient semblable à elles” (Ps 49, 13) »( Cf. Thomas d’Aquin, Somme théologique, II-II, q. 161, a. 1, ad 1).
Comme Aristote considérait surtout la vie de la cité, la vie sociale, il n’inclut pas l’humilité dans sa liste des vertus parce que dans ce cadre « la soumission d’un homme à un autre est déterminée selon l’ordre de la loi, et fait partie de la justice légale. Mais l’humilité, selon qu’elle est une vertu spéciale, regarde principalement la subordination de l’homme à Dieu, à cause de qui il se soumet aussi aux autres lorsqu’il s’humilie » (II-II, q. 161, a. 1, ad 5).
C’est la vertu qui tempère et refrène l’esprit pour qu’il ne tende pas de façon immodérée aux choses élevées (II-II, q. 161, a. 1). Elle fait donc partie de la vertu de tempérance. De fait « Aristote dit que celui qui tend vers de petites choses, selon ses possibilités, n’est pas appelé magnanime, mais “tempéré” : nous, nous pouvons l’appeler humble. Et l’humilité, parmi les autres parties de la tempérance, est contenue sous la modestie, de la manière dont en parle Cicéron : en tant que l’humilité n’est rien d’autre qu’une certaine modération de l’esprit » (II-II, q. 161, a. 4).
Elle provient donc du fait que quelqu’un, en toute vérité connaît ses limites et reste à sa place, considérant ce qui lui manque il s’abaisse selon sa condition, donc réfrène ses appétits.
Cette reconnaissance de nos propres limites prend sa source dans « la révérence par laquelle l’homme se soumet à Dieu. C’est pourquoi tout homme, s’il considère ce qui est de lui, doit se mettre au-dessous du prochain en considérant ce qui, en celui-ci, est de Dieu. Mais l’humilité n’exige pas que l’on mette ce qui, en soi-même, est de Dieu, au-dessous de ce qui apparaît être de Dieu en d’autres. Car ceux qui reçoivent en partage les dons de Dieu savent bien qu’ils les ont. […] C’est pourquoi, sans manquer à l’humilité, on peut préférer les dons que l’on a soi-même reçus aux dons de Dieu qui paraissent avoir été attribués aux autres. […] De même l’humilité n’exige pas non plus que l’on mette ce que l’on a d’humain au-dessous de ce qui est humain dans le prochain. Autrement, il faudrait que tout homme se jugeât plus pécheur que tous les autres, et cependant S. Paul a pu dire sans manquer à l’humilité (Ga 2, 15) : “Nous sommes, nous, des juifs de naissance, et non de ces pécheurs de païens”. Néanmoins, tout homme peut juger qu’il y a dans le prochain quelque chose de bon que lui-même n’a pas, ou qu’il y a en lui-même quelque chose de mauvais qui ne se trouve pas chez l’autre, ce qui lui permet de se mettre par humilité au-dessous du prochain » (II-II, q. 161, a. 3).
De toute façon, « prétendre à quelque chose de grand en se fiant à ses propres forces est contraire à l’humilité. Mais il n’est pas contraire à l’humilité de tendre à de grandes choses en mettant sa confiance dans le secours divin, surtout puisque l’on est d’autant plus élevé aux regards de Dieu que l’on se soumet davantage à lui par humilité. “Autre chose, dit S. Augustin, est de s’élever vers Dieu, autre chose de s’élever contre Dieu. Celui qui s’abaisse devant lui est élevé par lui, et celui qui se dresse contre lui est abaissé par lui” (II-II, q. 161, a. 2, ad 2).
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Voici comment l’humilité est une vertu chrétienne et se mettre au service des plus petits en est une expression spécifique. Si en assumant la nature humaine le Fils de Dieu s’est vidé de ses prérogatives divines (c’est la kénose), en devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix, il a réalisé dans son humanité l’idéal de l’humilité et y conduit tous ceux qui croient authentiquement en lui, car c’est l’idéal de la vérité de ce que nous sommes et que nous devons devenir parfaitement.
Pourtant le sens ultime de cette invitation à l’humilité au cœur de la parole de Dieu de ce dimanche ne se trouve que dans la perspective de la foi en la résurrection!
« Cela te sera rendu à la résurrection des justes! » (Lc 14,14)
S’il manque cette foi, don de Dieu, en Jésus le Ressuscité, qui nous ouvre la perspective de l’autre rive en donnant un sens à la traversée de cette vallée de larmes, tout ce discours est vide et impraticable… Impossible l’humilité, car l’humiliation est insupportable… Cette dernière est une arme manipulée adroitement par le tentateur sur ceux qu’il n’a pas réussi à ployer par la séduction…
Mais, si nous sommes « venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux », si nous sommes « venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection », si nous sommes « venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle » et d’un monde nouveau, il nous sera donné de comprendre que « plus on est grand, plus il faut s’abaisser : on trouvera alors grâce devant le Seigneur…» Et devant lui seul!
L’impossible humilité chrétienne n’est donc pas une simple vertu humaine, mais un acte de foi théologale! Un don de Dieu qu’il faut humblement demander et accueillir: force de la croix et puissance de la résurrection!
14 septembre 2022 ~ La Croix Glorieuse — Fête
La Croix et la Gloire, sommet de l’histoire: l’Amour a le dernier mot!
Voici que s’achève le Carême de l’été et en cette occasion nous nous demandons:
– Comment transformer un assassinat en sacrifice saint et agréable à Dieu?
– Comment voir en un crime odieux un mystère aimable et adorable?
– Comment faire pour qu’une malédiction devienne bénédiction?
– Comment transformer un instrument de mort et de torture en arbre de vie?
– Commenger changer l’amertume et la déréliction en cri de joie?
– Comment réussir à passer de la honte à la gloire?
– Quelle alchimie pour que toute cette souffrance atroce et ce flot de sang innocent soit une guérison?
– Comment se pourrait-il qu’une clameur aussi puissante qui se perd dans le silence de la nuit devienne une trainée de lumière traversant de part en part l’histoire de l’homme et les cœurs de chacun?
– Comment le bouc émissaire, l’Agneau immolé devient-il le Lion de Juda?
– Comment le serpent tueur est-il tué pour devenir antidote de son venin?
– Comment la Kénose et l’humiliation deviennent-ils Résurrection et gloire?
– Comment l’esclave devient-il le libérateur et le sauveur?
– Avec quels yeux faut-il regarder Celui que nous avons transpercé pour voi la lumière jaillir de ses plaies et nous guérir de notre aveuglement?
– « Comment renaître quand on est vieux? »
Telle était la question posée par Nicodème à Jésus… Et toutes les questions précédentes y sont en quelque sorte contenues, en sont l’explicitation…
Et la réponse de Jésus pointe vers l’eau et l’Esprit, naître de l’eau et de l’Esprit. Mais elle pointe aussi vers le sang qui jaillira de son côté ouvert quand il sera élevé sur la Croix, véritable échelle de Jacob et Porte du Ciel. Lui seul est descendu du Ciel et lui seul peut nous y conduire… au fait il est venu parmi nous pour que nous soyons ciel de Dieu…
L’impossible transformation dont nous parlions a une réponse claire: « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne! »
Dévoilement du mystère de Dieu: Amour, Folie d’Amour, Don d’Amour, de toute éternité…
La foi, comme certitude confiante provenant du regard sur Celui que nous avons transpercé et dont le regard nous pardonne…
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique… »
Il nous a donné son Verbe créateur, son Verbe de vie, pour une nouvelle création. Et en tuant l’Auteur de la vie, notre ennemi, le péché en nous, a épuisé son venin… la mort est vaincu par la vie… Il se réalise alors la véritable alchimie: Récapitulation de la création dans une éternelle déclaration d’amour que nous pouvons enfin entendre. Croire en cela, se laisser prendre dans ce mystère d’amour c’est déjà:
– un sacrifice de louange;
– une bénédiction totale;
– manger du fruit de l’arbre de vie;
– passer des larmes amères aux cris de joie;
– changer la honte en « Felix culpa »;
– se laver, se blanchir dans le sang de l’Agneau;
– devenir silencieuse prière éclairant la nuit;
– goûter à la force de la faiblesse;
– boire le remède de l’immortalité;
– entrer dans la splendeur de la gloire;
– régner en servant le Roi-Esclave dans les plus petits de ses frères;
– semer partout la bonne odeur de l’encens des plaies glorieuses marquant le Cierge Pascal;
– naître et renaître d’en haut;
– se laisser hisser et tirer jusqu’au ciel per Celui qui nous attire du haut de la Croix: « Et moi, élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes! »
Qu’il nous accorde d’être dociles à la joyeuse lumière de sa résurrection!
Qu’il nous accorde de manger de l’arbre de vie plantée au jardin: Heureux celui qui a faim!
+++
Notre Dame du Perpétuel Secours,
secourez-nous, secourez Haïti et protégez l’Église !
Nous vous avons demandé de soulager et consoler notre Peuple,
donnez-nous le courage de traverser les douleurs d’enfantement d’une Haïti nouvelle debout au pied de la Croix avec la lampe de la foi allumée, puisque l’espérance ne déçoit pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint que votre Fils Jésus nous a envoyé.
Amen !
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18 septembre 2022, 25ème dimanche TO C
Comment un fils de la lumière peut-il être habile?
L’injustice, la fraude, la corruption, le mensonge, le vol et le pillage, la manipulation, l’exploitation, sont tellement faciles, partout sur la terre, au niveau macro et micro qu’il faudrait penser que c’est le penchant « naturel » de l’homme… du moins de l’homme déchu, aveugle et gisant dans les ténèbres…
L’ivresse des hauteurs et de la violence (pour ceux qui ont un poste de responsabilité ou disposent d’une arme), l’ivresse des bas-fonds (pour ceux qui s’engluent dans la drogue et le sexe), l’ivresse de l’appât du gain (pour ceux qui veulent demeurer dans les ivresses précédentes), sont des démons lâchés sur notre monde comme autant de lions rugissants cherchant qui dévorer…
Une folie ténébreuse qui rend bêtes les uns et les autres. Une démangeaison qui veut pervertir toutes les valeurs et se vêtir de respectabilité… Servir ces démons c’est la perte définitive de notre âme… quand les agneaux deviennent eux-mêmes des loups…
Si Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, il ne peut forcer aucun homme à se laisser sauver…
Ce salut passe par une nouvelle intelligence des choses, une lumière nous est donnée pour devenir habile par rapport au nécessaire, à ce qui demeure, à ce qui fait honneur à notre dignité de fils de Dieu: servir les autres et non pas les asservir… Utiliser les biens de la terre pour le bien de tous si l’on veut leur donner un valeur d’éternité… Etre habiles à faire le bien et à éviter le mal… Devenir candides comme des colombes et rusés comme des serpents pour ne pas nous laisser voler le ciel…
Croire effectivement que le Ressuscité ne nous ment pas quand il nous indique le chemin qui nous fera sortir de nos ténèbres pour demeurer dans la lumière: « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »
C’est clair, pas vrai? Mais qui veut y croire pour de vrai, pour de bon? Qui veut être un habile fils de la lumière?
Le diacre saint Laurent (fêté le 10 août) peut nous aider à croire qu’il est possible de vivre la parole du Christ, si nous lui permettons d’être notre unique Seigneur. Lorsqu’en 257 après Jésus-Christ, l’Empereur Valérien interdit aux chrétiens de pratiquer leur culte et que la persécution se durcit en 258, le pape Sixte II fut décapité avec quatre diacres le 6 août. Laurent, est chargé de la gestion des biens de l’Église de Rome et de la distribution des aumônes, lorsqu’éclate cette violente persécution contre les chrétiens. Alors, d’une manière tout évangélique, considérant les pauvres comme le plus grand trésor de l’Église, il met les biens de celle-ci «en sûreté» en leur distribuant tous ses trésors. Il montre ainsi son courage d’intendant intègre de l’Église, malgré les juges devant lesquels il comparaît et la terrible torture qui lui est infligée: le Préfet ordonna de le dénuder, de le faire déchirer à coups de fouet, puis de l’étendre sur un gril où les charbons placés en-dessous devaient peu à peu consumer ses chairs. Mais le Saint se riait de ses tortures, les offrant à Dieu, disant même moqueur: « Je suis assez rôti de ce côté, vous pouvez me retourner ». Il rendit l’âme peu après.
Fils de la lumière, intendant bon et fidèle comme chaque chrétien est appelé à l’être, il s’est uni au Christ mort et ressuscité afin de porter témoignage à la vie éternelle offerte par Jésus. Il entre dans la joie de son Maître.
En ce dimanche, n’oublions pas l’exhortation de saint Paul: « J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité.»
Même si parfois cela peut nous sembler difficile à accepter, faisons-le de tout cœur pour que l’ange déchu ne les détourne pas de la lumière: c’est ainsi qu’il plonge les peuples dans les ténèbres et le désespoir…
Prier pour ceux qui exercent l’autorité, cela aussi est œuvre de charité intelligente… sinon nous basculons dans leurs ivresses démoniaques et mortifères…
Qu’il nous soit donné de demeurer dans la lumière pour louer le Seigneur: « Béni soit le nom du Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles ! Il abaisse son regard vers le ciel et vers la terre. De la poussière il relève le faible, il retire le pauvre de la cendre…»
25 septembre 2022, 26ème dimanche TO C
Bon dimanche de l’isocèle peu équilatéral et encore moins rectangle selon Abraham…
La connaissons-nous? La bande des vautrés? Peut-être… en haut, triangle rectangle (en apparence); en bas, triangle isocèle… (sans allusions indues); à gauche et à droite, triangle équilatéral (il faudra que la gauche maladroite trouve un équilibre, quand même!)… Pétrole, Armes, Drogue, en vue de Sexe, Bombance et Ripailles, Violence, Prosélytisme, Mensonge et Beaux vêtements et bijoux en l’honneur de Mamon… etc. Trop hideuse cette secte pour que l’on s’occupe à la décrire, ce serait lui rendre service comme le font les mass-médias qui se repaissent de la chair de leurs congénères…pour quelques dollars… ce n’est pas sans raison que cynique vient du latin « cynicus », du grec ancien κυνικός, kynikós, de κύων, kýôn = « chien ». Animal par ailleurs des plus honorables, compagnons fidèles et utiles. Dans la parabole d’aujourd’hui un d’entre eux léchait les ulcères du pauvre Lazare… De plus quand ils sont enragés, ils ne vivent pas longtemps, tandis que la bande dont nous parlons n’a de longévité qu’en tendant au paroxysme de la rage… En réalité il s’agit d’un troupeau parqué pour les enfers et que la mort mène paître… il dure peu, il ressemble au bétail qu’on abat… (l’homme qui n’est pas clairvoyant…!)
Et tout cela parce qu’ils refusent d’écouter et de comprendre et de voir l’essentiel invisible pour les yeux… Il y a plusieurs façons de perdre la tête: Patience! Mais quand les stupéfiants se mettent de la partie, on ne sait plus à quel saint se vouer! Quelle affaire que cette aventure humaine où la peur de la mort fait tuer l’autre… Les assassins sont suicidaires et les suicidaires deviennent facilement des assassins… Ah! Si l’on pouvait retrouver la santé mentale suffisante pour redécouvrir ce qui en vaut la peine, ce qui est sublime, ce qui est sacré, ce qui est saint: Une vie humaine! Un sourire…! Une lueur dans les yeux, indice d’intelligence et de complicité profonde… Quand l’esprit traverse la chair et qu’un au-delà des apparences se dévoile…
Ah! Si l’on pouvait croire en cet homme crucifié qui a peut-être dit vrai: il est la résurrection!
Bon, il s’agit d’une grâce offerte à tous et accueillie en profondeur par quelques-uns. Car cette lumière qui renverse l’humaine échelle des valeurs et soutient la marche vers la vérité de l’amour ne peut pas venir de nous… Car ceux qui ont Moïse et Élie, n’ont rien compris et quand celui qu’ils ont tué est ressuscité ils n’arrivent pas à le croire… Abraham savait de quoi il parlait…
Sur la croix des angles droits des quatre triangles authentiquement rectangles unis par l’amour et la vérité la folie humaine s’arrête et la sagesse de la divine faiblesse coule à flots… une goutte de cette eau aurait suffit au stupide Épulon (le riche banqueteur imbécile) au séjour des morts…
Tant pis pour ceux qui croient qu’après la mort il n’y a rien…
« Toi, homme de Dieu,
recherche la justice, la piété, la foi, la charité,
la persévérance et la douceur.
Mène le bon combat, celui de la foi,
empare-toi de la vie éternelle !
C’est à elle que tu as été appelé,
c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi
devant de nombreux témoins.
Et maintenant, en présence de Dieu qui donne vie à tous les êtres,
et en présence du Christ Jésus
qui a témoigné devant Ponce Pilate par une belle affirmation,
voici ce que je t’ordonne :
garde le commandement du Seigneur,
en demeurant sans tache, irréprochable
jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ.
Celui qui le fera paraître aux temps fixés, c’est Dieu,
Souverain unique et bienheureux,
Roi des rois et Seigneur des seigneurs,
lui seul possède l’immortalité,
habite une lumière inaccessible ;
aucun homme ne l’a jamais vu,
et nul ne peut le voir.
À lui, honneur et puissance éternelle. Amen. »
2 octobre 2022, 27ème dimanche TO C
Bon dimanche de la foi sans prétention qui nous ajuste malgré ce monde disloqué…
Comment augmenter notre foi? De quelle foi parlons-nous?
Est-ce de ce «do ut des», «je te donne pour que tu me donnes», espèce de marchandage que nous voudrions faire avec Dieu pour le manipuler? Est-ce de cette prétention à avoir du mérite devant lui parce que nous avons observé ceci et cela? Alors nous commençons la comptabilité et exigeons un dû…
Pis encore que cette vision quantitative et commerciale de la foi, il y a la confusion entre les biens d’ici-bas (consolations de Dieu) et le Dieu des consolations qu’il nous faut consoler dans nos frères…
Et si nous comprenions que rien ne nous est dû dans le domaine de la relation avec Dieu! Nous sommes toujours débiteurs et insolvables…
Et si nous comprenions que la vraie foi n’est pas une protection contre toutes les difficultés et les embûches de ce monde, mais la certitude d’un amour plus grand que tout ce que le monde pourrait offrit…
Et si nous prenions conscience que notre foi ne nous déresponsabilise pas envers nos frères en ce monde, mais nous pousse à un engagement encore plus total pour les soulager…
Et si nous nous engagions pleinement au combat pour vaincre par le bien le mal qui nous environne… sans utiliser les moyens de mensonge et de violence de ceux qui nous torturent et nous découragent…
Et si la vraie foi était notre défaite aux yeux du monde…
Car si notre foi était quantitative, ne serait-elle grosse que comme une graine de moutarde, tout le monde naturel nous obéirait… Mais elle n’est pas de cet ordre… Elle est une qualité de relation avec Dieu qui passe nécessairement par la personne du Ressuscité, miséricordieux et fidèle… Elle est avant tout une grâce, donc un regard d’amour de Dieu posé sur nous qui suscite une réponse incroyable en nous dévoilant sa lumière et en détruisant tour à tour les idoles que nous ne cessons de fabriquer: «Va, vends, donne et suis-moi…!»; «Eunuques pour le Royaume, qui peut comprendre qu’il comprenne!»; «Le plus petit est le plus grand… le plus grand est le serviteur, l’esclave!»… Sans la lumière de la Résurrection du Christ, le jeune homme riche va s’en aller tout triste, le cœur humble et pur va se souiller et s’endurcir, le pauvre et l’artisan de paix iront s’enrôler aux côtés du dragon pour une guerre suicidaire… Le disciple trahira et reniera… mais s’il ne se pend pas, il se reprendra, se tournera après les larmes vers son Seigneur pour lui dire: «Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime».
Voici ce qu’est la vraie foi: rencontre du Dieu vivant et vrai en Jésus Ressuscité qui par son humanité assumant la nôtre nous délivre de nos idoles pour que Dieu puisse nous rejoindre dans le regard de chacun de nos frères… Le reconnaître! Enfin… après avoir dit trois fois: «Je ne connais pas cet homme!»
La foi n’est pas une «chose» que l’on a, elle est une relation qui se déploie et qui nous fait grandir à partir du jour où nous avons été rejoints sur notre route de Damas ou nos chemins d’Emmaüs. Elle est une course pour embrasser celui qui nous étreint. Elle est épanouissement de notre être au soleil de l’amour authentique… et cela n’a d’autre mesure que l’infini du don de soi…
Le cri du prophète Habacuc pourrait parfaitement être le nôtre aujourd’hui:
«Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler,
sans que tu entendes ?
crier vers toi : « Violence ! »,
sans que tu sauves ?
Pourquoi me fais-tu voir le mal
et regarder la misère ?
Devant moi, pillage et violence ;
dispute et discorde se déchaînent.»
Vraiment, il y aurait de quoi désespérer parfois de l’humain et du degré d’inhumanité auquel il peut descendre… S’il n’y avait pas ce seul Juste qui a vécu par la foi jusqu’à la croix et est venu nous entraîner à la bataille pour la véritable victoire…: «Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité.»
«De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’ ».
Tenir dans le monde notre devoir de louange et de service quand toutes les raisons de le faire semblent s’estomper… Fidélité à un «oui» pour la vie… voilà ce qui nous ajuste à tout moment pour ne pas perdre cœur… Prendre notre part de souffrance pour l’annonce de la joie au cœur de la douleur…
C’est ce que Paul rappelle à Timothée: « Je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération. N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n’aie pas honte de moi, qui suis son prisonnier ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides que tu m’as entendu prononcer dans la foi et dans l’amour qui est dans le Christ Jésus.»
Ainsi nous pourrons «garder le dépôt de la foi» qui n’est pas une chose mais le trésor d’une amitié et d’une douceur et d’une lumière et d’une liberté à expérimenter «dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous» en tout temps, en tout lieu…
16 octobre 2022, 29ème dimanche TO C
Bon dimanche de l’arme la plus puissante… à manier correctement
Contrairement à ce qu’on pourrait penser la véritable «agonie», donc le véritable «combat» n’est pas celui qu’on livre avec les moyens de destruction des seigneurs de la guerre…
Une «agonie» au sens premier n’est pas cet état dans lequel un malade lutte contre la mort et où la vie s’éteint par degrés. C’est plutôt un combat que l’on mène pour assumer jusqu’au bout les conséquences et les sacrifices qu’implique notre décision de vivre de façon authentique le meilleur de nous-mêmes.
Le mot grec ἀγωνία (agonia) veut dire précisément: lutte dans les jeux (sport), d’où exercice gymnastique et par suite, exercice en général et lutte. C’est seulement au sens figuré, en considérant l’effort et la fatigue que cela implique qu’il signifie aussi l’agitation de l’âme, l’inquiétude, l’anxiété et l’angoisse.
On comprend alors pourquoi au moment où Jésus va achever sa mission sur terre saint Luc nous dit que sa prière devint une agonie (Lc 22,44). C’est le combat de l’amour et le combat de la foi… C’est le combat de l’espérance contre toute espérance… C’est le combat de la vie qu’est la prière et de la prière qu’est la vie… La fatigue des mains de Moïse au haut de la montagne ou des bras de Josué dans la plaine… L’insistance de cette pauvre veuve face au juge inique… La précarité de la vie c’est bien ce qu’exprime la prière, le fait qu’elle soit mal assurée et passagère (prex, precor, precatio sont bien la famille latine originaire du mot prière), mais en même temps la possibilité pour l’homme de se laisser buriner, sculpter par les coups et contrecoup qui lentement façonnent son être en mettant à rude épreuve son roc intérieur… comme l’assaut des vagues contre les côtes de notre île qui savent devenir falaises redoutables ou grottes sous-marines de pirates tout comme plages paradisiaques et havres de paix…
Celui qui avait écrit « L’agonie du christianisme » (Miguel de Unamuno) en donnant au terme son sens original avait certainement perçu une grande vérité…
Seul le combat de la prière où nous acceptons que notre volonté se laisse rencontrer par l’amour le plus grand, le plus fort, nous poussera à nous salir les mains en défendant nos frères, risquer nos vies en faisant la vérité dans la charité, braver le danger de donner notre vie avant qu’elle ne soit prise…
Et si nos mains levées vers le Seigneur, attendant sa pitié, sont tendues aussi vers les plus petits comme le Pélican de la légende ou l’Agneau immolé de l’Apocalypse, alors les textes de la liturgie d’aujourd’hui nous révèleront quelque chose d’indicible…
«Les Saintes Écritures ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi que nous avons en Jésus Christ…
«Toute l’Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien…»
Épée à double tranchant à manier correctement en laissant le Seigneur exercer nos mains pour le combat et nous entraîner à la bataille… de l’amour jusqu’au bout… pour que « SA » volonté soit faite et non pas « LA » mienne… et qu’ainsi TOUTE notre vie soit prière… Alors, souhaitons-nous: Bonne «agonie»!
23 octobre 2022, 30ème dimanche TO C
La prière du pauvre traverse les nuées… parce qu’elle est sincère…
Par des voies que nous ignorons, la Divine Providence mène le cours de l’histoire vers un achèvement qui passe par le cœur de chacun… et c’est là que tout se complique…
Le déterminisme relatif ou total du cours des choses n’oppose aucune résistance au projet de Dieu, selon ce que nous pouvons comprendre: la réalité infra-rationnelle, même vivante, suit inexorablement sa « programmation » et assure à l’être humain la base à la fois solide et fluide (étrangement) qui permet notre existence sur terre…
Tout se complique quand nous arrivons à l’homme qui habite cette petite planète perdue dans la Voie lactée, infime galaxie dans l’univers… Il possède quelque chose qui peut bien perturber le cours de ce qui dépend de cette chose-là mais surtout qui le perturbera lui-même s’il n’assume pas correctement sa dépendance par rapport à la nature et surtout par rapport au Créateur de tout… L’intelligence et la volonté, la liberté que possède l’homme, en plus de son ouverture à l’absolu qui le taraude, font de lui par définition un « être-avec » qui doit s’appuyer sur les autres pour vivre et un « orant » qui doit s’ouvrir à Dieu dans un dialogue qui est prélude de vie éternelle, si elle est authentique…
Quoi qu’en dise le poète, les animaux n’ont pas besoin de prier et encore moins les végétaux ou les minéraux, ils suivent leur programmation et ne pouvant s’y soustraire, ils ne peuvent manquer à la loi de leur bon fonctionnement… L’être humain, par contre, est fait pour le dia-logue pour la communication, il est par définition un être « précaire », fait pour « prier »… Il est fait pour l’amour qui est don de soi voulu, recherché et assumé pour qu’un autre puisse exister… Remarquons que tout dans l’univers est fait pour les autres: des particules les plus élémentaires aux amas de galaxie, tout est en relation et échange mutuel… la corruption de l’un est génération de l’autre et ainsi de suite… La différence avec l’être humain c’est que celui-ci peut résister intérieurement d’une façon surprenante à la loi du don de soi et se replier dans un égoïsme qui ne peut que le détruire en faisant de lui, non pas un conservateur et transmetteur de l’existence mais un « néantiseur » infernal, ce n’est pas sans raison que saint Paul affirme que la création est soumise au néant en attente de rédemption quand se manifestera ce que nous sommes comme fils de Dieu… Les vrais fils sont ceux qui font effectivement sa volonté (comme le Christ), les autres ceux qui ne font que leur propre volonté (comme… l’Antéchrist…)
Comme le dit Clive Staples Lewis: «À la fin, il n’y aura que deux groupes d’hommes qui se tiendront devant Dieu, ceux qui lui disent: “Que ta volonté soit faite” et ceux à qui Dieu dit: “Que ta volonté soit faite”. Tous ceux qui se trouvent en enfer y sont de leur propre choix» (Cf. Youcat, no. 53, p. 43).
La prière, c’est la volonté de Dieu faite et accueillie sur la terre… par nous…
Si dimanche dernier les textes insistaient sur la persévérance dans la prière, ce dimanche l’accent est mis sur les dispositions intimes du cœur que suppose cette prière incessante que nous devons devenir. Parmi ces dispositions ils pointent du doigt, en particulier, la sincérité et l’humilité que nous devons avoir en toute vérité devant la source de notre être, et devant lui seul, d’ailleurs. Comment pourrions-nous le tromper, lui le créateur de l’intelligence qui nous conduit à la vérité? Comment pourrions-nous nous enorgueillir devant lui, le Tout-Puissant et le Souverain bien?
Nous pouvons croire le tromper en nous trompant nous-mêmes… En mesurant notre relation avec lui sur la base de biens matériels à l’aune des apparences humaines: Vanités des vanités…! En nous considérant meilleurs que les autres sur la base de notre rang social et de notre jouissance de la bonne renommée morale et religieuse : C’est ainsi que l’on traitait les faux-prophètes…
Entre le pharisien, pur observant de lois religieuses vidées de leur esprit authentique, qui voit la poutre dans l’œil des autres et aime l’argent autant que les voleurs, d’une part, et le publicain, pécheur public et exploiteur corrompu qui comprend son état de déchéance et ne se croit pas meilleur que les autres, d’autre part… la différence est abyssale! Et pourtant elle est un simple changement de perspective: Ce que je suis aux yeux de Dieu c’est tout ce que je suis… et cette vérité me libère… Même dans la maison de Zachée le salut peut arriver… aujourd’hui…
Remarquons que le publicain rentre chez lui « justifié », mais ne le sait pas… tout comme le pharisien rentre chez lui « condamné » pour son aveuglement et le mépris des autres, mais ne le sait pas… Dieu seul connaît le fond du cœur de chacun, appelé à vivre avec lui pour l’éternité… Des deux larrons aux côtés de Jésus, qu’il nous soit donné d’être celui qui entendit sa sentence de salut juste avant sa mort: « Aujourd’hui, tu seras avec moi au Paradis! »
Ne méprisons personne… nous risquerions d’avoir de terribles surprises… au Purgatoire…
Prions pour qu’il nous soit donné de pouvoir dire comme saint Paul au soir de notre vie (qui peut être ce soir…) :
« Je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi ».
30 octobre 2022, 31ème dimanche TO C
Bon dimanche du rêve millionnaire…
Profiter de la présence de l’occupant et de ses armes lourdes pour d’enrichir sur le dos des plus pauvres… Telle était l’astuce des publicains: ils payaient à l’occupant le tribut que devait une région et ils percevaient sur leurs compatriotes les taxes correspondant à leur versement avec des bénéfices énormes. Véritables experts dans les finances, ils savaient tirer leur épingle du jeu à tous les coups et les plus humbles devaient toujours porter les poids de toute la société (nous ne faisons, bien entendu, aucune allusion à des faits contemporains…). Avec cet argent les publicains qui probablement ne payaient pas de taxes pour le culte selon la loi de Moïse et étaient en contact constant avec l’occupant romain, ne pouvaient qu’être méprisés par le peuple et surtout par les pharisiens, par exemple, qui aimaient eux aussi l’argent (Lc 16,14), mais s’arrangeaient pour paraître bons et gagner la sympathie de tous en gardant les traditions de leurs pères.
Quant aux publicains corrompus, ils pouvaient faire bombance et ripailles entre eux, pour se retrouver avec un goût de sang et de cendre au fond de leur conscience marquée au fer rouge… Sans pouvoir ou vouloir identifier avec précision d’où venait leur malaise… Comme beaucoup d’autres dans ces situations troubles et ambigües ils pourraient se leurrer et se droguer pour oublier le mal-être le soir et recommencer de plus belle au lendemain comme des sangsues et des vampires…
Les hommes aujourd’hui les plus riches des pays les plus pauvres, d’où est-ce qu’ils tirent ces richesses et à qui les donnent-ils??? Peuvent-ils être autre chose que de malpropres vermines et vautours qui s’alimentent du cadavre de leurs frères?
J’ai rêvé l’autre jour que si les multimillionnaires d’Haïti (et la liste est disponible sur la toile magnétique) pouvaient s’acheter un peu de conscience (« dix sous de conscience » comme quelqu’un le faisait chanter au temps de mon adolescence…), ils n’auraient qu’à se mettre d’accord pour le bien de leur peuple et les solutions viables seraient trouvées… Mais quel est leur peuple? quand ils peuvent avoir la citoyenneté d’un autre pays du nord par la naissance (comme s. Paul, citoyen romain de naissance, Ac 22,28) ou en l’achetant (comme le tribun Claudius Lysias, Ac 23,26)… Leur peuple, mon peuple, est-ce qu’ils le connaissent? Eux qui passent la charrue en labourant sur son dos et en plongeant les sillons? (Ps 128[129],3) pour enrichir quelles métropoles? A cause d’eux, apatrides ou étrangers (et ils influents et puissants!), à cause de leur insatiable appât du gain, les jeunes sont dévoyés, les parents découragés, les enfants pervertis, les vieux écrasés et abandonnés… Du haut de leurs avantages ils profitent de la bonté d’un peuple pacifique et utilisent ses enfants débauchés et drogués pour le malmener et l’étrangler…
Il est une ivresse des hauteurs qui fait basculer dans les « profondeurs de satan » (Ap 2,24). Il est une ivresse des profondeurs qui fait deviner au fond de la mer la grandeur du Créateur…
Il est une vaine science et sagesse qui se met au service des idoles de ce monde… Il est une divine folie qui met chaque chose à sa place en asservissant les biens et les idoles de ce monde au soulagement et bien-être de tous et surtout des plus faibles… Il y a là un « salut » non pas en termes d’appauvrissement de tous, mais en perspective d’enrichissement de tous (2 Co 8,13: «Il ne s’agit point, pour soulager les autres, de vous réduire à la gêne ; ce qu’il faut, c’est l’égalité»).
Mais le cœur de l’homme est « tortueux et pervers » (cf. Jer 17,9) tant qu’il n’est pas retourné et redressé par la perspective d’une relation d’amour vrai et indubitable qui le guérisse du dedans de son avidité, qui donne un sens à sa vie et le délivre de ses démons et de ses cauchemars… C’est l’œuvre de la grâce certainement…
Pourtant, parfois la douleur inévitable et la catastrophe peuvent être un « sycomore » d’où les Zachée de ce monde peuvent voir ce que vit la foule des délaissés et méprisés… Alors Zachée le publicain peut se retrouver dans sa petitesse gonflée pour voir passer Jésus au milieu des pauvres qui le sont de plus en plus à cause de sa rapacité… Lui et les autres, peut-être que Jésus les interpellera et s’invitera à leur table pour qu’une parole de vie et de salut entre chez eux…
« Zachée, debout, s’adressa au Seigneur : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. » » (Lc 19,8)
C’est ainsi que les publicains et les prostituées précèderont les pharisiens dans le Royaume (cf. Mt 21,31), car s’ils ont tous l’appât du gain, seul le pharisien se croit pur devant Dieu…
Zachée descend chez toi…
Pierre, suis-moi…
Et Lévi-Matthieu, le publicain se mit à la suite de Jésus…
Et le jeune homme riche s’en alla tout triste…
Et Simon-Pierre s’en ira là où il ne voudrait pas…
Et tous nous accomplirons tout le bien que nous désirons, si le Seigneur rend active notre foi.
L’homme comblé qui n’est pas clairvoyant ressemble au bétail qu’on abat… (cf. Ps 49,13.21)
Et s’il devient le seul modèle proposé aux nouvelles générations, c’est la plus grande catastrophe!
Une salve de mitrailleuse, pas trop loin de chez moi, me réveilla et mon rêve s’évanouit… mon cœur battait la chamade… Avec le jour qui se levait, il fallait reprendre la fatigue du crêve-cœur quotidien malgré tout et recommencer à croire, à espérer et à aimer car nous n’avons d’autre richesse que ce souffle de vie en nous qui nous pousse à accueillir la joie divine d’exister même dans les bas-fonds le plus sordides de cette humanité écrasée où nous voyons se lever, touchées par la grâce, des fleurs d’une telle beauté qui rendent supportable la lutte quotidienne…quitte à les voir bientôt écrasées et avilies… pour…?
Fils de l’homme venu chercher et sauver ce qui était perdu parce que tu aimes ceux que tu as créés, Seigneur Jésus, viens au plus vite!
1er novembre 2022 ~ Tous les Saints
Bonne fête de la sainte jalousie de Dieu, Père de tous ses enfants!
Un Père jaloux du bonheur de ses enfants et qui met tout en œuvre pour qu’ils soient heureux en participant de bonheur qu’est sa communion avec son Fils dans l’Esprit…
Père tellement jaloux de notre bonheur qu’il ne permet pas que notre liberté soit violentée, car ce qu’il nous réserve – et qui doit être à la hauteur de sa jalousie – c’est le meilleur de lui-même et le meilleur de nous-mêmes… L’intimité la plus profonde avec nous que l’Ecriture exprime en termes de « voir la face », le « voir tel qu’il est », « voir Dieu »… Ce sommet de l’existence qui en est la source absolue c’est bien la « vision béatifique »… Nous sommes créés pour voir le Père…
Il pourrait sembler étrange de s’exprimer ainsi et pourtant c’est tout l’élan et le souffle profond du dynamisme de la foi chrétienne et de toute l’Ecriture lue à la lumière de la Résurrection du Christ Jésus.
La fête de la Toussaint nous situe précisément au cœur de la contemplation du désir le plus profond de nos cœurs qui est aussi celui du cœur de Dieu: la rencontre face à face qui comblera nos désirs et qui dès maintenant nous est offerte…
Que sera cette joie et cette fête! Si le moindre sourire ici-bas peut illuminer un visage, faire briller nos yeux et réchauffer nos cœurs, que sera la vision du sourire du Créateur même du sourire…! Béatitude!
Le Père est jaloux du sourire de chacun de ses enfants, jaloux de le faire surgir, ce sourire…
Le Père du ciel se bat pour que rien ne vienne nous voler ce sourire pour le transformer en grimace et faux-semblant…
Son Fils est venu nous dévoiler le sourire du Père: Qui me voit, voit le Père! Et nous avons transformé ce sourire en une plaie béante, un cœur ouvert par un coup de lance! Pourtant, ceux qui regardent celui qu’ils ont transpercé et qui accueillent l’eau vive qui jaillit de son amour et de son pardon, retrouvent du coup leur propre sourire… D’un amour éternel je t’ai aimé… Je suis ton frère, va dire à mes frères… que je n’ai pas honte de les appeler frères… foule immense de ceux qui l’ont cherché et qu’il a cherchés: une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues…
Foule immense des frères et de sœurs qui s’entraident en s’aimant comme le Christ les a aimés et qui pour cela font la joie du Père, augmentent la joie au ciel à chaque fois que l’un d’entre eux s’était tourné vers le Père pour redécouvrir son sourire et la joie divine d’exister, la joie et la liberté des enfants de Dieu… Communion des saints…
Dans leurs vies le Père nous procure un modèle, dans la communion avec eux un appui et dans leur intercession un appui… Car ce Père est si jaloux du bonheur de ses enfants qu’il veut les sauver l’un par l’autre dans son Fils… Si un enfant ne voudrait pas participer au bonheur et au sourire des autres, il attriste l’Esprit du Père et du Fils et renonce à son propre bonheur…
L’amour jaloux du Père fait qu’au ciel il n’y a pas de jalousie… sauf le désir du bonheur de l’autre… et de lui donner la première place en lui lavant les pieds…
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Bonne occasion de découvrir les différents sens et termes pour dire la « jalousie » dans les Ecritures qui vont de l’envie au dévouement et à l’attachement de l’amour, propre de Dieu. Il est intéressant de remarquer que c’est le terme « zélote » (en grec et en latin) qui sert pour dire cet attachement farouche de Dieu à notre bonheur, d’abord par l’exclusion de l’adoration d’une autre réalité en dehors de lui considéré comme une infidélité conjugale par rapport à l’alliance (Ex 20,5; 34,14; Jos 24,19), mais aussi de l’attachement du fidèle à Dieu (1 R 19,10;
Il ne faut pas confondre ce type d’attachement farouche d’une relation d’amour avec le fait d’être envieux du bonheur des autres, comme dans le cas des frères de Joseph qui le vendirent comme esclave (Ac 7,9; Jc 4,2), sentiment qu’on ne saurait attribuer au Père de notre Seigneur Jésus que le « zèle de la maison de son Père dévorait » (Ps 69, 10; Jn 2, 16-17)
קַנָּ֣א = [kanna] en hébreu = ζηλωτής = [zêlotês] en grec =
2 novembre 2022
Commémoration de tous les fidèles défunts, on peut choisir entre les diverses lectures du Lectionnaire
Que de larmes, mon Dieu! Quelle cuisante mais confiante espérance…
«Jésus pleura» (Jn 11,35).
Il faut avoir vécu l’expérience d’un deuil profond et la déchirante douleur devant le seul mal insupportable (la méchanceté et la cruauté humaines) pour comprendre ce verset le plus court de la Bible: les larmes de Jésus ému face aux larmes de Marie devant le tombeau de Lazare.
Les évangélistes parlent plusieurs fois des larmes de Jésus et des larmes qui ont accompagné son existence:
– devant le tombeau de Lazare (Jn 11,35);
– son émotion devant la veuve éplorée de Naïm: « Ne pleure pas! » (Lc 7,13);
– sur la ville de Jérusalem (Lc 19,41);
– les sueurs de sang de l’agonie (Lc 22,44);
– les larmes et le cri aigu et déchirant sur la croix (He 5,7).
Devenir insensible à la douleur des autres est le signe d’une humanité dévoyée et pervertie, «sans cœur, sans pitié» (Rm 1,31), incapable de «pleurer avec ceux qui pleurent» et d’être «dans la joie avec ceux qui se réjouissent» (Rm 12,15). Cette dureté de cœur si contraire à la miséricorde est bien condamnée par Jésus comme cause principale de la pratique de la répudiation des femmes (Mt 19,8; Mc 10,5) contraire au projet d’amour initial du Créateur, donc fruit du péché, est la loi de la jungle humaine quand elle a perdu totalement le bon sens. C’est Hérode ordonnant le massacre des enfants à Bethléem tandis que Rachel inconsolable pleure ses enfants en Rama (Mt 2,18).
Celui qui est venu nous donner un cœur de chair et un cœur de douceur, d’humilité, nous donne aussi un cœur prêt pour le combat, comme le bon berger qui donne sa vie pour ses brebis… Il a durci son visage pour monter à Jérusalem où, aimant jusqu’à l’extrême, son cœur sera ouvert par la lance après sa mort sur la croix pour qu’en jaillisse un fleuve de vie, plaie glorieuse de celui que nous avons transpercé et vers lequel nous devons nous tourner pour trouver la guérison…
Flots de sang et de larmes est cette histoire humaine dans laquelle le Verbe s’est fait chair pour habiter parmi nous et nous apporter la consolation de savoir que nos larmes ne sont pas sans espérance à cause de sa résurrection et qu’un jour «Dieu essuiera toutes larmes de nos yeux» (Ap 7,17; 21,4). Cuisante espérance qui passe inévitablement par le grain qui meurt, promesse de moisson… Mais quoi d’autre le monde peut-il nous offrir et nous promettre qui ne soit pas cendre et illusion… Incapable de créer la vie, le monde donne la mort… folie mortifère qui s’empare de cerveaux malades de deviennent la proie du menteur et homicide dès les origines (Jn 8, 44-47) qui fait que les larmes ne cessent pas de couler…
Alors pleurons nos chers défunts et réjouissons-nous en même temps car, pour la plupart, ils sont avec le Christ, leur vie (Ph 1,23). Essayons de suivre leurs traces. Prions aussi pour eux tous afin que ce qu’il y avait de fragile dans leur vie soit enlevé et qu’eux-mêmes soient sauvés «comme à travers le feu» (1 Co 3,15). Qu’aucun d’entre eux ne se retrouve dans «les pleurs et les grincements de dents» du dehors ténébreux (Mt 8,12).
Que notre amour de charité et notre pardon les délie sur terre afin qu’ils soient déliés dans les cieux (Mt 18,18), puisque pour le Dieu vivant il n’y a pas de mort, car tous vivent pour lui (Lc 20,38).
Nos larmes ne sont pas sans espérance… heureusement… «Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés» (Lc 6,21). Et puisque nous croyons dans notre cœur que Jésus est ressuscité, nous avons aussi la certitude qu’il transfigurera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux! (Ph 3,21).
C’est pourquoi, sachant que le temps est écourté, «désormais, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’en avaient pas, ceux qui pleurent comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui se réjouissent comme s’ils ne se réjouissaient pas, ceux qui achètent comme s’ils ne possédaient pas, ceux qui tirent profit de ce monde comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. Car la figure de ce monde passé» (1 Co 7,29-31).
Donne-leur, Seigneur, le repos éternel et que brille sur eux la lumière de ta face: ton sourire éternel…
Joie après les larmes… Notre tristesse deviendra joie… (Jn 16,20
3 janvier 2021 L'Epiphanie
Lumière pour notre nouvel an de grâce ! Bonne fête de notre admission au même héritage, au même Corps, à la même Promesse dans le Christ Jésus!
Nous savons que la grotte de la nativité à Bethléem a été délibérément choisie par Marie et Joseph qui avaient la maison des parents de Joseph pour demeure et c’est là que l’étoile conduira les Mages, mais qui ont cherché un lieu plus retiré pour l’accouchement, laissant la chambre d’hôte pour d’autres parents… Là il y avait la paille sèche qu’on y conservait pour la donner aux animaux mais ces derniers n’étaient pas dans la grotte.
Si s. François d’ Assise et la tradition populaire ont mis l’âne et le boeuf dans la crèche c’est à cause d’une déclaration du prophète Isaïe (1,3): « Le boeuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître, Israël ne connait pas, mon peuple ne comprends pas… »
Mystère de l’élection d’un peuple pour attirer tous les peuples …
Mystère de mon élection pour devenir frère de tous …
Mystère de l’étoile, lumière de la foi, qui peut s’éclipser quand nous nous appuyons sur les forces d’ici-bas et notre logique …
Mystère de notre marche vers l’imprévu déconcertant d’un Dieu qui échappe à nos catégories, grâce à Dieu, sinon il serait une idole, création de notre imagination …
Les Mages sont arrivés bien des mois après la naissance de l’enfant, il y a eu entre-temps la circoncision et la présentation au temple avec l’offrande des pauvres selon la loi de Moïse …
Avertis en songe ils repartiront par un autre chemin et l’adoration projetée par Hérode deviendra massacre des innocents…
Les Mages avaient apporté de l’or au grand roi , de l’encens au Fils de Dieu , de la myrrhe au vainqueur de la mort…
Et nous? Que lui offrirons nous?
Devenus fils de la promesse et de la bénédiction d’Abraham à cause de notre foi qui nous fait entrer dans la grâce et la vérité que la loi de Moïse ne donnait pas, offrons au Seigneur le seul sacrifice qui lui plaise: l’or de notre intelligence illuminée par la foi, l’encens de notre prière conformant notre volonté à la sienne, la myrrhe de nos souffrances où nous apprenons à ne plus vivre qu’en lui, vainqueur de la mort.
Voici l’adoration véritable : soumission de notre intelligence, docilité de notre volonté, disponibilité de notre coeur au détachement des choses d’ici-bas pour rentrer chez nous par un autre chemin …
Autre que celui des ténèbres de ce monde qui nous aveuglent … autre que la soif de domination qui nous conduit à détruire les autres…
Voici l’adoration véritable en esprit et en vérité qui illuminera chaque instant de nos vies pour que l’année soit un An de grâce dans l’action de grâce !
Bonne année!
10 janvier 2021 Le Baptême de Jésus
Bonne fête de la Parole qui réalise sa mission!
À bien réfléchir, c’est incroyable de constater la force inouïe et même surhumaine de nos paroles, de chacune des paroles que nous échangeons avec nos frères…
Une parole peut édifier, construire, faire grandir, encourager, guérir, relever, exalter… ou le contraire…
C’est sur une parole donnée et reçue que nous engageons toute notre vie et assumons des responsabilités bien au-dessus de nos forces qui en sont pourtant décuplées…
Un homme de parole est aussi une parole de Dieu et un homme de Dieu.
Faits pour l’amour, pour la communion, pour la relation, notre trait d’union c’est la parole qui, évidemment, peut être son articulé ou simple geste porteur d’un message codé que le récepteur intelligent sait décoder…
On comprend alors pourquoi Dieu nous est décrit et se révèle à nous comme celui dont la parole s’établit pas seulement une relation avec nous, mais constitue tout notre être en nous faisant exister tout simplement (première déclaration d’amour absolu). C’est le pouvoir non seulement transformateur mais créateur au sens absolu du Verbe de Dieu qui donne la vie, le mouvement et l’être….
Fleuve jaillissant du coeur de l’amour Trinitaire qu’est Dieu… de cette surabondance de leur communion dont nous sommes le reflet et dont nous désirons la plénitude comme la goutte qui va vers l’océan…
À la parole donnée, à la parole qui nous donne celui qui s’adresse à nous dans une déclaration d’amour éternelle, nous ne pouvons que croire (avoir la vraie foi qui vient de l’écoute et ne peut être qu’un don) ou refuser la communion proposée.
Alors si c’est la Parole créatrice elle-même qui nous rejoint et s’adresse à nous, ne pas le croire, ne pas recevoir son témoignage, c’est passer à côté de notre être et de notre raison d’être : possibilité effrayante et pourtant réelle de gaspiller la parole que nous sommes, car nous ne pourrons plus aimer et être vrais avec nous-mêmes… Nous serons odieux et faux…
Face à la manifestation, aux épiphanies, de Dieu en Jésus, nous sommes devant notre chute ou notre relèvement…
Le Fleuve d’eau vive, la Parole de vie, le Soleil levant a plongé dans les eaux du Jourdain pour que Jean-Baptiste le reconnaisse et que soit accomplie toute justice… il devient ainsi l’Agneau de Dieu qui s’unit à notre humanité en prenant sur lui nos péchés, nos dettes, notre châtiment et notre mort. Il épouse notre condition pour nous en laver et nous en racheter dans le feu de son vrai baptême sur la croix et dans la résurrection avec le don de l’Esprit pour que désormais l’eau, le sang et l’Esprit témoignant à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu, nous puissions vivre d’une vie nouvelle…
Sa Parole donnée est Soleil sans déclin, elle ne retourne pas au Père sans accomplir sa mission de nous révéler le visage du Père et son projet d’amour: Tu es mon fils bien-aimé…!
Oui, Père! Amen!
17 janvier 2021, 2ème dimanche TO
Suivons l’Agneau vainqueur qui nous libère!
« Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté…
Ta loi me tient aux entrailles… »
Que d’illusions ne nous faisons-nous pas pour amortir le choc du réel et pour fuir notre dignité d’hommes et de fils de Dieu!
L’instinct de conservation immédiate de notre vie est fort au point de faire prendre des décisions qui la détruisent à la longue…
Pour garder notre vie, pour la transmettre, pour s’épargner la douleur, pour augmenter le plaisir, des mécanismes inconscients et en fin de compte diaboliques nous conduisent à une fuite du réel nous faisant perdre la tête croyant ne pas perdre la vie…
Se droguer, se saouler pourvu de persévérer dans l’existence…
Tuer avant ou par peur d’être tué…
Détruire par peur d’être détruit…
Les anciens romains résignés à leur horizon limité disaient que le vin, les bains et les plaisirs charnels détruisent la vie, mais que serait leur vie sans ces choses… illusion infernale…
Alors la course vers l’autodestruction se poursuit d’une génération à l’autre…
Ce qui est un don du Créateur pour notre vie en plénitude devient une chaîne d’esclave qui nous mène au gré des passions et dépressions…
L’Agneau de Dieu qui prend sur lui le péché du monde, qui le porte et l’enlève en nous en dévoilant la laideur et en nous montrant notre vraie grandeur sur la croix où le pardon de Dieu nous rejoint pour une résurrection dans l’amour vrai, c’est lui qui nous délivre du mensonge du malin pour nous apprendre à faire confiance à Dieu et à écouter sa voix…
Par lui nous prenons conscience que les séductions du monde et de la chair ne peuvent que nous conduire à la déchéance, en lui nous pouvons recouvrer notre liberté et notre dignité…
Seule la soumission de notre intelligence et de notre volonté à la Parole de notre Créateur et Rédempteur nous libère vraiment.
Mais comment entrer dans cette perspective si ce n’est par la grâce du Ressuscité qui nous découvre que nos corps sont faits pour la gloire éternelle et que éros et thanatos, la libido et l’instinct de mort des psychologues modernes, ou mieux le concupiscible et l’irascible comme disaient les anciens, s’ils ne sont pas réglés par la force (vertu) de la prudence sont comme des chevaux affolés qui brisent le char de notre vie en nous écartelant, rendant impossible l’unification et la pacification de notre être.
Suivre l’Agneau sans tache, semblable à nous en tout sauf le péché, demeurer auprès de lui comme les premiers disciples, apprendre à nous connaître, à nous battre avec lui pour vaincre avec lui, voici la véritable aventure et la vraie vie… C’est ce qui fait de nous les vrais sages et prudents qui dominent les astres en dominant nos passions… qui remportent la victoire sur le monde en démasquant ses mensonges grâce à la lumière de la foi, la certitude de l’espérance et vigueur de la charité plus forte que la mort et la peur de la mort qui réduit en esclavage…
Alors le fruit de l’Esprit qu’est la maîtrise de soi se développera en nous…
Parle Seigneur, ton Serviteur écoute…
Change mon nom, mon être et ma personne, donne moi la vraie solidité du Roc de la foi comme pour Pierre, après l’épreuve et la conversion dans les larmes amères…
Alors nous pourrons aimer nos frères comme toi et affermir leur foi…
Venez et voyez!
24 janvier 2021, 3ème dimanche TO
Et si nous nous convertissions…!
Le monde tel que nous le voyons est en train de passer (1 Co 7,31)
Encore quarante jours et Ninive sera détruite! (Jonas)
Les temps sont accomplis… convertissez-vous en croyant à la Bonne nouvelle! Suivez-moi… (Jésus)
Il est un regard et un appel de Dieu qui bouleverse totalement notre existence… surtout qu’à la fin du parcours ou au beau milieu nous découvrons émerveillés que ce dont nous rêvions et qui nous a mis en branle était si mesquin, étriqué et terre à terre, face à la surprise inouïe qui nous est dévoilée… alors commencera notre vraie conversion, celle de Pierre après Pâques… Jésus lui avait dit qu’il sera passé au crible par l’adversaire mais qu’une fois « revenu » – ou mieux « converti » (conversus) – il affermira la foi de ses frères… (Lc 22,32)
Nous lisons aujourd’hui le récit de l’appel des premiers disciples désireux du royaume de Dieu, tel qu’un juif de l’époque pouvait se l’imaginer… en entendant Jésus dire : « le Règne de Dieu est tout proche… » (Mc 1,14-20) Heureusement pour nous, notre lecture se fait à la lumière de la Pâque, le Royaume annoncé comme proche est déjà là dans les plaies glorieuses du crucifié couronné d’épines entre les deux larrons… La porte est ouverte, à nous d’y entrer… Simon se découvre vraiment Pierre dont rien n’ébranlera l’assise. Jacques et Jean se comprennent fils du tonnerre du dimanche de Pâques, foudroyés par la rencontre du Ressuscité : inouï!
Quel parcours dans la vie de ces hommes! Quelle conversion! Quel retournement! Changement radical de leur vision et de leurs attentes…
Dieu dépasse à l’infini nos attentes…
La vraie conversion commence non pas en faisant des choses étranges ou extraordinaires, mais en vivant l’ordinaire à la lumière d’un amour extraordinaire qui nous porte et nous soulève… Quand s’allume en nous une étincelle d’amour vrai de Dieu, tout le reste devient possible…
Tant que Dieu correspond selon nous à nos idées et à nos catégories, nous adorons notre idole, nous n’avons pas encore rencontré le Dieu vivant et vrai dont parle Blaise Pascal dans le mémorial de sa nuit de feu… <Mémorial (Blaise Pascal) — Wikipédia>
Dieu demeure caché et inconnu pour nous… pourtant présent dans le secret des tréfonds de notre être « comme un grand vide, une blessure » qui nous gardera heureusement inquiets au coeur de ce monde qui passe et nous avec… ( inquietum cor de s. Augustin)
À moins d’un retour à ce qui en nous dépasse le monde et tous les univers… Être dans le monde sans être du monde… et laisser nos embarcations et nos filets dérisoires pour la plus grande aventure de notre vie qui est l’unique… Libres pour toujours… dans la beauté ancienne et toujours nouvelle que l’on aime toujours un peu trop tard…
« Bien tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors,
et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ;
j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;
tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix. »
[…] (Confessions X, xxvii, 38)
<Vie de St Augustin (free.fr)>
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24 Janvier: Fête de S. François de Sales
Un amour fou pour Dieu et une passion sans limite pour le salut de ses frères…
Voilà ce qui caractérise la vie de tous les saints et en particulier de S. François de Sales (1567-1622).
Celui qui a goùté et qui a vu comme est bon le Seigneur, ne peut s’empêcher de vouloir communiquer cette lumière et cette joie aux autres.
Ensuite, à chaque époque, suivant les circonstances et son charisme propre, chacun realise la perfection et la plénitude de l’amour de Dieu et du service des frères dans le concret de son devoir d’état.
N’importe quel état est favorable à la sainteté et à la vie selon l’évangile qui s’appelait au temps de François: « Vraie dévotion »: la sainteté pour tous.
Et c’est ainsi que nous bâtissons la communion. En reconnaissant les dons et les charismes de chacun, en les appréciant, en rendant grâce pour la façon dont notre Dieu aime l’UNIDIVERS (terme inventé par François de Sales: « Dieu unique et acte pur crée l’unidivers c’est-à-dire crée de l’unité dans la diversité ». (Traité de l’amour de Dieu II.2.)
En reconnaissant cela nous travaillerons aussi pour que chacun développe ses bons côtés et combatte ce qui en lui est mensonge venant du malin.
Avec chacun, Dieu conclut une Alliance en se faisant connaître… A chacun il donne un nom pour l’édification de son Corps (les Douze) en vue de l’unité dans la vérité et la charité..
31 janvier 2021, 4ème dimanche TO
Bon dimanche de la seule autorité qui purifie et libère!
Première lecture: « Je ferai se lever un prophète ; je mettrai dans sa bouche mes paroles » Dt 18, 15-20
Psaume: Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur. (94 (95), 1-2, 6-7abc, 7d-9).
Deuxième lecture: « La femme qui reste vierge a le souci des affaires du Seigneur, afin d’être sanctifiée » 1 Co 7, 32-35
Évangile: « Il enseignait en homme qui a autorité » Mc 1, 21-28
« Il passe, ce monde tel que nous le voyons » nous a dit s. Paul dans la deuxième lecture de dimanche dernier (1 Co 7, 29-31) précisant que: « Dès lors, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme, ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui ont de la joie, comme s’ils n’en avaient pas, ceux qui font des achats, comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui profitent de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. »
Tout le chapitre 7 de cette première lettre aux Corinthiens est à lire pour découvrir les conséquences de la rencontre avec le Christ Ressuscité avec la conversion qui en découle, changeant notre vision de nous-mêmes, de notre corps, de notre relation avec les autres et avec le monde qui nous entoure.
Pas moyen de vivre à demi ce bouleversement…
Il faut faire des choix radicaux ou se retrouver écartelé entre les exigences de la vie d’ici-bas et la tension de notre être vers l’Absolu.
Celui ou celle qui est marié ne peut se consacrer totalement à l’union à Dieu, pourtant il ne peut ne pas y tendre une fois qu’il a goûté et vu comme est bon le Seigneur…
On a presque peur aujourd’hui de lire et de commenter ces passages de s. Paul qui sont pourtant d’un grand équilibre indiquant que chacun reçoit son don particulier de Dieu et conseillant aux époux de rester fidèles à leurs engagements conjugaux et de ne pas se refuser l’un à l’autre « sauf pour vaquer à la prière » (1 Cor 7,8: Ne vous refusez pas l’un à l’autre, si ce n’est d’un commun accord et temporairement, pour prendre le temps de prier et pour vous retrouver ensuite ; autrement, Satan vous tenterait, profitant de votre incapacité à vous maîtriser.)
Seule la prière, seule l’union à Dieu peut remplacer ou remplir le rôle de l’expression de l’intimité des époux.
« Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné… il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du royaume des Cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne ! » (Mt 19,11-12).
Paul voudrait bien que tous soient célibataires comme lui, « mais chacun a reçu de Dieu un don qui lui est personnel : l’un celui-ci, l’autre celui-là. » (1 Cor 7,7).
Pourtant quel que soit leur état de vie, tous sont appelés à la « chasteté » parce qu’appelés à la « sainteté » par la nouvelle naissance et leur union au Christ Ressuscité (Catéchisme de l’Eglise catholique, 2349 » La chasteté doit qualifier les personnes suivant leurs différents états de vie : les unes dans la virginité ou le célibat consacré, manière éminente de se livrer plus facilement à Dieu d’un cœur sans partage ; les autres, de la façon que détermine pour tous la loi morale et selon qu’elles sont mariées ou célibataires » (CDF, décl. » Persona humana » 11). Les personnes mariées sont appelées à vivre la chasteté conjugale ; les autres pratiquent la chasteté dans la continence : Il existe trois formes de la vertu de chasteté : l’une des épouses, l’autre du veuvage, la troisième de la virginité. Nous ne louons pas l’une d’elles à l’exclusion des autres. C’est en quoi la discipline de l’Église est riche (S. Ambroise, vid. 23 : PL 153, 255A) <Catéchisme de l’Église Catholique – IntraText
Catéchisme de l’Église Catholique – IntraText
Mais la chasteté trouve son expression suprême dans la virginité et le célibat consacrés.
L’enseignement nouveau apporté par Jésus implique donc une proximité de Dieu et une capacité d’exiger un amour total et exclusif qui rend le mariage indissoluble et le célibat possible parce que le pardon des péchés a été offert et la possibilité d’aimer même les ennemis comme le Christ a été donnée à tous ceux qui croient en lui…
Ce sont les signes du Royaume de la Résurrection où on ne prendra ni mari ni femme (Lc 20, 35), car nos corps faits pour la gloire auront atteint la plénitude de leur raison d’être dans la communion d’amour trinitaire. « Il transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux! » (Phil 3,21).
Les esprits impurs se rendent compte de l’autorité et de la pureté de Jésus et ne peuvent tenir en sa présence, mais ceux qui l’accueillent comme leur vrai prophète, plus grand que Moïse (cf. première lecture d’aujourd’hui Dt 18, 15-20) et ne ferment pas leur coeur (Ps 94), entrent dans la clarté du regard que lui seul peut donner: « Heureux les coeurs purs car ils verront Dieu » (Mt 5,8). « Du coeur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations. C’est là ce qui rend l’homme impur; mais manger sans s’être lavé les mains ne rend pas l’homme impur.» (Mt 15,19-20).
Le coeur impur, mélangé, tiraillé entre les choses de Dieu et celles du monde empêche la cohésion intérieure, l’intégrité et la cohérence de vie… et celui qui sème la zizanie et la division au coeur même de l’homme pour en prendre possession nous tient sous son esclavage (Mt 13,38)… Combat sans fin jusqu’à la fin de ce monde qui passe…
L’Esprit très Saint du Dieu très haut, celui qui nous vient du Ressuscité purifie notre regard, notre conscience et nos corps pour faire de nous son temple, puisque devenus fils de la résurrection qui ne mourront jamais, selon sa promesse… et son autorité!
Il nous délivre du mal, nous en arrache en ne permettant pas que nous soyons tentés au-dessus de nos forces…
Bon dimanche!
31 janvier: Fête de s. Jean Bosco
La joie et la douceur de l’Evangile voilà ce que saint Jean Bosco (1815-1888) a apporté aux jeunes pauvres de Turin et du monde entier… Lui-même s’est laissé conduire par saint Joseph Cafasso en imitant saint Philippe Néri pour la joie au milieu des jeunes, saint François de Sales pour la douceur et l’ardeur apostolique, saint Alphonse de Liguori pour la prudence morale, saint Thomas d’Aquin pour la correcte intelligence de la foi, saint Ignace de Loyola pour la discipline de vie et de prière, etc…
Il ne désirait qu’une seule chose: Les voir heureux dans ce monde et dans l’éternité!
Où trouver ce bonheur, comment le leur procurer? Sinon en les conduisant à la source de toute joie et de toute vie!
Avec l’aide de Marie, qui lui a appris dès l’âge de neuf ans les voies de Dieu et les sentiers qui conduisent à la transformation des coeurs, il a compris qu’il fallait développer son intelligence (sa raison comme on disait à l’époque) et son sens critique, s’appuyer sur le roc de la foi en Jésus qui construit son Eglise, en utilisant la bonté affectueuse comme attitude de bienveillance et de confiance dans les ressources du coeur de tout homme pour les orienter dans la bonne direction.
Il a partagé avec les pauvres tout ce qu’il avait, tout ce qu’il savait, tout ce qu’il devait, tout ce qu’il pouvait… Et ses jeunes ont compris, ils l’ont suivi et prolongent aujourd’hui encore son oeuvre…
Un rêve devenu réalité parce que son union à Dieu était la seule boussole et le seul absolu de sa vie…
Qu’il nous entraîne à la suite du Christ pour la liberté, la vérité et la joie parfaite: Da mihi animas, caetera tolle … Donne-moi de sauver les âmes, le reste ne m’intéresse pas.
7 février 2021, 5ème dimanche TO
ÉVANGILE : « Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies » (Mc 1, 29-39)
Porteurs d’une parole qui nous porte: voici une bonne description de la condition de Paul et de tout chrétien authentique rejoint par le Ressuscité sur nous chemins de Damas.
Une parole qui nous a été adressée, une parole que nous avons accueillie, une parole qui devient nous-mêmes et que, dès lors, nous ne pouvons plus nous empêcher d’exprimer…
La bouche parle de l’abondance du coeur…
Recevoir la parole d’un autre, recevoir la parole qu’est l’autre, c’est le recevoir lui-même. C’est recevoir une vérité exprimée à cause de la personne qui l’exprime et en fin de compte recevoir la personne elle-même…
C’est là que s’inscrit la signification profonde de l’acte de foi…
Il ne s’agit pas d’un calcul ou d’une argumentation. Ces deux choses relèvent la première de l’intérêt ou de la manipulation, la deuxième de l’évidence des conclusions vérifiables du type 2+2=4.
Il s’agit dans l’expérience de la foi d’un dévoilement de la personne elle-même, du type d’un « je t’aime » qui ne peux s’appuyer sur rien d’autre que sur la vérité du « je » qui se livre et où le message est cette livraison de soi que je ne peux accueillir qu’en me livrant moi-même…
Dans cette expérience de foi se joue mon bonheur ou mon malheur, ma fidélité à la parole reçue et donnée ou mon refus de donner ma confiance…
« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile! » s’écrie Paul.
Comment le parfum n’embaumerait-il pas?
Comment le sel ne salerait-il pas?
Comment la joie du coeur n’affleurerait-elle pas sur les lèvres et au fond des yeux?
Comment la plénitude de vie ne déborderait-elle pas?
Il est de la nature du feu de brûler…
Il est de la nature de l’amour de consumer…
Il est de la nature de la source de désaltérer joyeusement, simplement, gratuitement… puisqu’on ne saurait apprécier à sa juste valeur sa surabondance…
Quand nous sommes portés par cette parole qui nous porte, nous découvrons notre propre valeur au coeur même de notre déréliction… à un niveau tellement profond que nous commençons à deviner la valeur infinie de l’autre et de sa souffrance… la douleur de ses blessures… alors on peut être faible avec le faible et serviteur de tous… librement… sans se laisser asservir même pas par le service car on ne fait que se laisser porter par une parole qui nous a été offerte gratuitement et qui ne demeure en nous qu’en se donnant, en nous transformant en don…
Mains ouvertes pour accueillir, mains ouvertes pour donner, mains ouvertes ne pouvant plus se fermer pour tout garder, car ce tout se garde en se répandant… Le bien est diffusif de lui-même…
« Tout le monde te cherche… »
« Allons ailleurs… » Ne nous laissons pas confondre avec les stars adorateurs d’eux-mêmes…
Allons à la rencontre de tous les Job comme nous pour les réjouir par la nouvelle qu’ils attendaient…
Parfum de la bonne odeur du Christ qui se répand comme un baume suave sur les plaies des Job de tous les temps pour que la corvée de la vie humaine devienne noeud de la cordée d’où part une bonne nouvelle : Il est ressuscité!
Seul l’esclave qui cherchait l’ombre en apprécie la valeur…
Seul Job s’écriant « je sais que mon Rédempteur est vivant et qu’après ma mort avec mes yeux de chair je le verrai… » peut comprendre la nouvelle, la bonne!
Répondons-la! Il est quelque chose de nouveau sous le soleil: Jésus a pris sur lui notre faiblesse, il s’est chargé de nos douleurs! Démesure d’un amour qui nous porte et que nous portons…
Nos coeurs brisés ne seront plus briseurs car sa guérison nous conduit ailleurs… bien plus loin… bien plus haut… bien plus en profondeur… pour que nous devenions guérisseurs… des coeurs brisés où Dieu demeure..
14 février 2021, 6ème dimanche TO
Bon dimanche de l’impur pur pour de bon, pour de vrai!
1e Lecture : Lévitique 13,1-2.44-46 : Le lépreux habitera seul en dehors de la ville…
Ps 31,1-2.5.11
2e Lecture: 1 Cor 10, 31 – 11,1: Prenez moi pour modèle, mon modèle à moi, c’est le Christ.
Évangile: Mc 1, 40-45: La lèpre le quitta et il fut purifié.
Pur et impur, malade et bien portant, concitoyen et étranger, pauvre et riche, blanc, noir, jaune ou rouge de peau, esclave ou libre, juif ou païen, homme ou femme, présentable ou gueux, publicain ou pharisien, sexy ou fat, de caste élevée ou intouchable, circoncis ou païen, cultivé ou illettré…
La liste de nos catégories identitaires ou sécuritaires est interminable…
Tant que ces étiquettes servent seulement à simplifier le discours, elles ne seraient pas dangereuses en soi, ce sont des mots…
Mais quand elles servent à masquer ou à nous faire oublier la foncière égalité et dignité de tous les humains elles deviennent franchement dangereuses…
Quand elles nous permettent d’oublier la souffrance et la douleur des autres qui sont de chair et d’os comme nous, elles deviennent une drogue terrible capable d’anesthésier notre conscience…
Et quand elles servent à justifier notre bien-être en exploitant et en méprisant les autres, elles sont définitivement mortifères et criminelles!
De fait, tout ce qui déforme et durcit notre regard sur l’autre pour nous replier sur nos peurs de perdre notre position (pouvoir), notre argent (richesse) ou notre confort (plaisir) est un piège du Malin. C’est par là que des violences inouïes ont pu se perpétrer sur terre, des injustices tellement atroces comme l’esclavage des noirs ou le trafic humain qui n’ont pas encore pris fin.
Pourtant le Christ s’est identifié aux méprisés, maltraités, aux lépreux et aux derniers, se laissant accueillir par les publicains et embrasser les pieds par les prostituées … et nous pensons à s. François d’Assise prenant dans ses bras un lépreux, s. Louis de Gonzague portant un pestiféré, s. Pierre Claver soignant les esclaves noirs par amour pour le Christ… mais ces vérités religieuses sont étouffées par l’appât du gain, vidées de leur contenu par les démons qui mènent le monde…
Au point que le Pape François arrive à déclarer: « Parfois, je m’étonne que, malgré de telles motivations, il ait fallu si longtemps à l’Église pour condamner avec force l’esclavage et les diverses formes de violence… » (Fratelli tutti », 86). Il faudrait tout lire…
Si le Christ Jésus est vraiment notre vie et qu’il a fait sauter les murs de division entre les hommes, s’il n’y a plus ni juif ni païen, ni esclave ni libre, ni homme ni femme, alors je peux devenir le frère de tous comme s. Paul en faisant tout pour la gloire de Dieu, » manger, boire ou n’importe quoi d’autre, m’adaptant à tout le monde en toutes circonstances, sans chercher mon intérêt personnel mais celui de la multitude des hommes pour qu’ils soient sauvés… »
Son modèle c’était le Christ Jésus et alors il pouvait demander aux Corinthiens de le prendre pour modèle.
Voici la vérité souvent oublié de la fréquentation (culte) des saints: « dans leur vie Dieu nous procure un modèle, dans la communion avec eux une famille et dans leur intercession un appui, afin que soutenus par cette foule immense de témoins nous courrions jusqu’au bout l’épreuve qui nous est proposée et recevions avec eux l’impérissable couronne de gloire… »
La lèpre aujourd’hui est curable… mais la méchanceté est-elle déracinable du coeur de l’homme?
Qu’est-ce qui rend l’homme vraiment pur ou impur, sacré ou profané, saint ou pécheur, recommandable ou corrompu : les pensées et les sentiments de Son coeur et pas ce qu’il mange ou ses apparences extérieures… « Car c’est du dedans, du coeur de l’homme que sortent les desseins pervers: débauches, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchanceté, ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison… » (Mc 7, 21-23). C’est là que Dieu veut nous guérir en profondeur et nous rétablir dans la communion avec nos frères en changeant notre regard et le leur… si nous le voulons vraiment, il nous touchera en disant: « Je le veux, sois purifié! »
Dieu regarde le coeur!
Bonne fête de s. Valentin et des grands évangélisateurs des slaves Cyrille et Méthode.
Bonne entrée en carême pour une conversion toujours plus profonde au Christ qui nous fait devenir purement et simplement nous-mêmes sous le regard d’amour du Père!
21 février 2021, 1er dimanche de Carême
Bon dimanche du décapage…
Souvent distraits par le train train quotidien qui nous engourdit et nous éloigne de nous-mêmes, en nous ensevelissant sous une montagne de justifications et de faux-semblant, nous avons besoin que le choc des événements parfois ou l’accueil d’une invitation à prendre une certaine distance du ronronnement de la machine du système pour nous retrouver nous-mêmes.
C’est un vrai décapage qui doit nous mettre à nu et nous purifier avec de la cendre pour nous rendre notre comme avec du blanc d’Espagne sur un métal précieux…
C’est un émondage qui nous permet de nous débarrasser des branches mortes ou improductives de notre vie pour que toute la sève se concentre et qu’éclatent à nouveau de vrais bourgeons portant du fruit…
Accueillir l’invitation d’entrer en carême, c’est précisément entreprendre cette démarche de vérité avec nous-mêmes. Faire la vérité dans la charité pour déjouer les plans du tentateur qui a le mensonge pour arme principal. C’est accompagner Jésus au désert après son baptême pour affronter ce qu’il a pris sur lui en devenant l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde… pour affronter ce qui nous fait peur : les démons de ce monde.
Experts dans l’utilisation des leviers de la séduction pour mieux nous engloutir. Mammon, le démon de l’argent, Bèlzéboub, celui du plaisir et Satan celui du pouvoir vont toujours d’accord pour nous détruire… Avoir, jouir, pouvoir, ce sont des exigences de notre humaine existence qui ne doivent en aucun cas prendre la place du Bien ultime, de Dieu en qui et par qui notre soif profonde est apaisée. Avoir, jouir, pouvoir sont de bons serviteurs mais de mauvais maîtres … Ils corrompent nos engrenages spirituel… et nous réduisent en esclavage…
En réajustant notre tir et notre vie pendant ce parcours de carême par le jeûne (renoncer au plat de résistance d’une journée), la prière (consacrer le temps de repas à nous mettre à l’écoute du Seigneur pour découvrir sa volonté), l’aumône (offrir le plat ou l’argent à un autre plus besogneux) et cela de la façon la plus discrète possible… par ce réajustement nous retrouvons les engagements de notre baptême qui comme l’Arche de Noé nous fait échapper à la fois aux distractions et à la destruction de ce monde en décomposition sous le pouvoir des nouveaux géants cruels et sanguinaires (anciens Néphilim de la Genèse) de la technocratie, de la ploutocratie et de l’hédonisme menteur…
De cet univers livré au pouvoir du néant, le Ressuscité est venu nous arracher, comme dans la descente aux enfers dont parle le crédo selon le passage peu connu de la première lettre de Pierre que nous lisons aujourd’hui. Ayant vaincu les démons de ce monde, le Christ nous entraîne dans sa victoire pour siéger avec lui dès maintenant « à la droite du Père », c’est-à-dire pour participer à la nature divine en échappant à la corruption de ce monde…
Nos anges gardiens nous accompagnent dans ce combat tout plein d’embûches et de séductions empoisonnées…
Nous avons été créés pour ce passage, pour cette victoire, pour cette Pâque…
Ne nous laissons pas distraire…
28 février 2021, 2ème dimanche de Carême
Bon dimanche du sacrifice du Premier-né pour notre Résurrection
Le sacrifice manqué d’Isaac est un progrès énorme dans l’histoire de l’humanité et de sa relation avec Dieu, créateur de la vie et de la vie humaine en particulier, car chaque être humain est voulu pour lui-même personnellement.
Si le geste d’Abraham doit être compris dans le cadre des croyances de son époque par rapport aux sacrifices humains offerts aux divinités païennes, l’issue de l’épisode nous conduit tout droit au coeur de l’Alliance et de la progressive révélation du visage de Dieu en son Fils mort et ressuscité. La lettre aux Hébreux à compris le geste d’Abraham comme foi absolue en Dieu re-créateur (He 11,19). Ce sera l’attitude de Jésus dans le don de sa vie…
Une autre étape du progrès avant le Christ ce sera la loi mosaïque qui exprime le précepte de la loi morale naturelle bafoué par Caïn et Lamek et tous les homicides au long de l’histoire : « Tu ne tueras pas » (Ex 20,13) s’entend du meurtre d’un prochain interdisant l’homicide volontaire.
Le remplacement d’Isaac par un bélier et le rachat des premiers-nés par un animal (Ex 13,13) sera compris comme mémorial de la dernière plaie d’Égypte, la mort des aînés…
L’interdiction de l’homicide volontaire s’en remet au Maître de la vie qu’aucun homme ne doit supplanter. Elle exprime ce sens de la sacralité de la personne et de sa vie clairement perçue depuis le meurtre d’Abel et l’interdiction du meurtre de Caïn (Gn 4,15).
Lente progression qui subira une secousse déterminante par la mort de l’Unique de Dieu au calvaire…
Notre méchanceté devait aller jusque là pour que la dureté de nos coeurs soit désormais clairement exposée et nos consciences marquées au fer rouge…
Face à l’innocent et au véridique par excellence, notre culpabilité et nos mensonges nous ont complètement aveuglés, et il savait que cela devait arriver… et l’Amour infini aima jusqu’à l’extrême pour la haine meurtrière extrême soit écrasée… « Il vaut mieux qu’un seul meure pour que tout le peuple ne périsse ! » – faux calcul humain car le peuple dépérissait déjà sous le fardeau de leur tyrannie légale et hypocrite. Calcul divin: Jésus donne sa vie pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés par les loups de ce monde! (Jn 11,52).
Aboutissement et accomplissement de la loi et des prophètes, de Moïse et l’Élie, il faut écouter la voix du Christ nous parlant de l’amour de Dieu jusqu’aux dernières paroles sur la croix dont nous nous rappelons sept à chaque chemin de croix de ces vendredis de Carême, mais aussi la huitième : le coup de lance, preuve finale de sa mort et de son don total, livre ouvert et fleuve d’eau vive: l’amour de Dieu est folie, ô croix de Jésus-Christ!
D’où le cri poignant de Paul: « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Il n’a pas refusé son propre Fils, il l’a livré pour nous tous: comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout? … Dieu justifie puisque Jésus est mort; plus encore: il est ressuscité, il est assis à la droite de Dieu, et il intercède pour nous » (Rm 8, 31-34).
Quand le Transfiguré sur la montagne parlait de sa résurrection, les disciples-témoins se demandaient entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts » (Mc 9,20).
Nous maintenant, nous le savons, nous avons été rejoints par lui sur nos chemins d’Emmaüs, sur nos chemins de Damas, devant nos tombeaux vides de vie et dans nos cénacles d’incrédules…
Il nous a fait toucher ses plaies glorieuses, il a rompu pour nous le pain, il nous a appelés par notre nom, il nous a dévoilé le mystère du drap dégonflé toujours à sa place sur la froide pierre du tombeau illuminée par sa vie immortelle… et désormais, sur nos chemins de Galilée rien n’est plus pareil… un goût d’éternité au fond de la gorge nous annonçons à nos frères la liberté, la vraie : il est Ressuscité!
Oh! Il faut beaucoup de temps pour que cette nouvelle se fraie un chemin jusqu’à nos coeurs endurcis… notre liberté est souveraine… Mais qu’à cela ne tienne nous ne pourrons pas nous taire, même si la voix de notre sang doit crier de la terre comme celui d’Abel ou sous l’autel de l’Apocalypse comme les martyrs égorgés pour la Parole de Dieu : « Jusques à quand, Maître saint et vrai, tarderas-tu à faire justice, à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre? » (Ap 6,10)… nous devons être patients, le nombre de nos compagnons de service et de nos frères qui doivent être mis à mort comme nous et comme le Christ n’est pas encore complet…
Notre culte d’adoration véritable, offrande de notre propre corps et de tout notre être à l’amour miséricordieux n’est pas encore parfait…
Alors il faut crier de tout notre être le « Tu ne tueras point ton Dieu! » Et pour cela « Arrête de tuer ton frère! »
20 siècles de christianisme ne sont pas suffisant pour cela malgré les 5 premiers siècles des persécutions, les 10 siècles de division entre l’orient et l’occident chrétien, les attaques répétées de l’Islam depuis le septième siècle, les 5 derniers siècles du génocide des indiens, de la traite et de l’esclavage des noirs, de la colonisation et des guerres horribles… Jusques à quand les hommes et en particulier les soi-disant disciples du Fils bien-aimé écouteront-ils sa voix…
Il veut transformer nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux si nous découvrons en tout homme son visage…
Le Pape Francois à insisté pour que dans le Catéchisme de l’Église catholique le numéro 2267 soit modifié …pour dire que la peine de mort ne peut pas être admise et devrait être abolie, dans la mesure où aujourd’hui il est possible d’assurer des conditions de détention qui respecte la dignité inviolable de la personne et garantisse la protection et la sécurité des populations…
Nous sommes loin d’avoir ces conditions de détention partout sur terre… et pourtant malgré le cri de la voix d’Abel, c’est trop facile de rendre la pareille à Caïn… car si quelqu’un tue Caïn, la spirale de la violence ne s’arrêtera pas… (Gn 4,15) et la mort du crucifié sera sans fruit pour nous en cette Pâque…
Écoutons-le, il intercède pour nous auprès du Père!
7 mars 2021, 3ème dimanche de Carême
Bon dimanche de la purification du temple où les commandements de Dieu sont bafoués…
Voici le commentaire de Mgr Guy Sansaricq, évêque auxiliaire émérite de Brooklyn, NY:
« Avec un fouet de corde Jésus chasse brutalement les vendeurs du Temple! Ils avaient fait de ce lieu saint une caverne de voleurs. Mais, à la vérite, leur expulsion dramatique du temple n’est qu’un GESTE PROPHÉTIQUE c’est-à-dire un acte ayant pour but d’enseigner une lecon.
Le TEMPLE, lieu de la rencontre entre l’homme et Dieu, ne peut donc pas ètre souillé par le comportement scandaleux de commercants voleurs et avides de gains. Jésus est décrit comme étant “BRULANT DE ZÈLE POUR LA MAISON DE SON PÈRE.”
Mais d’autres lecons découlent de la scène! Jésus se présente comme “LE NOUVEAU TEMPLE.” Son Corps est maintenant le LIEU de la RENCONTRE de Dieu et l’homme.
C’est en COMMUNIANT à son CORPS que nous rencontrons Dieu.
Quel RESPECT indescriptible ne devons nous pas vouer à l’Eucharistie! Jésus également attire l’attention sur l’évènement de Paques. “Ce temple sera détruit mais en trois jours je le relèverai!” La encore il s’agit de son CORPS qui sera mis à mort mais qui ressuscitera. «
Le Corps de JÉSUS EST SAINT. Nous sommes appelés à vivre EN COMMUNION avec LUI.
Le Carême a précisément pour but de nous purifier intérieurement afin d’entrer dans cette relation de communion avec la divinité. Grande est notre vocation! En communiant, nos corps aussi deviennent le TEMPLE de Dieu! Apprenons donc à honorer nos corps! »
+ G. Sansaricq
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Les Juifs veulent des signes… il ont la loi de Moïse et le Décalogue, les dix commandements de la première lecture d’aujourd’hui… s’ils n’écoutent Moïse et les prophètes quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts, ils ne croiront pas…
Les grecs veulent la sagesse : ils ont la loi naturelle inscrite dans le coeur de tout homme par Dieu et la voix de la conscience… et le livre de la nature pour apprendre à adorer le Créateur plutôt que les créatures… ils sont inexcusables…
Alors il nous faut entendre l’annonce de Christ crucifié, puissance et sagesse de Dieu…
Car Dieu a tellement aimé le monde… qu’il nous a donné son Fils unique… pour que notre raison cesse de déraisonner et notre législation de nous leurrer : rien ne peut éteindre la voix de la conscience, ce sanctuaire de notre être qui peut devenir temple de Dieu ou être hanté par le diable… C’est par nos oeuvres que l’on reconnaît de quel esprit nous sommes…
En quoi transformons nous le temple de Dieu que nous sommes : maison de prière ou caverne de bandits…
Le geste de Jésus peut nous surprendre aujourd’hui compte tenu de l’image mièvre et douceureux que nous véhiculons du Christ et de son coeur doux et humble… mais le coeur c’est le lieu des décisions, donc de l’intelligence et de la volonté dans la Bible… le coeur du Christ est clair et décidé, il ne tergiverse pas avec les exigences de l’amour inconditionnel de Dieu par dessus tout… Son coeur vit d’amour et de vérité et il en témoignera jusqu’au bout… il est dévoilement de l’amour (douceur et miséricorde) et de la vérité de Dieu ainsi que de l’homme (humilité) et il est prêt à devenir la victime, le prêtre, l’autel et le temple…
Les disciples non plus ne pouvaient comprendre son intransigeance dans cette « purification » du temple… ils ne comprendront qu’après, à la résurrection…
Nous qui sommes déjà éclairés par cette lumière, voulons nous croire en la puissance et la sagesse de Dieu? Pour vivre selon la vraie justice qui dépasse celle des scribes et des pharisiens… pour vivre selon la vraie sagesse et science qui dépasse celles des grecs…?
Ce dimanche serait une bonne occasion pour relire la présentation des 10 commandements dans le Catéchisme de l’Église catholique
http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P73.HTM
Laissons le Christ nous éclairer, illuminer et purifier pour la Pâque qui vient… que ce soit notre passage pour devenir temple et demeure digne de Dieu!
21 mars 2021, 5ème dimanche de Carême
Bon dimanche de son/ton heure qui vient…
Mourir pour attirer les hommes au brasier de l’amour… de l’amour vrai plus fort que la mort…
Étrange paradoxe, divine logique de l’amour…
Pas moyen de forcer qui que ce soit à nous vouloir du bien, mais il y a moyen de vouloir du bien à tous jusqu’au bout!
Voici le secret que Jésus nous dévoile et que nous pouvons tous vivre…
C’est ce secret qui va se déployer sous les yeux ébahis des Apôtres et sous nos yeux distraits par 2000 ans d’usure, dans les jours à venir à partir du Dimanche des rameaux ou de la Passion. Puis, lentement, la Semaine Sainte et le Triduum pascal vont nous introduire dans la contemplation de cet amour et dans l’attraction du mystère de la Croix et de la Gloire.
L’amour se déclare, se propose, se dévoile, s’offre nu et faible devant celui qu’il aime et qui peut l’écraser…
Celui qui aime se consume comme la cire et la mèche en donnant la flamme qui éclaire et rechauffe… ou comme la semence qui se perd dans la terre pour que sa vie éclate et passe à un autre niveau…
N’allons pas chercher je ne sais dans quel mythe de bouc émissaire expiatoire, ou dans quelle dialectique de la violence et du sacré, ou dans quel algorithme kabbalistique astronomique gnostique, la signification de ces derniers jours de carême et l’entrée dans la splendeur de Pâques…
Le Christ s’est clairement expliqué.
Il est venu nous raconter le Dieu que personne n’a vu et lui qui en est la Parole et l’expression parfaite déploie par toute sa vie le mystère de Dieu devant nos yeux…
Et ce qu’il nous révèle est d’une simplicité absolue et d’une candeur pudique : le « je t’aime » de Dieu adressé à la liberté de tous les hommes… Nous pouvons l’accueillir comme une Alliance nouvelle et éternelle gravée dans nos coeurs par son Esprit pour en vivre dans la pleine liberté qui se donne et s’abandonne, qui pardonne et s’accueille… en accueillant le regard d’amour et de miséricorde posé sur nous, sans y être forcé…
Nous laisser attirer par celui qu’on a élevé de terre sur la croix et dans la gloire…
Regarder celui que nous avons transpercé et qui nous a aimés jusque là… et ne plus trouver d’excuses ou d’alibi pour résister à son attraction et à sa déclaration d’amour…
L’amour vrai est une passion (souffrance) et une Passion (l’aventure la plus passionnante du coeur de l’homme)!
Comme ces grecs qui voulaient voir Jésus, annonçant ainsi l’explosion d’amour qui jaillira sous peu du tombeau pour illuminer tous les hommes, juifs et grecs, cherchons à voir Jésus pour qu’en le rencontrant nous ayons la vie par la vérité de l’amour dont il est le chemin.
L’heure vient et c’est maintenant. « Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? – Mais non! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci! Père glorifie ton nom! »
C’est pour cette d’attraction et cette grâce que chacun de nous est né…
Bon dimanche de l’heure qui vient..
18 avril 2021, 3ème dimanche de Pâques
Bon dimanche de la foi en la Résurrection de la Chair !
La splendeur du cierge Pascal nous a ébouis dans la nuit sainte.
La lueur de nos petites bougies a rappelé que nous aussi nous sommes étincelles de joie dans les ténèbres du monde.
D’où vient cette lumière au fond de nos yeux ?
D’où vient cette lueur sur notre visage ?
Sinon du Feu Nouveau jailli pour nous du tombeau vide.
D’où nous vient cette assurance ?
Sinon du drap laissé dégonflé sur la pierre du tombeau. Marie Madeliene et les autres femmes ont vu le drap dégonflé, mais elles n’ont rien compris et n’ont pas pu croire.
Pierre et Jean, avertis par elles ont couru au tombeau. Jean arriva le premier et regarda ; il vit les draps dégonflés mais il n’entra pas, laissant à Pierre la possibilité de constater les faits par lui-même. Ils virent donc le drap dégonflé à la même place et le tissu qu’on avait mis à la tête pour recueillir le sang, toujours enroulé au même endroit où il était mais en relief, pas aplati comme le drap.
Jean et Pierre ont vu la même chose. Mais Jean nous dit qu’il a vu et qu’il a cru. Pourquoi ces deux regards ? L’un avait usé de violence pour protéger Jésus. Puis avait renié comme un peureux pour protéger sa vie. Et il portait encore l’amertume de ses larmes. Il n’a jamais pu comprendre que Jésus puisse accepter et affronter la mort. L’autre était resté avec Jésus, à côté de Marie, jusqu’au pied de la croix. Il a reçu de son Maître bien aimé, l’héritage le plus précieux : celui d’accueillir Marie comme sa mère. Il a vu et écouté la dernière parole silencieuse du Christ en croix: le côté ouvert par le coup de lance; l’eau et le sang qui en ont jailli, preuve qu’il était bien mort en aimant les siens à l’extrême et en pardonnant à ses bourreaux.
Que se passa-t-il entre Jean et Marie du Vendredi Saint au matin de Pâques ? Celle qui gardait la parole de Dieu dans son cœur et la méditait, au point qu’elle fut mère du Verbe de Dieu dans son cœur avant de le porter dans sa chair ?
Que pouvait-elle raconter à Jean de sa douleur et de son espérance ?
Elle a dû faire avec lui un chemin d’Emaüs. Lui ouvrant sa compréhension des Écritures à la lumière de ce qu’elle savait de son Fils et qu’elle seule pouvait savoir : Rien n’est impossible à Dieu! Il ne faut pas douter du Puissant qui a fait en elle des merveilles. Combien de fois n’a-t-elle pas entendu son fils déclarer « Je suis la réssurection. Je suis la vie ».
Si Pierre après le discours sur le pain de Vie a dit à Jésus : « A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ». Désormais, c’est Jean qui accueille la parole de la vie éternelle des lèvres de Marie. C’est pourquoi il a été le premier des onze disciples à croire en la résurrection de son Maître.
L’indice irréfutable, palpable, évidente du passage fulgurant de la véritable colonne de feu qui conduit vers l’horizon infini de la terre promise éternelle, c’est le drap dégonflé dans le tombeau. Mais il faut un regard différent de celui de Marie Madeleine. Un regard différent de celui de Pierre. Un regard qui voit l’invisible comme Marie.
Alors Jean vit le drap dans sa position insolite et il crut. Son cœur avait déjà été ouvert à l’intelligence des Écritures et à la rumination des paroles du Maître.
Si on avait volé le cadavre, on l’aurait emporté avec le drap. Si lui-même n’était pas vraiemnt mort – et Jean a vu le coup de lance, l’eau et le sang de son cœur transpercé ; il n’avait aucun doute au sujet de sa mort – alors, il se serait enveloppé du drap ; et de toute façon, le drap n’aurait pas pu rester dans cette position là. C’est-à-dire, là où on l’avait déposé avec le corps dedans. Mais maintenant tout simplement aplati. Seul Jean a vu et a cru que pour que le drap soit encore dans le tombeau et à la même place, c’est que le corps a dû le traverser, comme il a traversé le tombeau en l’ébranlant.
Il est ressuscité!
Comme il a traversé le sein de la Vierge en conservant, en consacrant sa virginité.
Marie Madeleine croira plus tard, en entendant son nom prononcé avec le timbre unique du Maître. Et elle partira, retournera vers les disciples pour leur dire : « Je l’ai vu, il est ressuscité » !
Mais Jean l’avait déjà cru.
Et Marie, la mère de Jésus, est heureuse parce qu’elle a cru sans avoir vu. « Heureuse celle qui a cru à la parole qui lui fut dite de la part du Seigneur ».
Lampe de la foi qui ne s’est jamais éteinte depuis le jour de l’Annonciation jusqu’à l’Assomption. Elle a transmis cette flamme au cœur de Jean le disciple bien aimé et, par les flammes de feu de la Pentecôte, toute l’église en l’annonce et jusqu’à la fin des temps qui ont déjà atteint leur plénitude dans le Verbe incarné :
Il est ressuscité !
Désormais le ciel et la terre, Dieu et l’homme ne font plus qu’un. Et le cœur de ceux qui croient devient comme le cœur de Marie, où le Verbe prend corps. L’expérience des disciples d’Emmaüs qui l’ont reconnu à la fraction du pain après avoir eu le cœur tout brulant tandis qu’il leur ouvrait l’intelligence des Écritures sur la route, s’achève au Cénacle vérouillé avec la présence du Ressuscité au milieu des disciples. Ce n’est pas un esprit. Un esprit n’a ni chair, ni d’os. Mais comment a-t-il fait pour être au milieu d’eux, toutes les portes et fenêtres étant closes ?
Première expérience humaine de la Résurrection Glorieuse : Résurrection de la chair ; chair véritable mais chair devenue « pneumatique » comme dit saint Paul dans 1 Cor 15. Matière qui ne résiste plus à l’esprit. Les limites du temps et de l’espace vaincues. L’homme dans la grâce, libre comme le vent de l’Esprit entrevu déjà aujourd’hui.
…
Celui qui dit : « Je le connais » et qui ne garde pas sa parole est un menteur. La vérité n’est pas en lui. Mais en celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu atteint vraiment la perfection…
Bon dimanche de la foi en la Résurrection de la Chair
25 avril 2021, 4ème dimanche de Pâques
L’étrange Bon Pasteur
L’inondation faisait rage, le père avait réussi à monter sur le toit avec le plus petit des enfants. L’aîné essayait de grimper, le père lui tendait la main. Malheureusement une onde forte l’emporta et le père n’oubliera jamais la voix de son ainé qui criait: « Papa! tu m’as largué… »
La première secousse terrible du tremblement de terre se fit sentir. La maman fit sortir la fille aînée en vitesse, puis elle alla prendre son dernier-né. Voyant qu’elle n’aurait pas le temps de sortir avec lui, elle le lança sur une pile de sable au dehors et la maison s’écroula sur elle…
Les garçons fêtaient les 80 ans de leur maman sur la plage Ti mouillage, ils étaient heureux… Mais ils avaient oublié les courants marins de la zone, c’était le jour de Noël… Le Gulf Stream emporta un des frères, un deuxième voulut essayer de le sauver, lui aussi fut emporté… en un seul jour la veuve perdit deux de ses enfants chéris… le troisième et le quatrième qui ne connaissaient pas la mer survécurent, la mort dans l’âme…
Ces faits sont vrais…
Ils me reviennent à l’esprit en entendant Jésus raconter la parabole du Bon Pasteur… et je me dis qu’il exagère, c’est toujours ainsi avec les paraboles, il y a une pointe d’exagération: quel est donc le pasteur qui risquerait sa vie face au loup pour sauver ses brebis? Refléchissons… Le pasteur « normal » cherchera un stratagème pour ne pas perdre toutes les brebis même si le loup en emporte une ou deux… Voudra-t-il perdre sa vie pour n’en perdre aucun?
Jésus nous parle de la démesure de l’amour de Dieu pour nous manifesté en sa personne et nous pouvons lui faire confiance: « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime! »
« Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger,
qui donne sa vie pour ses brebis… »
Saurons-nous le reconnaître comme le vrai gardien de nos âmes?
Saurons-nous écouter sa voix? Nous sommes de l’autre enclos, brebis venus des nations… nous laisserons-nous aimer en toute vérité ou allons-nous préférer les mensonges et séductions des mercenaires qui nous largueront au premier danger?
Donner sa vie… « Ma vie nul ne la prend, c’est moi qui la donne… » Notre vie: nous la perdons (égoïstement) ou nous la donnons (folie d’amour), pas d’autre alternative…
Voici le mouvement de l’amour vrai, pure folie de dé-centrement sur soi… Liberté à l’infini dans la vérité de l’amour qui rend libres…
Vie en plénitude qui nous rend semblables au Fils bien-aimé que le monde ne peut pas connaitre car il vit d’une autre logique ex-statique, l’extase de l’amour qui nous transfigurera un jour… car nous avons trouvé notre pierre angulaire dans le Crucifié-Ressuscité…
Il nous appelle… trouvons notre « vocation » première et définitive: aimer jusqu’au dé-centrement de nous-mêmes… en trouvant notre centre en Celui qui nous fait exister pour de vrai, pour de bon…
Bon dimanche de l’appel du Bon Berger!
2 mai 2021, 5ème dimanche de Pâques
Bon dimanche des racines de bonté profondes, infinies et vivaces enfouies dans notre terre…
Par le Sauveur jeté en terre, Dieu a béni notre terre…
Portant avec une grande tristesse la souffrance et les douleurs de notre monde et de mon pays, les difficultés bien concrètes de tant d’amis etc, parfois une vague impression d’être enveloppés et submergés dans le mal pourrait s’emparer de nous, surtout quant les mass-médias ne nous parlent que de faits négatifs et épouvantables…
Pourtant il me suffit de me ressaisir pour me rendre compte du poids infini de bien qui m’entoure, fruits de la grâce du Ressuscité et de l’Esprit de Vérité et d’Amour qui parcourt notre terre…
Toutes les méchancetés humaines additionnées ne peuvent rivaliser en poids, en densité, en immensité avec tout le bien qui habite le coeur des hommes, parfois à leur insu… Il est vrai que le malaise d’une petite partie du corps se répercute sur tout l’organisme, mais c’est pour que tout le corps participe à la guérison de la partie endomagée…
L’adage qui dit qu’un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse est une grande vérité…
Alors ne nous lassons pas de faire du bien et de semer autour de nous les fruits nombreux de l’Esprit que la sève du Ressuscité nous fait produire…
Comment les premiers chrétiens de Jérusalem auraient-ils pu imaginer la fulgurante conversion de Paul… ? Et pourtant là où le péché a abondé, la grâce a surabondé… écrira-t-il plus tard… et son témoignage apportera un temps de croissance et de paix à l’Egise… Il faut marcher, traverser le doute, franchir la peine, dépasser la haine, semer l’amour envers et contre tout pour voir fleurir autour de nous et en nous des bourgeons toujours plus robustes de vie nouvelle…
Ne laissons pas le monde nous effrayer et engloutir dans sa boue… Ayons confiance dans le Seigneur et combattons le péché mortel dans nos vies (comme saint Dominique Savio: La mort mais pas le péché!), restons soudés à la Vigne, ne doutons pas de la force absolue du bien, et même quand notre coeur mesquin et étroit, encombré des soucis et bêtises de ce monde, nous accuserait, n’oublions pas que « Dieu est plus grand que notre coeur! »
« Mettons notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et aimons-nous les uns les autres comme il nous l’a commandé! »
L’amour, le bien et la vérité ont le dernier mot dans ce monde et chacun récolte ce qu’il aura semé…
Demeurons en Jésus le vainqueur du mal et du péché et de la mort… Laissons-nous éventuellement émonder, nos branches sèches doivent servir pour le charbon… mais surtout restons enracinés, soudés, inébranlablement attachés a lui, le seul qui nous donne la sève de vie et de fécondité éternelles… Accueillons le cri de Paul: « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? la tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? selon le mot de l’Écriture : À cause de toi, l’on nous met à mort tout le long du jour ; nous avons passé pour des brebis d’abattoir. Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8,35-39).
J’ai accueilli une fois des jeunes professionnels maghrébins vivant en Belgique pour un camp chantier à Fonds-Parisien. Ils étaient musulmans et s’arrêtaient aux heures de leurs prières pour les prostrations…
A la fin de leur séjour l’un d’entre eux m’a dit: « Mon père, les haitiens sont bons… ». J’étais un peu surpris de l’affirmation, connaissant tout le mal qui se fait dans le pays… Mais devant son insistance et son assurance je lui ai demandé pourquoi il disait cela et comment il avait fait pour le voir en moins de 15 jours… Il m’a répondu: « Ils sont bons et je peux le voir dans leurs yeux… » – « Hum! me disais-je, ne sont-il pas tous des « mové jé » (qui regardent avec l’oeil mauvais)? ». – Il a repris: « Quand je les regarde je peux lire la bonté dans leurs yeux… Quand je vais dans mon pays au maghreb, je peux lire la haine dans les yeux des gens… »
Devant ce témoignage, je me suis tu et je l’ai remercié pour son regard d’amour posé sur mon peuple… Je ne pouvais mettre en doute son expérience… Et je me disais au fond de moi que c’était certainement vrai… car pour la plupart nous sommes des baptisés et il faut bien que quelque part les racines de la foi, de l’espérance et de la charité semées en nous se manifestent…
Le peu de mal qui se produit chez nous malgré le poids immense de souffrance qu’il cause, n’est pas comparable à tout le bien qui y pousse des racines de solidarité et de tendresse et de partage et de paix… Demeurons dans la Vraie Vigne!
Bon dimanche!
Bon mois de Marie!
9 mai 2021, 6ème dimanche de Pâques
Bon dimanche du dévoilement du plus grand secret…
Cela a coûté la vie à Jésus…
Cela a coûté une épée transperçant l’âme de Marie…
Cela a mérité une conspiration du mensonge contre la vérité…
Cela a mérité un alliage mortel de lâcheté et de méchanceté…
etc…
Tout cela pour un simple petit secret presque de Polichinelle…
Un secret qu’aucun être humain ne saurait ignorer pour autant qu’il s’écoute un peu…
Un secret qui crêve les yeux, fais éclater les tympans à chaque battement de notre coeur et à chaque respiration…
Et pourtant comme tout ce qui est trop près des yeux, nous ne le voyons que rarement et sans étonnement…
Alors voilà il a fallu que le Christ nous le dévoile et ce faisant nous dévoile à nous-mêmes: DIEU EST AMOUR!
NOUS SOMMES FAITS POUR L’AMOUR!
Créé par amour, pour l’amour, dans l’amour…
La liturgie d’aujourd’hui ruisselle d’amour… l’Esprit-Saint, Amour du Père et du Fils fait irruption dans la vie de Corneille est Pierre est obligé d’ouvrir les portes de la foi, de l’espérance et de la charité par le baptême Corneille…
Mais 9 fois aimer et amour : reviennent dans 4 versets de la deuxième lecture…
Puis 11 fois aimer, amour, ami : dans les 9 versets de l’Evanjile…
Décidément saint Jean n’a que ce mot à la bouche…
DIEU EST AMOUR
IL NOUS A DEVOILE SON AMOUR
NOUS SOMMES AIMES
ALORS NOUS POUVONS AIMER…
Oh, mais c’est quoi aimer??? Et ce serait quoi d’ETRE Amour???
Aimer c’est ce désir du bien de l’autre qui investit tout mon être au point que de voir l’autre se réaliser pleinement même au prix du sacrifice de ma propre vie et de mon propre bien-être me comble à l’infini…
Aimer c’est être décentré… L’amour est ex-centrique… Nous fait exister dans, par et pour un autre…
L’amour est ex-tatique… il nous installe hors de nous-mêmes en extase…
Alors si Dieu EST Amour de toute éternité, même s’il n’avait rien créé, serait-il lui aussi ex-centré et ex-tatique?
Il aurait été impossible de le dire… car l’affirmation de son unicité, de sa vérité et de sa bonté, si elle nous permet de comprendre qu’il ne peut que jouir de sa plénitude de perfection qui est sa bonté, ne nous permet de voir la manifestation ex-centrique de son amour que dans sa création: alors oui il est tout amour et toute miséricorde pour sa créature… Cela toutes les religions peuvent l’admettre… une espèce d’éternel célibataire des mondes… et V. Hugo de dire:
« Sans l’amour, Dieu serait seul
Et le ciel étoilé serait un linceul… »
Mais la nouveauté absolue qui se dévoile en Jésus ce n’est pas tellement que Dieu nous aime… c’était clair dans l’Ancien Testament et cela devenait la source du commandement de l’aimer à notre tour…
La nouveauté absolue c’est que Dieu en lui-même est communion d’amour du Père ex-centré vers le Fils, du Fils ex-centré vers le Père et de l’Esprit qui est leur dé-centrement sur soi…
Voilà pourquoi « Dieu est amour » est une déclaration aussi surprenante… Dieu est « relations subsistantes » en lui-même… Débordement éternel d’un se donner totalement qui est l’ETRE même de Dieu…
Voilà ce qui nous est dévoilé et qui nous attire à l’infini, car c’est de cela que nous sommes l’image…et ressemblance : nous pouvons aimer… mais nous ne pouvons pas être amour… nous ne pouvons qu’y participer, mais c’est cela tout notre être et bonheur…
Il nous a dévoilés à nous-mêmes en se dévoilant totalement…
Sur la croix ce n’est pas seulement l’amour de Dieu pour nous qui se manifeste, (l’amour que Dieu a…); c’est bien plus, infiniment plus: l’Amour qu’EST Dieu qui se dévoile…
C’est l’amour qu’est le Fils pour le Père et qu’est le Père pour le Fils dans l’Esprit qui s’exprime…
Dans la Résurrection du Christ c’est la victoire de cet amour qui éclate… pour illuminer le coeur des disciples…
L’amour vainqueur de la mort et de toutes nos peurs vient frapper à nos portes closes…
Saurons-nous lui ouvrir, lui entrouvrir notre coeur pour que le vent et le feu de son Esprit nous emporte?
Oui, plongés (baptisés) dans le Père, le Fils et l’Esprit-Saint, régénérés pour une vie d’en-haut, du plus haut de nous-mêmes, de ce qui nous emporte vers le meilleur de nous-mêmes, notre bonheur, notre pleine réalisation: aimés pour pouvoir aimer comme nous avons été aimés et parce qu’aimer est notre être, nous n’existons qu’en nous accueillant de l’autre et en nous donnant à l’autre… Alors nous existons pour de vrai, pour de bon, pour toujours car… l’amour est plus fort que la mort… l’amour est traversée de la vraie vie vers la plénitude de vie par la perte de ce qui semble notre seule vie, celle de maintenant, en la donnant… Mort et Résurrection de Jésus = Son Baptême et le nôtre… Vie en abondance…
Il a fallu toute la Passion du vendredi saint et toute la patience de l’impatience des femmes qui vont tot le matin au tombeau pour que ce simple secret qui explique tout nous soit dévoilé…
Tout le drame de l’Homme-Dieu pour que l’homme puisse devenir participant de la nature divine, non par usurpation comme il y aurait prétendu au jardin de l’Eden, mais par don gratuit et gracieux qui nous introduit dans le véritable Paradis… du haut de sa Croix…
Amour et vérité se rencontrent…
L’amour vrai c’est le secret de tout..
16 mai 2021, 7ème dimanche de Pâques
Bon dimanche du mystère de notre liberté don de Dieu…
Témoin de la résurrection, c’est ce qui fait que l’on soit un des Douze en plus d’avoir connu et vécu avec Jésus depuis son baptême par Jean jusqu’au jour où il a été enlevé… Mais c’est surtout parce qu’on est choisi librement par Dieu pour ce témoignage et qu’on accepte de lui répondre avec amour…
Tout se joue dans l’intersection entre la souveraine liberté de Dieu et notre effective liberté reçue de lui et qu’il ne forcera jamais…
Mystère de notre liberté, don de Dieu…
Seul le Tout-Puissant peut créer et maintenir dans l’existence un être capable de lui dire « Non! », car il ne nous aime pas pour lui-même comme s’il lui manquerait quelque chose et aurait besoin de nous retenir, mais il nous aime pour nous-mêmes, pour nous offrir de participer à son bonheur…
S’il dévoile son intimité et se fait connaitre comme Amour (=Ex-stase du Père dans le Fils par l’Esprit) c’est pour nous révéler en même temps l’immense dignité de ce que nous sommes comme sa ressemblance…
Saurons-nous ouvrir nos coeurs et écouter la voix du Fils?
Depuis l’Ascension nous sommes en train de vivre cette Neuvaine de Pentecote avec les Douze, avec les Disciples et avec Marie… Mais avec eux aussi, tout de suite nous nous retrouvons face au Mystere du disciple que Jésus n’a pas réussi à convaincre… le disciple qui a résisté à son amour…
Mystère de notre liberté…
Terrible possibilité de nous fermer à l’essentiel et de ne pas aller jusqu’au bout de la joie divine d’exister qui nous est offerte… de ne pas traverser le vendredi saint en nous laissant porter par le souffle de sa voix… annonçant une « résurrection »…
Le Bon Pasteur n’a perdu aucune de ses brebis… « sauf le fils de perdition, afin que l’Écriture fût accomplie » (Jn 17.12)…
C’est bien au Cénacle que tout se joue, autour du Pain rompu (son Corps) et de la Coupe (son Sang pour l’Alliance nouvelle et éternelle): Croire ou ne pas croire à la parole de Jésus…
Jésus confesse son échec… un s’est perdu… mais il se réjouit de sa victoire en chacun de ceux qui sont revenus après l’épreuve où l’adversaire les a passés au crible…
Mystère de l’accueil de la vérité qui nous rend libres…
Mystère d’une docilité à l’Esprit-Saint qui nous délivre…
Mystère de la prière qui nous sauve de notre soif de domination pour laisser Dieu être Dieu et pour faire sa volonté et pas la nôtre…
« Père, garde-les du mauvais… » (Jn 17,15)
« Père, sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité » (Jn 17,19)
Quelle est donc l’Écriture qui s’accomplissait? Jésus l’avait indiqué au début de la dernière Cène: « Celui qui mange mon pain a levé contre moi son talon » (Ps 41[40],10 = Jn 13,18).
Et l’on comprend qu’il ne s’agit pas d’une fatalité, mais d’une dynamique de la nature humaine et de la terrible possibilité du mensonge quand un ami trahit son ami…
Deux Psaumes sont cités par s. Pierre pour indiquer le comportement à avoir au moment de l’élection du remplaçant de Judas. Ce sont deux Psaumes que la liturgie évite un peu, pourtant Jésus les a priés et les Apôtres y ont lu le drame de la trahison de Judas et de sa fermeture à l’amour, se livrant au mensonge de l’adversaire et s’enfonçant dans les ténèbres: Ps 69(68),26; Ps 109(108), 8 = Ac 1, 20.
Si le zèle de la maison de Dieu nous dévore (Ps 69[68],10), nous pouvons les relire et prier selon l’Esprit du Christ, afin que le Paraclet, le Consolateur, l’Avocat à notre droite (Ps 109[108],31), repousse l’Accusateur, l’Ennemi du genre humain qui veut prendre sa place pour nous détruire (Ps 109[108],6). Ainsi nous ne cesserons pas d’écouter le Christ, il « a les paroles de la vie éternelle », « croyons qu’il est le Saint de Dieu » comme Pierre. Ne doutons pas de lui comme Judas, de lui Jésus a dit à la fin du discours sur le Pain de vie (Jn 6,70-71): « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les Douze? Et l’un d’entre vous est un démon ». Il parlait de Judas, fils de Simon Iscariote; c’est lui en effet qui devait le livrer, lui l’un des Douze »… il est resté de corps avec Jésus, mais pas de coeur…
Mystère de notre liberté qui peut préférer de se détruire par un aveuglement terrible en se fermant à l’amour, plutôt que de devenir pleinement libre en accueillant le regard d’amour de Dieu posé sur nous, sa grâce…
L’hymne du Veni Creator Spiritus nous invite à prier:
« Hostem repellas longius,
pacemque dones protinus,
ductore sic te praevio
vitemus omne noxium »
Repousse l’ennemi loin de nous,
Donne-nous ta paix sans retard,
Pour que, sous ta conduite et ton conseil,
Nous évitions tout mal et toute erreur.
« Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du Mauvais! » (Mt 6,13) en nous et autour de nous…
Que saint Mathias et Notre-Dame nous accompagnent dans la fidélité au Christ pour cette ouverture de notre coeur et la libération de notre liberté… pour aimer… puisque nous avons reconnu de quel amour nous sommes aimés!
Bonne neuvaine de Pentecôte !
23 mai 2021, Dimanche de Pentecôte
Bonne fête du dévoilement de la vérité tout entière…
Jésus devait « s’en aller », ne plus être physiquement accessible et limité au temps et à l’espace de ses disciples pour que ces derniers puissent entrer dans la plénitude de son mystère et de sa vérité…
La vérité n’est pas simplement un problème intellectuel à résoudre et « avoir » une réponse, c’est une aventure où s’engager pleinement dans une relation avec un autre qui nous réconcilie avec nous-mêmes et nous rend vrais pour « être une réponse »… Devenir vrai dans la charité…
Toute une lente pédagogie divine y a conduit les Apôtres et nous y conduit aussi…
Patience gestation…pour chacun, pour chaque peuple…
Ne rien brusquer, il faut du temps au coeur de l’homme pour se laisser inonder par la lumière jusqu’aux recoins les plus cachés de son coeur, jusqu’aux retranchements les plus secrets de son intelligence…
Quarante jours pour s’habituer à la réalité inouie de la Resurrection du Crucifié…
Neuf jours en compagnie de Marie pour scruter ensemble l’Écriture , les événements, les souvenirs que Marie méditait en son coeur qu’elle seule pouvait savoir de son Fils… Prière intense et ouverture du coeur défintif des Apôtres et de ceux qui doutaient encore au moment de l’Ascension…
Cinquante jours pour qu’éclate au grand jour la vérité dans le vent de l’Esprit: Tout est accompli, l’homme est sauvé! En Jésus la mort est vaincue, la ciel est parmi nous… le péché ne règne plus et la grâce est pour tous ceux qui l’accueillent dans toutes les nations, car l’homme est fait pour la Vérité et pour l’Amour, pour la Vérité dans l’Amour et pour l’Amour dans la Vérité: Vive la liberté retrouvée!
En plongeant dans l’océan d’Amour infini qu’est l’étreinte de Père et du Fils dans l’Esprit … Les Apôtres ne pouvaient pas le comprendre quand Jésus le leur disait… Il fallait que vienne l’Esprit…
La joie et l’équilibre enfin retrouvés…
Dans le labeur, le repos ;
dans la fièvre, la fraîcheur ;
dans les pleurs, le réconfort.
Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé.
(Séquence)
Quelle joie et quels beaux fruits de l’Esprit en notre chair faite pour la Résurrection!
Amour, joie, paix, (CHARITE)
Patience, bonté, bienveillance, (ESPERANCE)
Fidélité, douceur et maîtrise de soi. (FOI)
En ces domaines, la Loi n’intervient pas… (Gal 5, 22-23)
Jésus devait s’en aller pour remplir tout l’univers, pour remplir toutes choses et chaque coeur de toutes les générations, lui notre Tête, nous ses Membres… Lui et nous: un seul corps, une seule vigne, une seule chair, un seul Esprit…
Enfin nous pouvons respirer à pleins poumons… le vent de l’Esprit du Christ, le Feu de son amour nous arrache à notre esclavage qui nous enchainait à la « fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions, sentiments d’envie, orgies, ripailles et choses semblables… » (Gal 5, 19-21)
Voici que commence le temps du salut pour tout homme, de toute race, langue, peuple et nation, fait pour la Vérité et pour l’Amour…
Voici le temps de l’Esprit de vérité dans l’Église qui invite tout homme à la liberté des enfants de Dieu et qui doit constamment renouveler l’Épouse (Refrain du Psaume) pour qu’elle soit sans tache, ni rides ni rien de tel en chacun de nous… puisqu’au fond l’Église c’est chacun de nous uni au Christ et pour cela uni à tous ceux qui sont au Christ…
Si le Christ n’est pas Ressuscité, vaine est notre foi…
Mais, Alleluia! Il est vraiment ressuscité… que notre vie l’annonce!
30 mai 2021, Sainte Trinité
Bonne fête de l’Unique Simple et Très Sainte Trinité!
« Trinité » désigne non pas la solution à un problème mais la préservation du mystère le plus profond de la foi qui s’est dévoilé dans la Pâque du Christ…
Dans notre esprit traîne encore peut-être l’idée que l’Ancien Testament ne connaissant pas la Trinité, c’est seulement le Père qui y serait révélé. Alors le Fils se serait révélé dans le Nouveau Testament et l’Esprit se révèlerait au temps de l’Eglise.
Pis encore, comme Dieu dans l’Ancien Testament semble coléreux et vindicatif, on en arrive à opposer le Dieu bon du Nouveau Testament qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants au Dieu justicier et jaloux de l’Ancien Testament. Ce qui conduit tout droit au manichéisme…
Cette vision transmet une des difficultés naturelles de notre esprit à pouvoir entrer dans le mystère et la facilité avec laquelle nous préférons éliminer un aspect du réel pour ne pas nous confronter avec le tout de l’autre qui échappe à nos amputations dans sa simplicité extrême…
Jésus, en nous racontant le mystère du Dieu invisible par toute sa vie et en instituant le Baptême « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », nous permet d’échapper aux limites de notre étroitesse d’esprit pour entrer dans le bouleversement de l’autrement… Autrement que nous ne le pensions:
– Un seul et même Dieu Trinité a tout créé par sa Parole et son Esprit;
– La croix est le dévoilement de ce mystère dans la résurrection, l’ascension, la glorification… Dévoilement définitif du mystère où seul l’Esprit du Père et du Fils peut nous introduire;
– La tradition de l’Église a toujours associé la formule du Baptême au signe de la Croix glorieuse, non pas sans raison, mais en connaissance de cause.
Si le Baptême est participation – sous les signes du lavage (bain d’eau) qu’une parole accompagne – participation à la mort et à la résurrection du Christ, on comprend alors que notre nouvelle naissance (mort et retour à la vie) n’est rien d’autre que participation à la vie même de Dieu pour notre adoption filiale dans le Christ signifiée par la parole indiquant l’unique nom de Dieu qui se dévoile en Jésus et qui ne se trouve sur ses lèvres qu’au moment de l’ultime rencontre avec ses disciples et de leur envoi en mission: au nom (singulier) du Père et du Fils et du Saint-Esprit…
Toute la profession de foi de l’Eglise, toute la catéchèse, toute la doctrine sociale, toute la morale, toute la liturgie, tous les sacrements, toute la prière chrétienne… ne sont qu’un déploiement de ce qui s’est passé dans l’événement unique de la Pâque du Christ: Soufrance – Mort – Résurrection – Ascension – Pentecote… Unique événement une fois pour toutes dans le temps mais dont la puissante et éternelle énergie d’amour embrasse chacun des instants fugaces de notre existence ici-bas, la pénétrant de sa lumière et de sa force. De là viennent toute bonté, toute vie, toute signification et toute bénédiction pour chacun de nous…
Le Dieu-Amour, Communion de Personnes nous attire dans sa vie pour que nous devenions la personne du Fils, pour que nous soyons assumés en lui, un seul corps avec lui. L’humanité assumée dans le sein de Marie en qui « habite corporellement toute la plénitude de la divinité » est voie par laquelle notre humanité personnelle, libérée de l’emprise du concupiscible (eros) et de l’irascible (thanatos), peut trouver son vrai sens… En lui nous devenons nous-mêmes en toute vérité…
Le même Dieu qui se fait connaître pédagogiquement, au fur et à mesure, garantissant la liberté de l’homme, nous donne de deviner son intimité par son Fils et nous y introduit par son Esprit…
Pas plus compliqué que cela…
Et cela a été la flamme qui soutenait les Apotres, les confesseurs, le vierges et les martyrs pendant les quatre premiers siècles du Christianisme…
Mais puisque c’est l’Esprit qui conduit à la plénitude de la vérité faisant lever la pâte de l’humanité par le levain de l’Evangile, la semence du Baptême ne se déploiera pleinement dans toute sa vigeur qu’après avoir subi les attaques de l’intelligence humaine et que les Conciles de Nicée et de Constantinople auront sauvegardé le mystère en le désignant par des garde-fous de manière à éviter les dérives qui la menaçaient… Symboles (mot de passe) de notre foi…
A chaque fois que nous faisons le signe de la Croix que la formule trinitaire accompagne, rappellons-nous que c’est le condensé de toute l’annonce de l’Évangile et que cette foi est un don de Dieu pour que l’homme vive, car « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est de contempler Dieu », disait saint Irénée. Voir, connaître le Dieu vivant et vrai par son Fils dans l’Esprit: Vie éternelle!
Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit par toute notre vie!
6 juin 2021, 10ème dimanche TO B
Bon dimanche de la victoire sur le chef de ce monde…
Une victoire sur la mort et le Malin, parce que la lumière de la foi a illuminé l’opacité que le péché faisait régner en nous, nous faisant douter de la bonté, de l’amour et de la miséricorde de Dieu…
A la racine de tout péché il y a une méconnaissance de Dieu, donc un mensonge qui désoriente la personne humaine pour la replier sur elle-même… A la racine de tout mensonge il y a un Menteur à qui il est permis d’agir pour que nous sachions nous battre et remporter la victoire en utilisant toutes les ressources de notre intelligence sur un simple raisonnement: celui qui m’a donné l’existence ne peut pas être jaloux ou envieux de ma croissance, je peux lui faire confiance sur la manière dont je dois me comporter selon sa volonté en toutes circonstances…
Par Jésus l’imposteur est démasqué, dès les premières tentations et jusqu’à la dernière sur la croix: « Descend et nous croirons en toi… »
La grâce de la foi en Jésus ressuscité nous introduit dans une nouvelle relation avec le Dieu vivant et vrai, Père des miséricordes, devant qui nous sommes toujours à nu pour être guéris sans faux-semblants et sans dénis…
Avec une fine psychologie la parabole de la chute au livre de la Genèse nous montre Adam et Eve en train de cacher leur nudité, il ne s’agit pas de la pudeur, mais de la honte d’être découvert dans notre refus d’aimer et de faire confiance à Celui qui nous a tout donné…
Et derrière tout cela il y a un séducteur, le Menteur, sous la figure du serpent des origines… Jésus ne lui donne pas d’autre description que « Menteur et homicide dès les origines »: « Il était homicide dès le commencement et n’était pas établi dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge » (Jn 8,44).
C’est l’une des descriptions les plus fortes du Malin qui se croit fort mais se trompe lui-même, car en Jésus, chemin, vérité et vie, il a affaire à plus forte partie et est vaincu définitivement…
Le Menteur continue à fourvoyer l’homme pour l’empêcher d’être vrai, d’être vraiment ce qu’il est: Fils de Dieu, non pas en s’opposant à Dieu ou en le défigurant pour justifier notre déchéance, mais en laissant Jésus ligoter en nous le menteur et le mensonge. Près du Seigneur est le pardon, la miséricorde et le rachat en abondance…
Le mensonge: « Vous ne mourrez pas, mais vous saurez le bien et le mal… »
Le mensonge: « Jésus a perdu la tête… »
Le mensonge: « Il est possédé par Béelzéboul ; c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons ».
La vérité: « Tout royaume divisé va vers sa ruine… » Donc le diviser pour régner, la zizanie semée est contre productif à la longue…
La vérité: « Ma mère et mes frères: ceux qui font la volonté de Dieu… ». Descendance de la femme qui écrase le serpent au talon…
La vérité: Christ est ressuscité, lui l’auteur de notre foi qui nous donne l’assurance des choses invisibles qui demeurent pour toujours, nous libérant des illusions, du vertige de l’attraction de l’éphémère…
Le chef de ce monde est jeté dehors quand le Christ nous a montré le visage de Dieu sur la croix. Alors élevé de terre il il démontre le mensonge de ce monde et de ses mirages et il nous attire vers lui…
Plus de peur, plus de crainte, plus de doute, nous cheminons dans la foi et lorsque prend fin notre séjour sur la terre, nous avons déjà une demeure éternelle dans les cieux, si l’homme intérieur s’est fortifié en nous au milieu des tribulations pour que nos coeurs soient fixés là où se trouvent les vraies joies: la volonté de Dieu. Celui qui a ressuscité Jésus nous ressuscitera avec lui. Qui n’a pas peur de la mort n’a pas peur non plus d’aimer, de vivre et de souffrir… Dans la vérité il est libre!
A bas le prince de ce monde!
Vive l’Agneau vainqueur!
13 juin 2021, 11ème dimanche TO B
Bon dimanche de la patience dans l’assurance et vice-versa…
Une patiente assurance nous est infusée par la Parole de Dieu aujourd’hui… Celle qui vient de la certitude que Quelqu’un qui nous aime a le dernier mot… Quelqu’un qui nous veut un bien fou fait tout concourir à notre bien… Et ce qui nous semble une longue et désespérante attente devient une patiente gestation pour que le meilleur de nous-même puisse se manifester, ce que nous sommes au plus profond de notre être: Fils bien-aimés de la source même de toute vie, de toute joie, de toute paix et de tout bonheur….
Patience… il faut du temps pour que le levain puisse lever la pâte… même si le temps nous dure…
Assurance… nous demeurons dans la foi, pas encore dans la claire vision et c’est là toute notre force pour accueillir les limites du temps et de l’espace et ne pas nous perdre dans l’illusion du maintenant et tout de suite…
Patience… le grain doit mûrir, mourir pour produire du fruit et malgré sa faiblesse apparente, il percera la terre et deviendra un grand arbre, mais pas tout de suite….
Assurance… nous semons, sans nous attendre à récolter nos fruits… nous vivons du fruit de ceux qui nous ont précédés et nous semons pour l’avenir… Nous sommes des pèlerins et nous désirons atteindre notre but: être avec le Seigneur… Objectif assuré… mais pour l’atteindre il nous faut encore durer et endurer ici-bas pour lui faire plaisir…
Patience de la Passion passionnée dans ce pâtir qui nous pétrit et nous donne notre vraie forme intérieure…
Notre im-patience nous fait bousculer les gens et les événements par des jugements précipités, des angoisses et d’autres affolements inutiles, perdant ainsi toute assurance…
L’homme s’agite, Dieu le mène… il fait marcher l’humanité au rythme du plus petit qu’on piétine et de l’humilié qu’on exploite… pour devenir une famille authentique, une communion d’amour, nous devons marcher au rythme du plus faible… C’est ainsi que grandit le Royaume de Dieu… Nous nous disons parfois 2000 ans déjà de Christianisme et… ? Et nous oublions que c’est comme 2 jours « sub specie aeternitatis »… Quarante ans leur génération m’a déçu et…? Entrons aujourd’hui dans le repos qui nous est promis, donné, assuré mais pas imposé… notre histoire est l’histoire de notre liberté et il en sera de même de notre éternité…pleine possession simultanée de chaque instant de notre vie à la lumière de l’amour de Dieu pour toujours…
Ces jours-ci je contemplais l’histoire de l’Église en Haiti et rendais grâce au Seigneur pour tous ceux qui ont travaillé au service du témoignage de l’Évangile dans des circonstances qui en étaient l’exact opposé. Si vous voulez mieux comprendre ce à quoi je fais allusion, vous pouvez lire les pages 116-132 ou du moins 127-132 de ce manuscrit en préparation:
http://ndpshaiti.org/downloads/paddington/Paddington_Temoin_de_l_Evangile.pdf
Histoire de la lente croissance de la foi dans nos vies, semence éternelle en nos corps… depuis le jour de notre baptême…. Mystère des voies inpénétrables de Dieu et de sa patiente miséricorde: Ayons une confiance absolue en son amour…
Assurance et patience… pour plaire au Seigneur dans notre corps ou sans notre corps…
Paix et joie dans toute nouvelle douleur… d’enfantement… de croissance… de maturité spirituelle…pour tenir la main du plus faible d’entre nous et marcher ensemble…
Courage
20 juin 2021, 12ème dimanche TO B
Bon dimanche de la « Caritas Christi urget nos » ou de l’oeil du cyclone…
Sous les tropiques, on connait bien le phénomène de l’oeil du cyclone, cette paix et tranquillité de toute la nature après les premières rafales dévastatrices de l’ouragan où nous sommes tentés de sortir voir les dégâts, alors les parents nous obligeaient à rester à l’abri parce que « la queue » du cyclone n’était pas encore passée et pouvait être encore plus meurtrière…
Evidemment, ces phénomènes naturels sont variables et les récits de l’oiseau voyageant dans l’oeil du cyclone ne sont que des légendes. L’expression « être dans l’oeil du cyclone » est souvent employée à contresens pour dire « être dans la tourmente » ou « être au coeur de la tempête » quand toutes sortes de dangers nous menacent, nous attaquent et que l’angoisse nous étreint…
Quoi qu’il en soit, l’évangile de la tempête apaisée et le passage de la deuxième lettre aux Corinthiens d’aujourd’hui nous suggèrent une autre étreinte bien plus bouleversante et définitivement transformante, celle qui a saisi Paul sur la route de Damas faisant de lui une créature nouvelle:
« L’amour du Christ nous saisit » (2 Co 5,14)!
Sa mort et sa résurrection pour nous les hommes et pour notre salut nous décentre de nous-mêmes… « afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui… » (2 Co 5,15)
C’est le décentrement ex-statique, l’extase de l’amour vrai, qui nous fait vivre dans l’autre, de l’autre et pour l’autre…
A partir de là, tout est possible, toute peur bannie, toute angoisse déserrée et le Souffle de Vie s’engouffre en plénitude dans notre être… Nouvelle création!
« Si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle, le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né! » (2 Co 5, 17).
L’expérience des disciples dans la barque, invités par Jésus à passer sur l’autre rive du lac, ne les conduit pas encore à cette profondeur transformante, ils n’avaient pas encore la foi théologale qui nous vient de la rencontre du Ressuscité, mais Jésus les préparait à cette certitude totale… En voyant la mer se calmer sur l’ordre du Seigneur ils étaient « saisis de crainte », pas encore « saisis d’amour »…
Cette « crainte de Dieu », commencement de la sagesse, aura à traverser le Vendredi Saint et déboucher sur la splendeur du Dimanche de Pâques pour que désormais le feu de l’amour les emporte et qu’ils n’aient plus pleur de la mort…
Le détail de Jésus dormant sur le coussin à la poupe de la barque, place du gouvernail, est propre à s. Marc (témoignage de s. Pierre?). Il nous rappelle qui est le seul Maître du navire et des flots… Seul Maître du navire de la barque de notre vie que nous lui confions… Seul Maître des événements qui nous ballottent mais ne l’inquiètent pas outre mesure… Il n’a qu’à dire un mot et tout se calme. C’est lui Jésus, Verbe incarné, Parole créatrice, le grand calme au coeur de toutes nos tempêtes: « Silence! Tais-toi! »… et il se fit un grand calme…
Quand les flots déchaînés de nos passions et de nos instincts et de nos souffrances et de nos peurs et des persécutions, semblent nous submerger, qu’il nous soit accordé de réveiller en nous la foi de l’homme nouveau, la créature nouvelle qui a surgi des eaux de notre baptême et qui ne considère plus rien ni personne « d’une manière simplement humaine » (2 Co 5, 16), « selon la chair »… Notre regard sur le Christ devenu le regard de la foi garde nos coeurs fixés là où se trouvent les vraies joies et nous pouvons effectivement traverser la mer en furie de ce monde (livré au mauvais) en gardant notre âme dans la paix près du Christ dormant au fond de la barque de nos coeurs…
Oui, la « caritas Christi urget nos » devient notre boussole et notre oeil du cyclone…
Ne soyons plus centrés sur nous-mêmes…
Que son amour nous saisisse définitivement, jour après jour, jusqu’au jour de Dieu…
27 juin 2021, 13ème dimanche TO B
Solennité de Notre-Dame du Perpétuel Secours, Patronne d’Haïti
Fête des Pères en Haïti : Bonne fête à tous ceux dont la paternité physique ou spirituelle est un reflet du Père des lumières de qui vient toute Paternité (Eph 3, 15)
Bon dimanche de la riche pauvreté qui nous ressuscite et de la pauvre richesse qui nous tue…. en dehors d’Haïti …
Bonne fête de N.-D. du Perpétuel Secours! Mère qui nous adopte pour la liberté des enfants de Dieu… en Haiti
A cause de l’amour du Christ qui nous presse, qui nous saisit (« caritas Christi urget nos… ») nous devenons capable de prendre soin de nos frères et soeurs avec une générosité sans bornes…
Ayant compris de quel amour nous sommes aimés nous pouvons aimer « comme le Christ » nous a aimés. Ainsi nous apprenons à semer la vie autour de nous et pas la mort, à ne pas laisser la jalousie du diable nous embrigader pour nous croire maitres et seigneurs des autres… Un seul est le Maître de la vie car pour lui « tous sont vivants » (Lc 20,38) et par sa Résurrection il a transformé la mort en passage vers la rencontre définitive avec lui pour ceux qui « renoncent à Satan, à toutes ses oeuvres, à toutes ses séductions » (cf. Liturgie du Baptême)…
Dans ce renoncement est incluse aussi positivement la générosité sans bornes dont parle la deuxième lettre aux Corinthiens (2Co 8, 7.9.13-15 ~~ « Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvres »). L’organisation d’une collecte en faveur de l’Église de Jérusalem devient une occasion formidable pour que Paul nous indique les vraies racines de « la charité chrétienne » envers les frères qui n’est ni « philanthropie » pour calmer la conscience sans donner bonne conscience, ni « caritatisme » pour se servir des pauvres, mais élan du coeur qui jaillit de la découverte de la vraie richesse qui nous ouvre la vie en plénitude et transforme les biens d’ici-bas en simples moyens qui ne sauraient constituer la finalité ultime de notre existence:
« Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. »
Cette richesse se manifeste de façon toute particulière dans les gestes de salut opérés par Jésus de son vivant, « une force » sortait de lui pour guérir les malades qui le touchaient avec foi comme l’hémoroïsse de l’Évangile d’aujourd’hui qui « avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré » depuis 12 ans; ou encore comme cette jeune fille de Jaïre, chef de la synagogue, agée de douze ans elle aussi, que Jésus guérit et ressuscite en même temps la prenant par la main et lui disant « Talitha koum! »
« Ta foi t’a sauvée! Va en paix et sois guérie de ton mal! »
« Ne crains pas, crois seulement! »
Mais rien n’égale le geste de salut final et total opéré par Jésus par sa mort et sa résurrection! C’est là que la nouvelle dynamique de la foi doit se mettre en branle pour que toute l’énergie d’amour dégagée par l’événement de la Pâque du Seigneur produise en nos coeurs tous les fruits de l’Esprit en vue d’une générosité encore plus grande de notre part… dans la construction d’un monde plus fraternel parce que plus juste où « ce que nous avons en abondance comblera les besoins des autres, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler nos besoins, et cela fera l’égalité, comme dit l’Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop, celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien. »
Qui aura la foi de cette maman qui encourageait son enfant un jour de pénurie à la maison en répétant: « Dieu y pourvoira, mon fils! » et en ajoutant: « Mets un grain de sel sous ta langue et va à l’école… et que personne ne sache ta douleur… ». Elle a donné plus que le Pélican de la légende qui offrait ses entrailles à ses petits, elle a donné la force de la foi théologale et l’énergie d’une confiance inébranlable en la Divine Providence… propulsant ses enfants vers un avenir à construire dans le don de soi…
Ils sont nombreux, bien plus nombreux que ce que l’on voudrait faire croire, ces Pères et Mères d’une infinie générosité qui forment la trame solide, cachée, enfouie dans le silence où la vraie profondeur de notre réalité humaine se tisse… Loin du fracas des semeurs de mort et de désespoir (gavés et drogués de nourritures terrestres…) qui ne sont pas la majorité de l’humanité… loin de là! « Levons-nous!
4 juillet 2021, 14ème dimanche TO B
Bon dimanche de l’accueil ou du rejet de l’Autre qui nous désinstalle…
La force de nos connaissances acquises devenues habituelles est incroyable… Ce que nous croyons savoir devient un bouchon qui nous empêche d’accueillir l’imprévu et l’imprévisible… C’est comme une espèce de carapace qui nous sécurise derrière un tas d’idées toutes faites, de préjugés et de présomptions… et dont nous ne voulons absolument pas nous défaire… C’est comme une prison aussi où nous enfermons l’autre pour ne pas lui permettre de nous dévoiler son unicité qui peut nous remettre en question…
Pourtant ce que nous ignorons des secrets de l’univers et encore plus du mystère abyssal qu’est chaque être humain est un champ immense où notre intelligence et notre coeur pourraient se dilater à l’infini et en même temps s’accepter dans ses propres limites qui ne se dépassent que dans l’accueil de l’autre…
Mais alors que sera le mystère de l’Autre par excellence, du Créateur qui ne saurait faire nombre avec la créature, de l’Au-delà de tout en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être…
C’est ainsi que S. Grégoire de Nazianze (329-390) s’exclamait:
Ô toi l’au-delà de tout
N’est-ce pas là tout ce qu’on peut chanter de toi ?
Quelle hymne te dira, quel langage ?
Aucun mot ne t’exprime.
À quoi s’attachera-t-il ?
Tu dépasses toute intelligence.
Seul, tu es indicible, car tout ce qui se dit est sorti de toi.
Seul, tu es inconnaissable, car tout ce qui se pense est sorti de toi.
Tous les êtres, ceux qui pensent et ceux qui n’ont point la pensée, te rendent hommage.
Le désir universel, l’universel gémissement tend vers toi.
Tout ce qui est te prie,
et vers toi tout être qui pense ton univers fait monter une hymne de silence.
Tout ce qui demeure, demeure par toi ;
par toi subsiste l’universel mouvement.
De tous les êtres tu es la fin ;
tu es tout être, et tu n’en es aucun.
Tu n’es pas un seul être ; tu n’es pas leur ensemble ;
tu as tous les noms et comment te nommerais-je, toi qu’on ne peut nommer ?
Quel esprit céleste pourra pénétrer les nuées qui couvrent le ciel même ?
Prends pitié, ô toi l’au-delà de tout ;
n’est-ce pas là tout ce qu’on peut chanter de toi ?
https://youtu.be/ToP78090g8Q
A toi, l’au dela de tout [TAIZE]
Il est donc surprenant que Jésus soit surpris de l’incapacité des gens de sa famille de le comprendre au-delà des clivages et clichés du village… Comment pourraient-ils faire ce saut? Les disciples eux-mêmes n’y allaient qu’à tâtons… « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. »… Oui, mais comment pourrait-il en être autrement dans la logique humaine des choses?
Jean-Baptiste a vécu une expérience spirituelle unique avec Jésus, son cousin, lors du Baptême au Jourdain pour pouvoir le désigner comme « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde… » et pour le deviner comme Celui pour qui il préparait la route… Mais du fond de sa prison il envoya demander à Jésus s’il était celui qui doit venir ou est-ce qu’il faudrait en attendre un autre… Et Jésus lui envoya dire:
« Les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi ! » (Mt 11, 5-6; Lc 7, 22-23)…
En réalité pour « comprendre » ou du moins « accueillir » cet inoui de Dieu… Il faut la déréliction du Vendredi Saint et l’éblouissement du Dimanche de Pâque et la flamme ardente de la Pentecote…
Il a fallu la lumière éclatante sur la route de Damas et l’aveuglement du Rabbin qui croyait voir pour que Saul soit embrasé du feu que Jésus était venu jeter sur la terre… et devienne Paul (Paulus = Peu de chose, faible, peu considérable)…
Il ne suffit pas d’être « biologiquement » de la parenté de Jésus, comme ceux qu’on appelait ses « frères »: Jacques, José, Jude et Simon — (deux d’entre eux, Jacques et Joseph, Mt 27,56, sont les fils d’une autre Marie femme de Clopas, Jn 19,25, soeur de Marie la mère de Jésus, donc au fait parente de Marie puisqu’elle a le même nom) — ou de savoir que « ses sœurs sont ici chez nous », ou encore qu’il est « le charpentier », le « fils de Marie »… Voici les étiquettes qui nous trompent… La relation avec l’autre et l’Autre ne peut s’enfermer dans nos catégories toutes faites… Il nous faut accepter de sortir de nos carcans et carcasses… La vraie foi (tout comme l’amour vrai) n’est pas un héritage génétique ou culturel ou sociologique… irréfléchi ou instinctif… Non, c’est une choix personnel, un choix qui détermine l’identité de la personne avec son intelligence, sa volonté et sa liberté… C’est ce qu’il y a de plus intime qui fait l’unicité de la personne dans sa rencontre avec l’autre et l’Autre…
On n’y parvient que par une ouverture de coeur de l’Autre et de notre coeur… une vraie blessure et brûlure… qui nous soulage de notre gangue comme l’or au creuset… et casse nos chaînes…pour une liberté authentique… nous faisant sortir de nos sentiers battus et de nos préjugés pour nous ouvrir un horizon totalement nouveau…
Dans le cas de Jésus, une lumière particulière doit nous venir du Père pour découvrir en lui le « Messie », le « Fils du Dieu vivant »! Jésus le lui a clairement fait comprendre à Césarée de Philippes. Personne ne vient au Christ si le Père ne l’attire… C’est le don de la foi que nous appelons « théologale », car elle est infuse en nous par l’Esprit de Dieu lui-même, elle concerne notre relation avec Dieu et ne nous est connue que par les Saintes Écritures… Elle dépasse la simple foi humaine ou la crédulité des religions surgies du sens du sacré qui habite tout homme…
Il s’agit d’un Don de Dieu à accueillir avec crainte et tremblement dans l’humilité de notre condition de créature et dans la joie du regard d’amour de Dieu posé sur nous qui est sa grâce qui nous surélève notre intelligence pour se laisser embrasser par le mystère de l’AUTRE…
Cela ne saurait venir de nous… et notre humaine faiblesse nous le rappelle constamment (« Ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Eglise… » nous fait prier la liturgie) et Paul malgré la profondeur des révélations doit accepter l’écharde dans la chair et la voix du Seigneur qui lui dit: « Ma grâce te suffit,
car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Alors très volontiers il mettra sa fierté dans ses faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en lui sa demeure. Et il nous dit qu’il « accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes » et il termine en s’exclamant: « Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort! ».
C’est par l’ignominie de la croix et les plaies glorieuses de la résurrection qu’il a plu à Dieu de nous montrer son visage que cela nous plaise ou non… C’est en le rejetant que nous lui avons permis de dévoiler son amour infini…
« Qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas – c’est une engeance de rebelles ! – ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux » disait le Seigneur à Ezéchiel.
Didier Rimaud, jésuite et poète (1922-2003) nous indique que sur le Visage du Christ l’Au-delà de tout s’est pleinement exprimé et nous a désarçonnés pour nous sauver du cachot de nos idées toutes faites:
Dieu, au-delà de tout créé,
Nous ne pouvions que t’appeler
L’Inconnaissable.
Béni sois-tu pour l’autre voix
Qui sait ton nom, qui vient de toi,
Et donne à notre humanité
De rendre grâce.
Toi, que nul homme n’a pu voir,
Nous te voyons prendre ta part
De nos souffrances.
Béni sois-tu d’avoir montré
Sur le Visage bien-aimé
Du Christ offert à nos regards,
Ta gloire immense !
Toi, que nul homme n’entendit,
Nous t’écoutons, Parole enfouie
Là où nous sommes!
Béni sois-tu d’avoir semé
Dans l’univers à consacrer
Des mots qui parlent aujourd’hui
Et nous façonnent !
Toi, que nul homme n’a touché,
Nous t’avons pris : l’Arbre est dressé
En pleine terre !
Béni sois-tu d’avoir remis
Entre les mains des plus petits
Ce Corps où rien ne peut cacher
Ton cœur de Père !
(Liturgie des Heures, vol. II, Hymnes du temps de Carême)
https://youtu.be/yfYyGS7NWTM
Choeur des Moines de l’Abbaye de Tamié – Laudes: Hymne – Dieu au-delà de tout créé
11 juillet 2021, 15ème dimanche TO B
Bon dimanche de l’incroyable mission possible…
Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ
ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur,
pour que nous percevions l’espérance que donne son appel (cf. Ep 1, 17-18)
L’existence de l’homme dans l’univers est un fait inouï…
L’existence même de l’univers est soit incroyablement sensé soit plus incroyablement encore absurde…
Le saut, le passage de la matière inerte à la vie dans sa complexification progressive jusqu’à la vie de notre intelligence capable de se poser la question de son être est un mystère qu’on ne perce pas en escamotant les données par l’attribution d’une forme de vie à l’inerte (confondant la vie et l’être) ou en réduisant tout à une vague et toujours plus énigmatique « énergie cosmique » ou une « âme du monde » ou des théories ondulatoires pseudo scientifiques…
La vie en général et la vie humaine en particulier dans l’univers ne peut pas être seulement un « intelligent design ». Elle se vit, se perçoit, se comprend et s’assume comme un « loving design »…
Pas besoin d’être grand savant ou grand sorcier pour le percevoir. Ce qui donne un sens à notre existence de chaque jour ce ne sont pas les découvertes toujours plus étendues ou l’exploration de l’univers en expansion donc humainement inaccessible, mais la découverte dans les profondeurs de notre être de ce qui nous fait goûter à la joie divine d’exister…
Un « loving design », qui est aussi plus qu’un « intelligent design » et qui se dévoile dans ce dernier… Un projet d’amour pour une relation avec la source même de notre existence et ce projet se réalise dans la simplicité et le dépouillement de notre être quand le regard de l’autre posé sur nous est regard d’amour vrai !
Voici le mystère caché depui toujours qui se dévoile à des communs des mortels au cours de l’histoire humaine et que s. Paul sous résume dans la fameuse hymne du début de la lettre aux Ephésiens :
« Il nous a choisis, dans le Christ,
avant la fondation du monde,
pour que nous soyons saints, immaculés
devant lui, dans l’amour.
Il nous a prédestinés
à être, pour lui, des fils adoptifs
par Jésus, le Christ ».
Ce que les Juifs appelaient le « Royaume de Dieu » ou le « Royaume des cieux » ne se trouve pas en parcourant l’Univers, en découvrant de nouveaux continents ou de nouvelles planètes, en gaspillant les richesses de la terre pour coloniser Mars ou ailleurs… Tout cela est bien intéressant et passionnant et l’esprit humain ne s’arrêtera jamais dans cette direction…
Mais dans cette course folle nous risquons de bien avancer mais dans la mauvaise direction et de nous égarer car ce n’est pas ainsi que nous trouverons le « sens » du projet intelligent que nous lisons dans l’univers et du projet d’amour que nous lisons dans notre relation avec les autres…
En regardant au plus profond de notre être nous devinons un sens qui se dévoile à nous pleinement dans la rencontre avec le Ressuscité, c’est ce que Paul a vécu et, avant lui, les autres Apôtres de Jésus : Notre existence, notre combat quotidien, notre résistance au mal en nous et autour de nous, notre refus de nous laisser aller au découragement et au désespoir nous viennent de la certitude d’un sens au-delà de l’absurdité qu’on voudrait nous imposer au nom d’un hasard intelligent et sans cœur.
Oui cet univers, malgré la vérité de sa structure qui se dévoile à notre intelligence serait absurde s’il ne serait qu’un « matrix », espèce d’intelligence artificielle, qui ferait de nous des pièces de rechange d’une machine infernale sans but et sans autre raison d’être que le fonctionnement d’un système…
Alors voici l’incroyable mission possible de tous ceux qui sont attentifs à leur être et en qui Amour et Vérité se sont rencontrés : Dire aux hommes qu’il y a un sens et un « loving design » qui les porte… Mission de prophète, mission du Christ, mission du Chrétien…Porteur d’une Bonne Nouvelle de vie, d’amour et d’espérance et donnant notre vie parce que nous aimons jusqu’au bout, espérant contre toute espérance…
C’est seulement quand nous échappons à la vision de l’immédiat artificiel que la matière ne nous broiera pas inexorablement et que dociles à l’Esprit nous serons à l’écoute de l’essentiel. Nous devenons vrais car la vérité n’est pas une chose à découvrir en dehors de nous, c’est notre être même à unifier, à ajuster sous un regard d’amour pour devenir nous-mêmes, faire la vérité dans la charité pour que le mystère soupçonné par les prophètes, réalisé en Jésus-Christ, nous transforme en lumière à notre tour.
Être vrai sous le regard éternel de l’amour et de la grâce : voilà ce qu’il faut annoncer aux hommes : une mission possible qui semble devenir incroyablement difficile…
Pourtant c’est ce vers quoi tend tout notre être…
Nous ne sommes pas le fruit d’un hasard, nous sommes un projet de Dieu, un projet d’amour. Voilà ce qu’il faut faire entendre à chacun, non pas à des initiés ou à certains cerveaux particulièrement doués, mais au plus petit et au plus dépourvu et démuni… Chacun est un projet de Dieu, pas une résultante de rencontres fortuites. Quand on en prend conscience (la mission n’a pas d’autre but) on entre dans la louange, la contemplation et l’action de grâce pour soi et pour les autres… On devient Eucharistie… On s’accueille comme le plus beau cadeau et l’on s’offre comme qui est unique d’une façon absolue avec une place unique dans l’univers et dans l’histoire du salut.
Le « loving and intelligent design » où Amour et Vérité se rencontrent, fait que justice et paix s’embrassent et qu’une vie humaine soit possible sur cette terre avant que notre système solaire ne s’emballe et ne se désagrège…
Elle passe la figure de ce monde mais voici la Bonne Nouvelle : Toute cette histoire a un sens à la lumière de la croix du Christ et de sa Résurrection, sens qui ne se dévoile qu’aux cœurs attentifs à la vérité de leur être… au-delà de l’histoire… c’est-à-dire au plus profond du projet qui porte l’univers et notre humanité dans le dessein bienveillant de Père de notre Seigneur Jésus-Christ.
On accuse souvent les chrétiens de penser à l’au-delà… pourtant ils s’engagent dans l’ici-bas du combat quotidien de la vie, de l’amour et de la vérité, en donnant leur vie pour soulager les autres…
Ne devrait-on pas accuser plutôt maintenant les savants de ne s’occuper que de scruter le ciel et de chercher la vie ailleurs… en la détruisant ici…
Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ
ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur,
pour que nous percevions l’espérance que donne son appel (cf. Ep 1, 17-18
18 juillet 2021, 16ème dimanche TO B
Bon dimanche de la rencontre avec le Guide, Chef et Pasteur de nos âmes…
« …une grande foule…. qui faisait pitié… parce que les gens étaient comme des brebis sans berger… »
Brebis sans berger
Navire sans capitaine
Ruche sans abeille-reine…
Pays dont le roi est un gamin…
La compassion de Jésus pour la foule nous rappelle la force de ces métaphores qui ont comme conséquence : la débandade, le naufrage, la stérilité, la débâcle…
Tout comme notre corps qui est un organisme, donc un ensemble diversifié où chaque membre, chaque partie est au service du tout, suppose une tête, un cerveau, pour que chaque partie puisse recevoir et donner ce qui lui revient, ainsi un groupe, une famille, une société…
Ce n’est pas que chacun ne sache pas ce qui lui convient ou ce qu’il doit faire, c’est que tous ne peuvent pas s’occuper de tout en même temps… Quelqu’un doit servir de ciment, d’élément de cohésion pour que l’ensemble puisse tenir. Sans la pierre angulaire l’arc de triomphe s’effondre…
Et c’est là que tout se corse ! Tout dépend de la qualité de cette pierre angulaire…
Les anciens disaient qu’entre les quatre éléments constitutifs de l’univers (eau, air, feu, terre) il fallait un cinquième qui pouvait être l’amour ou la haine…
Un berger qui donne sa vie pour les brebis ou un berger qui dévore les brebis ?
Le deuxième cas est le plus courant et normal, car même quand les bergers de ce monde défendent leurs brebis contre les loups c’est pour les manger après…
Le premier cas présenté par l’Ecriture pour décrire la relation de Dieu avec son peuple et ce qu’il attend de ses intendants, de ces lieutenants, des gardiens à qui il confie ses enfants ici-bas (voir le cri de Jérémie dans la première lecture d’aujourd’hui), ce premier cas aurait pu n’être qu’une illusion et pure utopie, s’il n’y avait pas le cas de Jésus rencontré par Paul sur la route de Damas et qui fait du rabbin pharisien qu’il était incapable de supporter le contact d’un païen, un frère universel déclarant sans ambages que « par sa chair crucifiée » Jésus « a détruit ce qui séparait » les peuples et les individus, « le mur de la haine » ! Le mur du chacun pour soi et du sauve-qui-peut général… de la loi de la jungle… où le plus fort dévore le plus faible…
Seul celui qui a tué la haine dans son corps et dans son cœur peut rassembler les brebis dispersés faute de pasteurs…
Qui trouvera un guide, un père, un vrai « capitaine » pour ce monde « décapité » qui aurait dû être « récapitulé » dans le Christ mais qui a préféré la « capitulation » devant les démons qui agitent les esprits un peu partout : le capital étant seul roi…
Dans les moments de désarroi, souvent on cherche un bouc émissaire, un souffre-douleur… Tous ont peur… peur de perdre, de se perdre, de mourir…
Jésus n’a pas eu peur de mourir, mais comme tout homme il a instinctivement tremblé devant la perspective de la croix et de la souffrance atroce, physique et morale, qu’elle signifiait… Sa volonté humaine a eu le dessus sur son instinct de conservation et il a accepté de donner sa vie… on ne la lui prendra pas…
Nous voudrions trouver un guide, un pasteur, quelqu’un avec qui partager tout simplement nos inquiétudes, et Jésus nous invite à être cela pour les autres dans la mesure où nous acceptons qu’il le soit pour nous…
Pas besoin d’attendre d’être chefs pour nous mettre au service des autres… c’est un ici, maintenant, tout de suite à vivre.
Chacun n’a qu’à ouvrir les yeux pour découvrir des milliers de façons de « changer le système », d’enclencher une dynamique du vivre ensemble possible en « tuant la haine » en son cœur…
Nous regardons souvent vers les héros et les guerriers… pourtant en général ils peuvent gagner des batailles et la guerre, sans pouvoir « gagner la paix », c’est-à-dire accepter le douloureux engagement quotidien et effacé qui permet de reconstruire un tissu social délabré, des rapports familiaux en lambeaux…
L’humble enfouissement dans la pâte du quotidien pour devenir levain et faire que toute la pâte prenne forme…
Un troupeau sans pasteur, une ruche sans abeille-reine, c’est la désolation qui fend le cœur de Jésus et le pousse à prendre le temps de parler et d’écouter les gens, alors qu’il voulait offrir un instant de répit à ses disciples fatigués de leur mission… Mais l’amour ne va pas en vacances… Sinon dans le vide que nous laissons entre les éléments, la haine risque de se réinstaller…
Que « Le-Seigneur-est-notre-justice » fasse germer dans nos coeurs ce germe juste de pitié pour nos frères… et sa paix habitera notre terre…
25 juillet 2021, 17ème dimanche TO B
Bon dimanche du besoin matériel devenu spirituel…
Le geste de la multiplication des pains dénonce une honteuse précarité, mais il pourrait être aussi ambigu. Donner à manger à l’affamé peut être aussi une manipulation de l’autre que l’on maintient dans son état de dépendance. Il peut être aussi : affirmation de soi, campagne électorale, encouragement du consumérisme…
La suite de l’épisode au chapitre 6 de l’Évangile de s. Jean qui va nous accompagner chaque dimanche jusqu’au 22 août (avec l’intermède de l’Assomption le 15 août) ne laisse planer aucun doute sur l’intention de Jésus. Surtout que la réaction instinctive des gens est immédiate : « À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : “C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde.” Mais Jésus savait qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul ».
Le « signe » réalisé par Jésus indique : 1) la compassion immense du cœur de Dieu qui a mis toute la création au service de tous ; 2) la possibilité d’en avoir assez pour tous avec le fruit de la terre et du travail des hommes si chacun sait maîtriser son avidité et accepte de partager ; 3) l’invitation à ne pas se contenter du pain pour le corps, car l’homme vit aussi de confiance en Dieu et en sa Divine Providence ; 4) la véritable surabondance des 12 paniers symbolisant le nouveau peuple de Dieu nourri de sa Parole, Verbe fait chair et Eucharistie.
Longuement Jésus doit expliquer qu’il n’est pas venu instaurer un système magique de soupe populaire ou un idéal de « welfare », qui priverait l’homme de sa dignité et de la joie du travail de ses mains jusqu’à la fainéantise… Au contraire ! La foi en lui pousse à cette dignité de la liberté des enfants de Dieu qui ne travaillent pas comme des esclaves aliénés mais comme des collaborateurs du Créateur pour que chacun de ses enfants reçoive selon des besoins et donne selon ses capacités.
Il est évident que l’enfant, le malade ou celui qui souffre d’un handicap ne peut se subvenir tout seul à ses besoins. Il lui faut la main tendue d’un frère, d’une sœur, d’un bon Samaritain. Le drame c’est quand on développe une mentalité d’assistanat, voulant tout recevoir sans se fatiguer alors qu’on pourrait produire quelque chose et aider un autre… La solution c’est de découvrir que nous sommes un seul Corps, que chacun est membre de l’autre, d’abord dans la commune humanité et la maison commune qu’est la planète terre, mais aussi dans l’unique espérance d’un monde nouveau à construire ensemble : cieux nouveaux et terre nouvelle où habitera la justice. Dans le Christ nous sommes appelés « à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous ».
La perspective que nous ouvre Jésus a porté à la mise en commun des biens dans la première communauté chrétienne, mais déjà ce communisme de bon aloi en toute liberté et bonne volonté a été mis en échec (épisode d’Ananie et Saphire dans Ac 5, 1-11)… Et au long de l’histoire l’expérience ne sera pas concluante, même dans les communautés monastiques et les congrégations religieuses, ne parlons pas des essais purement socio-politiques… Il est clair que le vieil homme tapi au fond du cœur résiste à se laisser vaincre par l’homme nouveau jailli de la Pâque du Christ dans les eaux du Baptême et le souffle de l’Esprit… La concupiscence de la nature blessée demeure en nous comme terrain de bataille pour nous exercer à la vertu et à la patience avec les autres en donnant nos preuves et en complétant dans notre chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son Corps qui est l’Église.
Celui qui a rencontré le Christ et qui est devenu chrétien convaincu, catholique dur et pur par une conversion radicale effective, doit lutter contre le vieil homme (et le vieille femme…) en lui. Que dire alors des chrétiens superficiels, baptisés qui ne vivent pas l’Évangile… !
En tout cas, la multiplication des pains, comme l’eau changée en vain à Cana ou la pêche miraculeuse, ces « signes » de Jésus ne pourront porter du fruit qu’après sa mort et sa résurrection et dans toute la vie de l’Eglise au long de l’histoire…
La transformation totale et libre que l’événement Jésus-Christ suppose se fraie lentement un chemin dans les cœurs humains pour que l’esclave exploité devienne un frère et le maître un serviteur du bien de tous…
Pour que « l’action de grâce » (Eucharistie) pour le don de la vie et les richesses de la création et du travail de l’homme devienne « fraction du pain » (partage et don de soi) qui multiplie à l’infini chaque parcelle car ce qui soutient effectivement le tout de l’homme c’est le pain « supersubstantialis »= sur-essentiel, à la fois matériel et spirituel que le Christ nous invite à demander dans le Notre Père, puisque l’homme porte en lui les deux faims : matériel et spirituel. Nourrir une faim en faisant croire que l’autre n’existe pas, c’est mentir et se leurrer. Seul l’amour comble et rassasie vraiment, mais il passe par le pain rompu, par le fait de s’arracher le pain de la bouche pour l’offrir à un autre : Les besoins matériels de mes frères sont des besoins spirituels pour moi (selon le mot d’Emmanuel Lévinas).
Il est impressionnant de relire le Magnificat dans ce contexte : « Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides » à cause de sa « miséricorde » et de la « Sainteté de son Nom »… Il disperse les superbes, il renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles… Il se souvient de son amour…
La dialectique maître-esclave est tendanciellement un cercle vicieux, une chaîne infernale, qui ne peut être brisée que quand nous rencontrons celui qui « de condition divine » s’est vidé de lui-même, a pris la condition d’esclave et s’est fait pauvre pour nous enrichir… Alors nous buvons à la source d’eau vive et nous devenons source d’eau jaillissant pour la vie éternelle… Le jeune garçon qui a mis à la disposition de Jésus ses « cinq pains d’orge et deux poissons » est le contraire du jeune homme riche qui ne voulait pas donner ses biens aux pauvres… L’un verra une foule immense rassasiée, l’autre s’en est allé tout triste…
C’est parce que les besoins matériels de mes frères sont des besoins spirituels pour moi qu’au jugement dernier tout homme, qu’il le sache ou non, sera jugé sur les besoins matériels des autres qu’il fallait considérer, non pour se servir des pauvres et du Nom de Jésus, mais pour servir Jésus dans ses frères et sœurs les plus petits…
Devenons spirituels pour de bon en communiant au Corps et au Sang du Christ par la pitié pour nos frères, sinon, patience… nous mangeons notre propre condamnation finale en ne distinguant pas le Corps du Ressuscité dans la fraction du Pain et le Pain de vie dans la corps déchiré du pauvre, visage du Ressuscité… « Fratelli tutti ! »
1er août 2021, 18ème dimanche TO B
Bon dimanche de notre vraie faim…
Avoir faim d’apaiser notre vraie faim, avoir soif d’assouvir notre vraie soif…
Ne pas nous tromper de besoin comme les enfants fatigués qui ne veulent pas arrêter de jouer et pensent que c’est pour leur enlever les jouets qu’on leur demande d’aller dormir… Alors ils s’énervent et se fâchent, ils pleurent et rechignent jusqu’à s’endormir… Jusqu’à un certain âge il leur suffisait de pleurer pour que la maman devine et les soulage… alors ils continuent à rechigner plus tard comptant sur la force de leurs larmes…
Ils ne connaissent pas leurs vrais besoins quand ils commencent à avoir un peu d’autonomie…
Les adultes se retrouvent dans la même situation quand ils ne veulent pas qu’on leur arrache les nourritures terrestres qui ne peuvent en aucun cas les combler. Ils ont fini par s’y habituer et par ne plus comprendre ou accepter qu’il pourrait y avoir quelque chose d’autre, de moins éphémère qui pourrait les combler : un amour vrai et sincère ; une confiance totale et éperdue ; une communion définitive ; une vérité à devenir…
Le discours de Jésus sur le pain de vie qu’il est lui-même, alors que les gens cherchent du pain matériel, nous montre dans quelle direction il voulait aller en multipliant les pains : pouvoir nous parler de notre vraie faim… Il avait fait un parcours pareil avec la Samaritaine au bord du puis en éveillant sa vraie soif, celle de l’eau vive, avec elle il avait réussi à faire jaillir la source… Mais avec la foule, le passage sera plus difficile, sinon impossible… avec les Disciples, ce sera la décision définitive à prendre : s’en aller déçu de ne pas voir pu obtenir le pain du ventre ; rester déçu de le voir perdre une si belle occasion de devenir roi (cas de Juda qui était du diable) ; ou encore rester avec Jésus en lui faisant confiance comme Pierre…
Mais pour ce dimanche restons avec cette nouvelle qualité de faim et de soif et de vie que Jésus veut nous proposer. Il n’est donc pas dit que notre existence se réduit à un combat pour une maigre subsistance terrestre ou une boulimique accumulation de biens… Quelque chose de plus grand et de plus beau nous est réservée, mais nous ne pouvons l’accueillir si nous avons les mains pleines des choses d’ici-bas ou de leur désir… car là il n’y a rien de nouveau…
Jésus nous propose la vraie nouveauté sous le soleil mais pas à la lumière du soleil qui tôt ou tard s’éteindra… Il nous introduit à une nouveauté à la lumière sans déclin de la Source de toute lumière et de toute vie, et de tout plaisir et de toute joie… C’est elle qui nous a donné de goûter dans les joies éphémères un pâle reflet de ce qu’il est en lui-même et de ce qu’il nous promet : non pas un reflet de lui, mais lui-même… Les consolations de Dieu doivent nous conduire au Dieu des consolations, unique nourriture pour notre vraie faim… Nous laisser attirer par la Source quand la soif nous tenaille, et l’entendre murmurer : « Viens vers le Père »… et boire l’eau vive, jaillissant pour la vie éternelle…
8 août 2021, 19ème dimanche TO B, Saint Dominique
Bon dimanche de Jésus provocateur…
Qui prétend-il être? Le Pain descend du ciel?
Qu’est-ce à dire? N’est-il pas le fils de Joseph?
Nous connaissons son père et sa mère…
Tant qu’il parle au sens figuré et symbolique, nous pouvons essayer de décoder le message de Jésus, mais il arrive aujourd’hui à la démesure et à la folie pure: “Le pain que je donnerai c’est ma chair!”
Alors là, c’est le comble!
La foule qui essayait de suivre Jésus et de le persuader pour avoir du pain gratuitement se retrouve face à une invitation inouïe pour un Juif, absolument inacceptable… Parle-t-il sérieusement? A-t-il perdu la tête?
La suite du dialogue prouve que Jésus ne plaisantait vraiment pas… (nous devons lire personnellement les versets 52-58 du chapitre 6 de saint Jean, puisqu’à cause de la fête de l’Assomption dimanche prochain on aura d’autres lectures)…
Il est clair que Jésus veut vraiment donner sa chair à manger et son sang à boire en affirmant en plus que c’est la seule façon d’avoir la vie en nous, d’avoir Dieu demeurant en nous et de ressusciter au dernier jour pour la vie…
Ces affirmations inouïes, irrecevables, inacceptables et scandaleuses de la part de Jésus sont le sommet du dialogue avec la foule qui doit passer du désir terrestre d’avoir un Jésus magicien qui résout les problèmes sans demander aucun effort à une relation de confiance avec Jésus qui se veut l’expression du Père et qui n’a fait le geste de la multiplication des pains que pour révéler la bonté surabondante du Père et la possibilité d’avoir du pain pour tout si chacun sait donner tout ce qu’il est et tout ce qu’il a reçu…
C’est cette logique du don et de la gratuité que l’on apprend si on laisse le Père nous attirer pour nous faire connaître le Fils. L’un révèle l’autre. Le Père attire vers son Fils. Le Fils conduit au Père. Nous pouvons entrer par la porte… ou rester devant le mur infranchissable et enfin lui tourner le dos…
Voici comment la foi dans le Dieu vivant et vrai est un don de sa grâce, c’est la foi théologale qu’on ne saurait confondre avec une simple crédulité humaine ou une élaboration religieuse venue du sens du sacré des hommes. Il s’agit d’une irruption déjouant nos illusions par où Dieu se fait connaître sous un jour qu’aucune réflexion humaine n’aurait pu supposer…
Nous qui vivons après la résurrection de Jésus et qui savons ce qu’il a fait à la dernière Cène et ce qu’il a vécu sur la Croix, nous sommes moins choqués que la foule, à entendre le discours sur le Pain qui est sa chair, pourtant l’acte de foi reste le même.
Par rapport à ce que Jésus semble vouloir dire et veut effectivement dire, il y a un Rubicon à franchir…
Pierre a fait le pas sincèrement. Judas ne l’a pas fait, mais il est resté avec Jésus comme un intrus diabolique qui le trahira…
Il est grand le mystère de la foi ! comme s’exclame l’Église chaque jour à l’anamnèse de la messe…
Croire en la parole du Christ et recevoir sa chair et son sang dans l’Eucharistie…
Douter de la parole du Christ et manger et boire notre propre condamnation comme Judas parce que nous ne savons pas discerner le Corps du Christ : le Corps au Saint-Sacrement (Corps eucharistique), le Corps de son Épouse l’Église (Corps mystique), le Corps meurtri et en agonie jusqu’à la fin du monde (les pauvres et les plus petits de ses frères écrasés…)
Bon dimanche de l’irrecevable Jésus : unique chemin de salut et de vie éternelle !
15 août 2021, Assomption de la Vierge Marie
Bonne fête de Jésus accomplissant le 4e commandement: “Honore ton père et ta mère…”
En accomplissant le 4e commandement du Décalogue comme tous les autres, Jésus dépasse pleinement la loi de Moïse et nous introduit dans la nouvelle justice parce qu’il instaure de nouveaux liens de parenté qui ne dépendent plus de la chair et le sang, mais d’une nouvelle naissance d’en haut, naissance de l’eau et de l’Esprit qui s’accomplira dans sa Pâque: passion, mort, résurrection, glorification et don de l’Esprit qui instaure l’humanité nouvelle dans la grâce par la foi, l’espérance et la charité… Dans sa famille et sa parenté tous ne l’ont pas reçu et cru en lui, mais Marie est celle qui l’a reçu pleinement, elle est la première croyante en qui tout s’est passé selon la Parole puisque c’est par sa foi qu’elle a conçu avant de concevoir dans sa chair… Elle, la première, est devenue fille de Dieu (Jn 1,12) et pleine de grâce (Lc 1,28) en celui par qui nous sont venues la grâce et la vérité (Jn 1,14.17), car « de sa plénitude nous avons tous reçu et grâce sur grâce » (Jn 1,16).
De fait si le Messie est fils de David, il se trouve que, parlant sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, David l’appelle son Seigneur (Mt 22, 42-46 = Ps 109[110],1) et Elisabeth elle aussi, remplie de l’Esprit-Saint (Lc 1,41), salue Marie lors de la Visitation en l’appelant « mère de mon Seigneur » (Lc 1,43).
Dans la nouvelle naissance et les nouveaux liens de parenté instaurés par Jésus c’est tout le mystère de l’incarnation et du salut qui se profile : l’union de la divinité et de l’humanité dans l’unique personne du Verbe de Dieu qui se produit dans le sein virginal et immaculé de Marie, la récapitulation (de ‘caput’ en latin qui signifie ‘tête’, donc ‘retrouver sa tête’) de toute l’humanité et de tout le projet de la création dans le premier-né d’entre les morts, premier-né avant toute créature qui s’est préparé une Mère pour qu’elle devienne la Mère de tous les disciples bien-aimés rachetés du joug de la loi et lavés dans l’eau et le sang qui ont jailli du côté ouvert de son Fils sur la Croix comme le nouvel Adam d’où naît la nouvelle Ève…
Désormais l’Arche d’Alliance, de l’Alliance Nouvelle et éternelle, c’est le sein de Marie et le sein de l’Eglise où nous naissons pour de bon et pour l’éternité…
En nous rappelant que tout ce qu’on dit personnellement de Marie peut être dit collectivement de l’Église et individuellement de chaque chrétien, nous comprenons que l’Eglise soit heureuse de contempler dans la victoire et le couronnement de la Femme de l’Apocalypse (Ap 12, 1-6a.10ab) l’image de son accomplissement, victoire définitive sur la chair et le sang…
Oui, toutes les générations la diront bienheureuse !
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Ex 20,12: Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu.
Dt 5,16: Honore ton père et ta mère, comme te l’a commandé le Seigneur ton Dieu, afin que se prolongent tes jours et que tu sois heureux sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne.
Mt 15,4-6: En effet, Dieu a dit : Honore ton père et ta mère, et Que celui qui maudit son père ou sa mère soit puni de mort. Mais vous, vous dites : Quiconque dira à son père ou à sa mère : « Les biens dont j’aurais pu t’assister, je les consacre », celui-là sera quitte de ses devoirs envers son père ou sa mère. Et vous avez annulé la parole de Dieu au nom de votre tradition.
Lc 14,26: « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple.”
Mc 3,31-35: Sa mère et ses frères arrivent et, se tenant dehors, ils le firent appeler. Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : « Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent. » Il leur répond : « Qui est ma mère ? et mes frères ? » Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère. »
Lc 11,27-28: Or il advint, comme il parlait ainsi, qu’une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui dit : « Heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins que tu as sucés ! » Mais il dit : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ! »
Jn 19, 26-27: Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui
22 août 2021, 21ème dimanche TO B
Bon dimanche du choix radical pour Jésus-Pain-Parole de Vie…
Choix, élection, décision, alliance, engagement définitif, tout se joue dans un « OUI » que quelqu’un dit à quelqu’un d’autre à un moment donné dans sa vie… Ce moment d’option, de choix fondamental a un caractère définitif pas tellement à cause de son irrévocabilité où toute notre liberté s’investit, mais surtout à cause de sa répétition, de sa reprise à chaque nouveau tournant de notre vie, quand nous nous rendons compte de ce que le temps nous réservait comme surprise et que malgré tout, sur-tout, nous redisons le « OUI » initial qui devient ainsi vrai en nous rendant véridiques…
Les vérités les plus profondes de notre vie sont celles qui nous ajustent au réel et nous font devenir vrais… L’adéquation entre le réel et notre pensée n’est qu’un aspect de la vérité puisque notre pensée n’est qu’un aspect de notre être. C’est donc au niveau d’un devenir vrai que la Vérité nous rejoint, c’est-à-dire la Source de notre existence qui seule peut savoir quelle idée elle avait en nous donnant la joie divine d’exister…
Cela vaut la peine de remarquer qu’en français comme en créole « OUI » vient de « ouïr » (entendre), c’est l’affirmation que j’ai entendu une parole venant de l’autre qui m’a dit l’autre et que j’accueille cette parole et j’accueille l’autre… Oui, j’écoute, j’obéis, j’adhère, je me conforme et me donne à mon tour, c’est une alliance qui s’établit et qui deviendra fidélité pas tellement à une parole donnée mais à un être aimé pour lui-même avec toutes ses dimensions et les miennes qui se déploient dans le temps et l’espace et que je ne peux embrasser simultanément sinon dans l’éternité. Ce n’est pas sans raison que les médiévaux avec Boèce ne définissaient pas l’éternité en fonction du temps mais en fonction de la vie, d’une vie sans termes. Ils disaient que l’éternité c’est la possession pleine, parfaite, entière et simultanée d’une vie sans fin (« interminabilis vitae tota simul et perfecta possessio »)… Ainsi l’éternité n’existe pas en soi, ce qui existe c’est un vivant en plénitude… et c’est vers cela que pointe tout choix, tout « oui » vrai et définitif de l’homme qui se réalisera jour après jour dans cette reprise qui permet de mieux appréhender le don et l’accueil de l’autre…
L’évangile d’aujourd’hui vers la fin de la conclusion du chapitre 6 de saint Jean nous situe face à ce « oui » de Pierre et des disciples (moins un, Juda) qui est une reprise d’engagement avec une saveur d’éternité dans la succession des instants. Cette saveur d’éternité est possible parce que l’être humain n’est pas totalement segmenté par les instants du temps qui pour lui est un continuum où le passé ne cesse d’être présent dans le futur, c’est la caractéristique de l’immatérialité et de la spiritualité de la vie humaine : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6,68-69). Ce « oui » de Pierre au nom de tous, nous rappelle d’autres occasions où il a repris son engagement et surtout sa profession de foi en Jésus-Messie à Césarée de Philippe :
Tu le Messie, le Fils du Dieu vivant ! (Mt 16,16)
Nous avons tout quitté pour te suivre ! (Mt 19,27)
Je donnerai ma vie pour toi ! (Jn 13,37)
Mais aussi le triple reniement dans la cour du grand-prêtre : Je ne connais pas cet homme… (Mc 14,71)
Les larmes amères après le regard d’amour de Jésus posé sur lui… (Lc 22,61-62)
Et enfin la triple déclaration d’humble amour d’amitié profonde après la Résurrection : Seigneur tu sais tout, tu sais bien que je t’aime…(Jn 21,17)
« Voulez-vous partir vous aussi ? » (Jn 6,67) Telle est la question cruciale posée aux Douze après l’incompréhension inévitable du discours de Jésus sur le Pain de vie qui serait sa chair à manger…
La réponse de Pierre est confirmation d’une attraction que le Père exerce sur lui (Jn 6,65 : « nul ne peut venir à moi, si cela ne lui est donné par le Père…»)…
Choisir Jésus est un chemin de conversion qui ne s’achève qu’au témoignage final du mourir avec lui (sans perdre la foi), pour lui (sans perdre l’espérance), comme lui (sans perdre la charité) ! Chemin d’humilité avec chutes et relèvements puisque nous sommes dans le temps et que nous devons redire chaque jour notre « oui », notre « Amen ! », comme à chaque fois que nous allons communier au Corps du Christ et que nous répondons cet « Amen ! » qui dit tout s’il est dit pour de bon ! Alors se réalise le mystère du Corps du Christ qu’est l’Église solidement construite sur la foi de Pierre qui doit affermir ses frères et prendre soin des brebis jusqu’à la fin des temps…
Il est grand le mystère de la foi ! Disons-nous après la consécration du Pain et du Vin à la Messe… « Ce mystère est grand… ! » (Ep 5,32), je le dis en pensant à l’union sponsale du Christ et de l’Église (Ep 5,32), insiste saint Paul en parlant des sacrements par lesquels le Christ s’est uni à notre humanité depuis l’Incarnation dans le sein de la Vierge Marie et pleinement accompli dans la Pâque : Baptême : « bain d’eau qu’une parole accompagne » (Ep 5,26) ; Confirmation : « il prend bien soin de son corps » (Ep 5,27) ; Eucharistie : « il nourrit son corps » (Ep 5,29)… Les deux ne sont plus qu’une seule chair : « je le dis en pensant au Christ et à l’Église », c’est-à-dire à chacun de nous !
Pas moyen de les séparer… Choisir le Christ c’est être son unique Corps et son unique Église… « Qui peut comprendre qu’il comprenne ! » (Mt 19,12)
Un Oui qui ne devient pas fidélité est un Non…
Goûtez et vous verrez comme est bon le Seigneur, fidèle jour après jour !
29 août 2021, 22ème dimanche TO B
Bon dimanche de la vraie et bonne religion, simplement surprenante…
La vraie religion, si Dieu existe, doit exister aussi… Elle ne sera pas un simple fruit des émotions, habitudes, imaginations, traditions et désirs du cœur humain… Elle sera l’expression de la vraie rencontre avec le Dieu vivant qui ne saurait être moins communicatif que nous… Dans cette relation authentique, il se dira pleinement à nous, il nous dira à nous-mêmes et nous indiquera ce qu’il attend de nous pour une communication et une communion vraie avec lui…
De fait, l’être humain est naturellement « religiosus », il invente toujours un plus grand que lui, un absolu ou un néant d’être à adorer. Evidemment, il est souvent pris au piège de ses propres illusions, passions et autres prismes déformants de sa perception du réel qui l’aveuglent même dans ses élans les plus nobles. Alors les « religions » foisonnent et se disputent une place au soleil en revendiquant l’exclusivité du discours sur le sacré et le monopole du divin… Mais alors quelle est la vraie et quelle est la bonne ?
A partir de quel critère en mesurer la bonté et la vérité, car il faut bien un point de comparaison pour savoir si c’est bien fait et désirable (bonté), ou correspondant à ce qui est ou devrait être (vérité).
Quelqu’un aurait dit que la vraie et la bonne religion c’est celle qui rend les hommes meilleurs… Encore faudrait-il savoir quand est-ce que l’homme s’améliore vraiment et pour de bon ? Et quelle serait la place de la vérité sur Dieu dans ce processus ?
Et c’est quoi la « religion » ? Le terme « religio » désignait en latin avec « superstitio », « dei cultor », « pietas » différents aspects des pratiques cultuelles et des cérémonies qui se retrouvent dans toutes les cultures et ont trait aux êtres surhumains ou divins dont l’imagination et les mythologies regorgent partout pour expliquer ou rendre raison de bien des phénomènes pour lesquels on n’avait pas d’explication ou pour des questions ultimes qui restaient sans réponse…
Que l’étymologie du terme latin se ramène à « relego » (exécuter scrupuleusement) ou de « religo » (rattacher par des liens, comme les ligaments), il faut admettre qu’historiquement les disciples de Jésus ont eu beaucoup de mal à se considérer comme une « religion » dans l’univers Juif ou dans les autres nations (païens) où ils ont vécu, étant dans le monde sans être du monde… D’ailleurs on les considérait soit comme des renégats et des blasphèmes (dans le Judaïsme) soit comme des athées puisqu’ils refusaient d’adorer les dieux de ces peuples ou de suivre la loi de Moïse. Ils niaient l’existence des dieux de la cité, donc la religion civile et le culte de l’empereur. Ils furent martyrisés pendant longtemps pour cela. Saint Augustin dans son ouvrage sur la vraie religion (De vera religione) affirme d’entrée de jeu : « La seule voie qui nous conduise sûrement a une vie bonne et heureuse est la vraie religion, celle qui adore un seul Dieu et reconnaît en lui avec une piété éclairée, l’auteur de la nature entière, en qui tout commence, se perfectionne et se conserve dans un ordre parfait. » <http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/bt5.htm> (le texte entier mérite une lecture).
Si tant est qu’on le rencontre en son Fils Jésus-Christ, qui s’oppose à toute démarche religieuse qui ne provient pas d’un amour vrai et total pour Dieu qui permet de remettre à leur place les réalités éphémères de ce monde…
Contre toutes les vénérables traditions juives, Jésus s’insurge en nous conduisant au sanctuaire que Dieu considère et où il veut habiter : « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. » (Mc 7,22-23).
La vraie et bonne « religion » ne rend donc pas l’homme meilleur seulement en vertu d’actes externes ou de simples discours sans conviction ni conversion authentique vers le Dieu vivant et vrai… Elle doit engager toute son intelligence, toute sa volonté, toutes ses affections…pour qu’il se détourne des idoles de ce monde…
S. Jacques dans la deuxième lecture d’aujourd’hui nous enseigne que : « Un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde » (Jc 1,27)… Pas si compliqué que cela, non ? Et au jugement dernier nous ne serons jugés que sur la sincérité de notre amour pour les petits et les pauvres parce que nous aurons reconnu en eux Dieu qui vient à notre rencontre… (Mt 25,31-46) : C’est à moi que tu l’as fait…
Pas si compliquée que cela, la bonne et vraie religion, pas vrai ?
Dieu vient à notre rencontre dans nos frères qui souffrent d’une manière ou d’une autre… il nous dit où il se trouve, ce que nous sommes et comment nous devons être avec lui… vraie religion!!!
Sur les réseaux circulait cette question : « Bonne nourriture, bonne éducation, bon logement… les blancs ne l’ont pas donné aux noirs réduits en esclavage, qu’est-ce qui vous fait croire qu’ils leur auraient donné la bonne religion ? ». Elle nous oblige à réfléchir…
Peut-on mettre la religion sur le même plan que les autres aspects cités ?
Oui s’il s’agirait d’une religion simple fruit du sens du sacré humain… Alors il faut dire que les colons n’étaient eux-mêmes pas chrétiens, ce sont des baptisés qui ne vivaient pas la foi… alors ils ne pouvaient pas donner une bonne religion… humainement parlant.
Mais la foi chrétienne est vertu théologale, don de Dieu qui s’identifie au plus petit, alors Dieu a rejoint les esclaves au cœur de leur déréliction et les pauvres marginalisés d’aujourd’hui, et ce, malgré les faux chrétiens de toujours…
« Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte! » disait déjà les prophètes… «In God we trust…» ou «In gold we trust…»
Chacun choisira sa religion..
5 septembre 2021, 23ème dimanche TO B
Bon dimanche de l’ouverture à la louange…
« Effata » c’est-à-dire, en araméen, « Ouvre-toi… ». Jésus touche le corps mais parle à la personne : « Toi » ! C’est toi qui dois t’ouvrir de l’intérieur pour que tes sens externes s’ouvrent aussi !
Ne reste pas fermé aux vibrations de l’air qui te communiquent ce qui vient de l’écoute et fais vibrer l’air à ton tour pour entrer dans la louange et l’exprimer dans un verbe articulé… Foi et louange ! La première vient de l’écoute de la parole qu’est l’autre… la deuxième jaillit de la rencontre de la merveille dans l’autre qui réveille celle qui m’habite…
Plus d’une fois j’ai remarqué l’extrême attention des sourds-muets et leur fine intelligence quand ils sont entourés très tôt d’affection et accompagnés par des personnes de bon sens. Mais bien que la nature puisse compenser la perte d’un des sens, c’est toujours une limite et un manque à vivre. Nous avons besoin de nous exprimer dans toutes nos dimensions pour une pleine liberté extérieure et intérieure qui aussi plein communion avec les autres…
Ecouter l’autre et articuler notre réponse pour nous donner le plus totalement possible… Ce qu’un aveugle, un sourd-muet ou toute personne porteuse d’un handicap peut nous révéler de notre dépendance foncière des autres et de la profonde solidarité dans laquelle s’épanouit notre humanité ne doit jamais être perdu de vue. Aucun robot, aucune machine ne pourra jamais remplacer une main amie, une oreille attentive, une lueur dans les yeux et un mot gentil…
Le Verbe se fait chair et la chair vibre dans la parole… Pour que la voix et le Verbe ne soient plus qu’un…
Porteur d’une nouvelle bonne qui éveille notre être au sens profond de l’existence et nous garantit une plénitude de vie dans la résurrection, Jésus s’approche du sourd-muet qu’on lui présente avec une délicatesse de présence et une communication de son être que saint Marc nous décrit si bien : « Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! » Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia ». Quand le mur tomba et que la chaîne se cassa libérant les oreilles et la langue de cet homme, nous pouvons nous imaginer l’émerveillement que produisit cette vibration nouvelle de l’air dans son cœur et son ouverture à la louange… sur le plan physique…
Maintenant si nous transposons tout cela sur le plan de la vraie surdité qui est spirituelle et du vrai mutisme qui est logomachie, nous comprenons que quand le vent de l’Esprit peut enfin toucher les oreilles du cœur, quand la lumière et le feu de l’Esprit peuvent enfin embraser notre intelligence et notre volonté, quand les langues de feu peuvent exprimer leur gémissement ineffable qui est notre prière : Quel ravissement… Nous ne pourrons pas ne pas entrer et demeurer dans la louange…
Laissons-nous toucher et recréer, laissons-nous illuminer, venons au jour pour devenir vrais, entendons la voix qui nous appelle et répondons de tout notre être, pas seulement avec les mots et les sons, mais par toute notre vie, pour que ces moyens soient l’expression de ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes : Une louange pour notre Créateur, une manifestation de sa gloire, de sa puissance, de sa miséricorde, de sa bonté infinie… nous qui apparemment ne sommes que cendre et poussière… nous voici vivants pour toujours !
Le Rituel romain de l’initiation chrétienne prévoit la reprise du geste de Jésus comme une des dernières étapes avant le baptême lui-même. Cela indique la libération des puissances de louange et de témoignage de l’homme qui ne peut se faire quand la grâce touche profondément notre être, quand le regard d’amour de Dieu posé sur nous et sa déclaration d’amour sont compris et accueillis. Au cours du catéchuménat, après les exorcismes, la transmission du Symbole de la foi (Credo) et de la prière du Notre Père (Pater noster), le candidat doit remettre le Credo (donc le réciter) au cours d’une célébration de la Parole où on fait d’abord sur lui le rite de l’Effata. Dieu lui-même doit ouvrir nos oreilles et notre bouche pour que les mots prennent vie. Le célébrant touche les oreilles et les lèvres du catéchumène et lui dit : « Effata », c’est-à-dire : Ouvre-toi, afin de proclamer, pour la louange et la gloire de Dieu, la foi qui t’a été transmise.
Puis le célébrant prie en disant :
A ce futur baptisé, Seigneur, tu as révélé le projet de ton amour envers les hommes et tu lui as fait connaître ce que le Christ a vécu pour l’accomplir. Donne-lui maintenant de proclamer publiquement ce qu’il croit de tout son cœur, et d’y conformer toute sa vie…
Alors il pourra déclarer la foi qu’il a entendue pour la louange et la gloire de Dieu !
Il recevra ensuite l’onction de l’huile des catéchumènes précédée de cette prière :
« Dieu tout-puissant… par cette huile… accorde ta force aux catéchumènes qui en seront marqués. Recevant de toi intelligence et énergie, ils comprendront plus profondément la Bonne Nouvelle et s’engageront de grand cœur dans les luttes de la vie chrétienne ; rendus capables de devenir tes fils, ils seront heureux de naître à nouveau et de vivre dans ton Église… »
« Que la puissance du Christ Sauveur te fortifie. Qu’elle t’imprègne, comme cette huile dont je te marque pour ton salut, dans le Christ notre Seigneur, qui règne pour les siècles des siècles. Amen. »
Ainsi libéré et fortifié le candidat pourra être plongé dans le bain de la nouvelle naissance pour être pleinement illuminé par la Résurrection du Christ et devenir une louange à la gloire de Dieu… qui fait bien toutes choses et fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment…
« Je veux louer le Seigneur, tant que je vis » (Ps 145,2).
Puissions-nous devenir cette louange jour après jour… si le projet d’amour de Dieu envers les hommes nous a été révélé et si nous savons ce que le Christ a vécu pour l’accomplir et si nous voulons le proclamer en y croyant de tout notre cœur, et en y conformant toute notre vie…
12 septembre 2021, 24ème dimanche TO B
Bon dimanche de notre mort embrassée par la foi vivante sur la croix glorieuse…
La mort n’est pas une fatalité à craindre et à faire reculer le plus possible… C’est une étape de la vie à traverser avec ce qu’elle implique de souffrance et de déchirement. À cause de ces derniers elle nous semble contre nature, et c’est vrai : notre âme, principe immatériel de vie, est liée à notre matière, il existe pour donner forme vitale à notre existence corporelle et se trouve dans un état anormal à la mort. Tout est un en nous de l’unité de notre âme qu’on ne peut tuer en arrêtant le fonctionnement corporel, en tuant notre corps, qui se renouvelle d’ailleurs et change ses cellules au fur et à mesure chaque sept ans disent les savants. De l’Ancien au Nouveau Testament la claire conscience de cette unité de l’être humain et de la subsistance de la personne (immortalité de l’âme) au-delà de la séparation entre le principe fondamental et les fonctions matérielles conduit à la foi en la résurrection de la chair pour que la personne humaine soit totalement recréée par la toute-puissance divine.
Il faut donner tout leur poids aux paroles du Christ quand il invite à ne pas craindre ceux qui peuvent tuer le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme (Mt 10,28 : « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt Celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps »).
La suite de cette affirmation en Matthieu éclaire aussi le passage de Marc de la liturgie d’aujourd’hui sur l’annonce de la Passion du Messie refusée par Pierre et l’invitation à embrasser la croix pour être disciple de Jésus-Messie (Mc 8,34-25). En Mt 10,29-39 il poursuit : « Ne vend-on pas deux passereaux pour un as ? Et pas un d’entre eux ne tombera au sol à l’insu de votre Père ! Et vous donc ! vos cheveux même sont tous comptés ! Soyez donc sans crainte ; vous valez mieux, vous, qu’une multitude de passereaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est dans les cieux ; mais celui qui m’aura renié devant les hommes, à mon tour je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux. N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Car je suis venu opposer l’homme à son père, la fille à sa mère et la bru à sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa famille. Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. Qui ne prend pas sa croix et ne suit pas derrière moi n’est pas digne de moi. Qui aura trouvé sa vie la perdra et qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera ».
Changer de regard sur la mort est la seule façon de vivre pleinement et de suivre Jésus pour de bon en mourant à soi-même au quotidien. Ce changement ne se produira pour les disciples qu’après la Résurrection. Seul celui qui traverse la mort en la vainquant peut m’inviter à sauter et à passer à l’autre rive en cassant mes chaînes d’esclave par peur de la mort, c’est le motif de l’Incarnation : notre affranchissement des mensonges du diable à propos de la vie et de la mort. Le Verbe fait chair nous apprend à être pleinement humains en embrassant notre mort plutôt que de trahir l’amour de notre Père par des choix plus mortifères que la mort, il nous introduit dans la vérité qui libère (He 2,14-15 : « Puis donc que les enfants avaient en commun le sang et la chair, lui aussi y participa pareillement afin de réduire à l’impuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable, et d’affranchir tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort »).
Foi vivante par la charité plus forte que la mort… (un verre d’eau ne perd pas sa récompense)… La vraie religion c’est de prendre soin des autres, de vouloir leur bien tout simplement en se gardant sans tache dans ce monde de fous… La destruction totale dans la géhenne de feu qui est séparation définitive avec Dieu nous survient parce qu’en fermant nos mains pour tout garder, nous avons refusé un verre d’eau fraiche et une miette de pain à un des petits qui sont…Jésus lui-même… En fermant nos mains pour tout garder, nous perdons tout…
La pensée de la mort n’est pas une perspective effrayante et morbide à éviter, au contraire, c’est un rendez-vous à désirer et à préparer… L’acte de foi que nous posons à chaque Eucharistie en faisant ceci en mémoire de lui est un exercice de préparation à notre passage définitif… Mourir en aimant comme lui… Traverser en nous donnant généreusement… Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne…
Le refus de considérer comme un passage vers une rencontre définitive avec la vie conduit à ne pas vivre en plénitude. Les réalités de ce monde qu’on essaie de retenir alors qu’elles s’effritent, auxquelles on veut s’accrocher alors qu’elles s’écroulent ne sauraient correspondre au meilleur de nous-mêmes…
Et si au lieu de nous laisser prendre la vie, nous la donnions… ? Y a-t-il une autre voie pour donner la vie que de donner sa vie ? Un militaire argentin m’a appris qu’on n’a jamais le droit de tuer, même pas en cas de légitime défense : Il avait compris quelque chose à la vie… et à la conscience humaine, juge implacable…
Le Christ Jésus est celui qui assume et sa vie et sa mort dans une douleur indicible et dans une paix confiante totale : Foi totale en l’absolue bonté de la volonté du Père !
Voilà pourquoi la Croix du Christ, Serviteur Souffrant, est le vrai signe de notre victoire sur le mal et la mort et qu’en la traçant sur nous, nous affirmons la vie et la résurrection, la gloire et la victoire de l’amour infini de Dieu, vie en plénitude, maintenant et après notre mort… Marchons en présence du Seigneur sur la terre des vivants ici et après… Sa présence est vivifiante… Croix glorieuse !
19 septembre 2021, 25ème dimanche TO B
Bon dimanche du combat mortel dans la paix pour la vie…
Comment pouvons-nous nous tromper sur ce qui constitue vraiment le chrétien? C’est quand nous écoutons les suggestions du monde au lieu de Dieu. Ces suggestions nous font croire que nous n’avons pas de limites, personne ne doit rien nous interdire, il est interdit d’interdire… Nous n’avons aucune autorité autre que nos désirs et nos caprices et notre plaisir et satisfaction immédiate… Coûte que coûte…
Et c’est précisément là que nous sombrons dans l’esclavage le plus parfait qui ne nous coûte pas quelque chose, mais nous coûte la vie et le sens de notre existence… Nous le payons de notre bonheur…
Souvent nous ressemblons à ces faux pasteurs dont parle s. Augustin qui promettent un bonheur facile et immédiat selon les vues du monde pour ceux qui deviendraient disciples du Christ-Ressuscité en embrassant la foi. Ce sont des fossoyeurs ! Il ne faut pas annoncer un Évangile trompeur promettant de résoudre tous les problèmes d’ici-bas… Il faut inviter au combat car le juste ne sera pas épargné, au contraire, sa justice même le livrera aux méchants. Ce n’est pas parce que je prie, je reçois les sacrements, je vais à l’Eglise que je n’aurai pas des difficultés, mais je les vivrai avec la conscience en paix et la certitude que l’amour de Dieu ne m’abandonne pas, même à l’heure la plus ténébreuse de la croix et de la mort.
La foi chrétienne n’est pas une assurance tous risques, ni même une assurance risque spécifié, c’est une « agonie » au sens étymologique du terme, un « combat ».
Comme le dit s. Augustin :
« Lorsque les pasteurs craignent de blesser ceux à qui ils parlent, non seulement ils ne les préparent pas aux tentations qui les menacent, mais encore ils leur promettent le bonheur de ce monde, que le Seigneur n’a pas promis au monde. Le Seigneur a promis au monde que peines sur peines lui adviendraient, et tu veux être un chrétien épargné par ces peines ? Parce que tu es chrétien, tu souffriras davantage en ce monde. En effet, l’Apôtre nous dit : Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus seront persécutés. Maintenant, si tu préfères le pasteur qui cherche tes intérêts et non ceux de Jésus Christ, (alors qu’il dira : Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus seront persécutés), toi, tu dis : « Si tu vis avec piété dans le Christ Jésus, tu seras comblé de tous les biens. Et si tu n’as pas d’enfants, tu adopteras et tu élèveras tous ceux que tu voudras, et personne ne mourra chez toi ». C’est comme cela que tu construis ? Regarde ce que tu fais, où tu places ta maison. Ce que lu bâtis est posé sur le sable. Les pluies vont venir, le fleuve va déborder, le vent va souffler, ils vont battre cette maison, elle tombera et son écroulement sera complet. »
Le faible est fortifié lorsqu’on lui dit : « Attends-toi aux tentations de ce monde, mais le Seigneur te délivrera de toutes, si ton cœur ne s’éloigne pas de lui. » Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au dessus de vos forces. Avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir, et la force de la supporter.
Le juste sera écrasé par l’injuste, par définition. Si le juste cède et agit comme l’injuste, alors ce dernier aura remporté une victoire totale : l’agneau deviendrait un loup !
Celui qui veut suivre la route du bien, de la vérité et de l’amour, doit se préparer au combat contre le mal, le mensonge, la jalousie et la haine.
Ce n’est pas plus compliqué que cela.
Il ne s’agit pas de ne pas souffrir (la souffrance étant une dimension nécessaire pour notre survie dans ce monde en équilibre instable, nos sens nous avertissent des dangers qui menacent notre vie et c’est un bien), il s’agit de souffrir pour atteindre ce qui constitue notre pleine réalisation, et c’est là que la plupart se font tromper. Ils confondent le mal et la souffrance, le mal et le châtiment, le mal et les processus naturels de croissance ou de décroissance ; alors ils ne se rendent pas compte que le péché est le seul mal véritable, c’est-à-dire la volonté de la créature qui se détourne de Dieu, donc de son bonheur, pour chercher une satisfaction éphémère. Alors le châtiment qui rétablit la justice est un moindre mal, la douleur ou la souffrance qui font percevoir le méfait du péché est un avertisseur. C’est donc le péché qu’il faut fuir et éviter absolument, même si cela nous causera une souffrance dans l’immédiat. C’est le combat qui nous donne la paix durable et profonde, c’est dans ce combat que nous avons la paix…
Je vous souhaite de bien méditer les lectures de la liturgie d’aujourd’hui: Cautère cuisant mais salutaire sur nos plaies et blessures qui risquent autrement de s’envenimer…
– Soumettons [le juste] à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience.
– D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ?
– Le Fils de l’homme est livré…Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous…
Pour prolonger votre méditation :
Un extrait vocal du Sermon 46 de s. Augustin :
Saint Augustin – Sermon aux pasteurs:
https://youtu.be/ifIPsbIMRfE
Sermon 46 de s. Augustin au complet sur ce site :
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/nb.htm#bq
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Office des lectures du Dimanche de la 24e semaine au vendredi de la 25e semaine ordinaire :
SERMON DE SAINT AUGUSTIN SUR LES PASTEURS
[Vendredi de la 24e sem. ord.]
« Vous n’avez pas fortifié la brebis chétive ».
Vous avez entendu ce que les mauvais pasteurs aiment. Voyez ce qu’ils négligent : Vous n’avez pas fortifié la brebis chétive, guéri celle qui était faible, soigné celle qui était blessée, c’est-à-dire qui souffrait de fractures. Vous n’avez pas ramené la brebis égarée, cherché celle qui était perdue, celle qui était forte, vous l’avez accablée, tuée, assassinée. La brebis est chétive, c’est-à-dire qu’elle a un cœur faible, capable de céder aux tentations, si elle rencontre celles-ci sans méfiance et sans préparation.
Le pasteur négligent, quand il croit avoir affaire à celle-ci, ne lui dit pas : Mon fils, si tu prétends servir le Seigneur, demeure dans la justice et la crainte, et prépare ton âme à la tentation. Celui qui parle ainsi fortifie celui qui est faible et l’affermit pour que, lorsqu’il croira, il n’espère pas la réussite de ce monde. Car, si on lui apprend à espérer la réussite du monde, il sera corrompu par cette réussite même ; lorsque surviendront les contradictions, il en sera blessé et peut-être qu’il en mourra.
Celui qui bâtit ainsi ne bâtit pas sur la pierre, il pose son édifice sur le sable. Or, la pierre, c’était le Christ. Les chrétiens doivent imiter les souffrances du Christ et non pas rechercher les plaisirs. Le faible est fortifié lorsqu’on lui dit : « Attends-toi aux tentations de ce monde, mais le Seigneur te délivrera de toutes, si ton cœur ne s’éloigne pas de lui. Car c’est pour fortifier ton cœur qu’il est venu souffrir, qu’il est venu mourir, qu’il est venu se faire cracher au visage, qu’il est venu se faire couronner d’épines, qu’il est venu entendre des insultes, qu’il est venu enfin se faire crucifier. Il a fait tout cela pour toi ; et toi, rien. Il ne l’a pas fait pour lui, mais pour toi. »
Lorsque les pasteurs craignent de blesser ceux à qui ils parlent, non seulement ils ne les préparent pas aux tentations qui les menacent, mais encore ils leur promettent le bonheur de ce monde, que le Seigneur n’a pas promis au monde. Le Seigneur a promis au monde que peines sur peines lui adviendraient, et tu veux être un chrétien épargné par ces peines ? Parce que tu es chrétien, tu souffriras davantage en ce monde.
En effet, l’Apôtre nous dit : Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus seront persécutés. Maintenant, si tu préfères le pasteur qui cherche tes intérêts et non ceux de Jésus Christ, (alors qu’il dira : Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus seront persécutés), toi, tu dis : « Si tu vis avec piété dans le Christ Jésus, tu seras comblé de tous les biens. Et si tu n’as pas d’enfants, tu adopteras et tu élèveras tous ceux que tu voudras, et personne ne mourra chez toi ». C’est comme cela que tu construis ? Regarde ce que tu fais, où tu places ta maison. Ce que lu bâtis est posé sur le sable. Les pluies vont venir, le fleuve va déborder, le vent va souffler, ils vont battre cette maison, elle tombera et son écroulement sera complet.
Abandonne le sable, construis sur la pierre, sur le Christ, puisque tu veux être chrétien. Considère les souffrances imméritées du Christ, considère-le, lui qui, sans aucun péché, restitue ce qu’il n’a pas volé; considère l’Écriture qui dit de lui : Il châtie tout homme qu’il reçoit pour son fils. Il faut se préparer à être châtié, ou bien ne pas chercher à être reçu.
[Samedi de la 24e sem. ord.]
Prépare-toi à l’épreuve.
L’Écriture dit : Dieu châtie par le fouet tout homme qu’il reçoit pour son fils. Et tu dis : « Peut-être ferai-je exception ? » Si tu es excepté de la souffrance du fouet, tu es excepté du nombre des fils. « Ainsi donc, dis-tu, il flagelle tous ses fils ? » Parfaitement, il flagelle tous ses fils, comme il a flagellé son Fils unique. Le Fils unique, né de la substance du Père, égal au Père dans la condition de Dieu, le Verbe par qui tout s’est fait, n’avait pas en lui de quoi être flagellé. Il s’est revêtu de chair pour ne pas se soustraire à la flagellation. Celui qui châtie son Fils unique, alors qu’il est sans péché, épargnerait le fils adoptif qui a péché ? Car l’Apôtre dit que nous avons été appelés à l’adoption. Nous sommes devenus fils par adoption pour être les cohéritiers du Fils unique, et même pour être son héritage : Demande, et je te donnerai les nations en héritage. Dieu nous l’a proposé en exemple avec ses souffrances.
Mais certes, pour que le faible ne défaille pas devant les tentations à venir, il ne faut ni le tromper par un faux espoir, ni le briser par la terreur. Dis-lui : Prépare ton âme à la tentation. Et peut-être qu’il se met à défaillir, à trembler, à refuser d’avancer. Tu as une autre parole à lui dire : Dieu est fidèle, il ne permettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces. Annoncer et prédire les souffrances à venir, cela fortifie le faible. Lorsqu’il en est trop effrayé et terrifié, lorsque tu promets la miséricorde de Dieu, non en ce que les tentations manqueront, mais en ce que Dieu ne permet pas que l’on soit tenté au-dessus de ses forces, c’est là bander le membre brisé.
Car il y a des gens qui, lorsqu’on leur annonce des épreuves à venir, renforcent leur armement et ont soif de ses épreuves comme de leur boisson favorite. Ils font peu de cas pour eux-mêmes du remède proposé aux fidèles, mais ils ambitionnent la gloire des martyrs. Il y en a d’autres qui, en apprenant que des tentations vont nécessairement leur advenir — ces tentations qui adviennent précisément au chrétien, et que l’on n’éprouve que si l’on veut être vraiment chrétien — ceux-là, quand approchent de telles tentations, sont brisés et trébuchent.
Offre alors le bandage de la consolation, bande le membre brisé. Dis : N’aie pas peur, celui en qui tu as cru ne t’abandonne pas dans les tentations. Dieu est fidèle, il ne permettra pas que tu sois tenté au-dessus de tes forces. Ce n’est pas moi qui te le dis, mais l’Apôtre qui dit encore : Voulez-vous avoir la preuve que c’est le Christ qui parle en moi ? Quand tu entends ces paroles, c’est donc le Christ que tu entends, tu entends le berger qui conduit Israël. C’est à lui qu’on a dit : Tu nous donnes le pain des anges avec mesure. Ce que l’Apôtre a dit : Il ne permet pas que tu sois tenté au-dessus de tes forces, le Prophète l’exprime en disant : Avec mesure. Alors toi, ne repousse pas celui qui réprimande et exhorte, qui effraie et qui console, qui meurtrit et qui soigne.
26 septembre 2021, 25ème dimanche TO B
Bon dimanche du choix implacable : vie éternelle par l’ascèse ou géhenne de feu par le scandale ?
Qu’est-ce qui est le mieux pour nous? Savoir le discerner est sagesse suprême…
On dit parfois que le mieux est l’ennemi du bien. Ce dicton devrait s’appliquer contre les paresseux et ceux qui sont de mauvaise foi, programmant ou proposant des choses aussi parfaitement grandioses qu’irréalisables. Tout simplement pour ne pas faire le bien possible qui requiert de leur part un peu d’effort ou dérange leur zone de confort… Espèce de bon sens pratique qui ne risque rien et fait de nous des rusés selon le monde qui tirent le drap toujours de leur côté… Ne serait-ce pas cette prétendue sagesse qui rend fou ce monde replié sur lui-même refusant de s’ouvrir à l’inouï d’une parole qui dérange (Rm 1,22), alors il faut en briser le carcan : « Puisqu’en en effet le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, c’est par la folie du message qu’il a plu à Dieu de sauver les croyants » (1Cor 1,21).
Dans l’Évangile d’aujourd’hui quand Jésus répète ses « Mieux vaut pour toi… » il nous désarçonne pour nous dévoiler non pas le mieux, ennemi du bien possible ici-bas, mais le meilleur de nous-mêmes qui est notre seul bien pour de vrai et pour toujours, vie éternelle…
Mieux vaut pour toi être manchot en te coupant une main pour entrer dans la vie éternelle…
Mieux vaut pour toi être estropié en te coupant une jambe pour entrer dans la vie éternelle…
Mieux vaut pour toi être borgne en t’arrachant un œil pour entrer dans la vie éternelle…
Et l’on pourrait prolonger la liste présentée par Marc 9,43-47 : être sourd, être muet, etc…
Et l’on s’empresse de dire qu’il ne faut pas prendre cela au pied de la lettre, que c’est une figure de style… évidemment il s’agit d’un genre littéraire paradoxal… une métaphore hyperbolique comme quand il demande de « haïr » père, mère, femme, enfants et jusqu’à la propre vie (Lc 14,26), mais cela ne doit pas faire perdre de vue le mordant de l’exigence de la suite radicale de Jésus et du Royaume et de la vie éternelle qui s’identifient en fin de compte…
Jésus ne propose pas la mutilation au sens propre comme l’aurait entendu le fameux Origène qui se serait fait castrer dit-on pour éviter tout malentendu dans sa mission de catéchiser des femmes. Le premier canon du Concile de Nicée en 325 condamne ce genre de comportement et s’il y a eu des écarts ou des scandales au long de l’histoire sur ce point, c’est par infidélité aux exigences de l’Évangile pas par une déficience de la doctrine… Que celui qui se croit sans péché jette la première pierre…
Précisément le meilleur de nous-mêmes c’est de conserver le sel des exigences de l’Évangile capable de purifier les eaux amères et mortifères du monde, d’évangéliser constamment les cultures, toutes les cultures car ce n’est jamais une fois pour toute que les valeurs chrétiennes sont accueillies…
Chaque génération doit les redécouvrir et les saints nous le rappellent… et parfois ils semblent ne pas être du « bercail » normal… L’Esprit souffle où il veut…
Ce sel, ce sont les renoncements réels qu’il faut faire pour garder la saveur de notre vie, la soif de la vie éternelle et pour de bon, la prise de conscience sans cesse renouvelée que les royaumes de la terre ne sont pas le Royaume de Dieu… « Vos richesses sont pourries… »
Alors c’est quoi donc ce meilleur de nous-mêmes ? N’est-ce pas l’ouverture à l’Esprit du Christ qui souffle où il veut et chasse toute tendance à la jalousie ? N’est-ce pas l’ouverture du cœur qui dépasse tout appât du gain et nous rend justes, généreux et solidaires ? N’est-ce pas cette claire conscience du caractère éphémère de notre passage sur terre et de tout le bien que nous pouvons faire en évitant tant de mal qui prolifère autour de nous ? N’est-ce pas découvrir la valeur infinie d’un verre d’eau offert au nom du Christ ? N’est-ce pas le frémissement de honte qui devrait s’emparer de nous à chaque fois qu’on fait « tomber », qu’on « scandalise » un seul de ces petits qui croient en lui en ne leur offrant pas l’enseignement correct, la nourriture solide qui leur permettra de grandir droits, honnêtes et sincères ?
Quand on enlève la foi, quand on ne la nourrit pas, quand on enlève l’espérance et qu’on brise toute la volonté et la joie de vivre, quand on refroidit l’élan vers le bien, le pur, le vrai qui habite le cœur de tout homme parce que la voracité a pris le dessus dans une quête éhontée des paradis artificiels de la modernité vantée du confort des pays qui se disent développés, sur le dos des autres qui sont spoliés… N’est-ce pas le vrai scandale de ceux qui se disent chrétiens et ne le sont pas, décourageant les autres et alimentant le rejet de Dieu par le rejet de ceux qui prétendent parler en son nom…
La sentence du Christ sur ce point est encore plus terrible et violente que les métaphores hyperboliques qui l’explicitent et dont nous parlions : « Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer ».
La corruption du meilleur est le pire…
Doux Jésus miséricordieux aie pitié de nous !
10 octobre 2021, 28ème dimanche TO B
Bon dimanche des conseils évangéliques pour tous selon l’appel reçu…
La lecture continue de s. Marc au cours du 27e, 28e et 29e dimanches ordinaires B nous situe face à ce qu’on appelle les « Conseils évangéliques » dans la tradition de l’Église. L’engagement à vivre ces conseils d’une manière particulière et radicale, mieux encore à vivre en fonction de ces conseils, caractériserait surtout la vie religieuse consacrée, contemplative ou active, où un chrétien convaincu de sa foi se sent appelé à être signe et témoin (martyr) du choix définitif pour le Christ en renonçant au monde de façon radicale. Les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance en sont devenus l’expression la plus explicite pour le véritable guerrier de lumière.
Pourtant, à force de les associer à l’état de vie particulier auquel le Seigneur appelle quelques uns et pas tous, on risque de penser que les autres états de vie, donc le mariage ou la vie séculière, ne sont pas tenus de vivre les conseils évangéliques.
En examinant de plus près les textes des Évangiles de ces trois dimanches c’est une autre perspective qui est offerte. Nous y découvrons que tous ceux qui veulent devenir disciples du Christ sont appelés à vivre selon les « conseils évangéliques », mais avec des modalités spécifiques qui se développeront et s’expliciteront au cours de l’histoire : d’abord le sacrement du mariage et son indissolubilité avec l’engagement des époux, l’accueil et l’éducation des enfants dans la foi, le célibat volontaire des apôtres, l’invitation à la virginité consacrée, le partage des biens des premières communautés chrétiennes, la disponibilité et souplesse dans l’obéissance à l’Esprit en tenant compte des responsables établis par le Christ et par leurs successeurs, la hiérarchie comme service obéissante à la voix du Seigneur, puis plus tard la préparation à la persécution et au martyre, ensuite la vie érémitique et monastique, les ordres militaires, hospitaliers et mendiants, les congrégations de vie active, les instituts séculiers, etc.
Dans tous les cas il faut être chaste, pauvre et obéissant !
La chasteté est présentée par Jésus au cœur du mariage lui-même comme redécouverte du projet du Créateur et rétablissement de la dignité du rapport sexuel entre l’homme et la femme dans sa vérité intrinsèque voulue par Dieu (Mc 10, 2-16). Dans l’évangile de Matthieu (19, 10-12), la chasteté célibataire et virginale en fonction du Royaume des cieux est présentée comme un cas particulier pour quelques-uns seulement, mais tous doivent vivre une vie sexuelle bien réglée et non pas déréglée pour suivre vraiment le Christ, l’Agneau sa tache, immolé et vainqueur, que suivent les 144,000 de l’Apocalypse qui sont vierges « ceux-là, ils ne se sont pas souillés avec des femmes, ils sont vierges ; ceux-là suivent l’Agneau partout où il va ; ceux-là ont été rachetés d’entre les hommes comme prémices pour Dieu et pour l’Agneau » (Ap 14,4). Le Catéchisme de l’Église catholique nous présente très bien ces divers régimes de la chasteté condition sine qua non d’une vie chrétienne authentique quand il traite du sixième commandement. Voir les numéros sur les divers régimes de la chasteté, 2348-2350 : <https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P80.HTM>
Mais aussi quand il traite du neuvième commandement qui interdit la convoitise, 2514-2533, en particulier en parlant de la purification du cœur et du combat pour la pureté : <https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P8L.HTM>
<https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P8M.HTM>
L’Évangile d’aujourd’hui (Mc 10, 17-30), avec la belle figure du pieux jeune juif riche et observant la loi de Moïse, nous présente le détachement par rapport aux biens de la terre, donc l’exigence radicale de la pauvreté pour quiconque veut suivre le Christ, car on ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’argent, Dieu et mammon. Il faut apprendre à servir Dieu et se servant de l’argent selon le projet de Dieu et non vice-versa. Ce serait une perversion totale que de se servir de Dieu ou de la religion pour faire de l’argent, transformant le temple de Dieu en caverne de voleurs et considérant la religion seulement en termes de gains et d’avantages matériels. C’est la même perversion qui se produit quand on se marie seulement pour des avantages matériels, autre forme de prostitution. On ne doit pas se servir du mariage, mais se mettre au service du conjoint et des enfants avec toutes nos richesses, ainsi c’est une exigence de pauvreté, de détachement même, de don de soi qui est au cœur de l’amour matrimonial… Il faudrait redécouvrir comment le Catéchisme de l’Église catholique traite de la pauvreté et de l’amour des pauvres en développant le septième commandement : Tu ne voleras pas, aux numéros 2443-2449 : <https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P8A.HTM>
Mais aussi en parlant du 10e commandement et de la convoitise des biens d’autrui, 2534-2557, et surtout de la pauvreté de coeur : <https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P8R.HTM>
Dimanche prochain la péricope au sujet de l’autorité comme service dans l’obéissance à la volonté de Dieu complètera la présentation des trois « conseils évangéliques » (Mc 10, 35-45) qui valent pour tous et que chacun doit vivre d’une manière spécifique selon son état de vie. Demandons aux époux si toute la vie familiale n’est pas une obéissance mutuelle qui nous fait découvrir la volonté de Dieu dans ce qui contribue au bonheur de l’autre même si c’est une crucifixion pour moi ! C’est le prix de l’amour vrai. Si la femme doit être soumise à son mari, c’est parce que le mari doit l’aimer comme le Christ a aimé l’Église, jusqu’à en mourir pour le bonheur et la pleine réalisation de son épouse, donc c’est parce que le mari doit être soumis à la volonté de Dieu discernée au quotidien dans la relation matrimoniale et familiale. Il en est de même pour les enfants qui se soumettent aux parents qui ne doivent pas les exacerber, mais doivent discerner avec eux les chemins de liberté que le Seigneur leur prépare…
Que dire de l’autorité dans les relations sociales plus larges que la famille : elle est au service du bien commun, cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, 1897-1904 : <https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P6D.HTM>
L’obéissance est l’attitude même du croyant et la signification profonde de sa prière : Père que ta volonté soit faite, voici comment nous suivons vraiment le Christ.
CEC, 915 : Les conseils évangéliques SONT, dans leur multiplicité, PROPOSÉS À TOUT DISCIPLE DU CHRIST. La perfection de la charité à laquelle tous les fidèles sont appelés comporte pour ceux qui assument librement l’appel à la vie consacrée, l’obligation de pratiquer la chasteté dans le célibat pour le Royaume, la pauvreté et l’obéissance. C’est la profession de ces conseils dans un état de vie stable reconnu par l’Église, qui caractérise la » vie consacrée » à Dieu (cf. LG 42-43 ; PC 1).
< https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P24.HTM>
Au fait, l’important c’est de se mettre à la suite du Christ par un amour total semblable au sien qui va jusqu’à la croix et alors nous comprendrons que ses exigences sont notre liberté au cœur de ce monde dévoyé et trompeur où nous devons briller comme des astres de lumière, sinon c’est un désastre de ténèbres… Le joug facile du Christ et son fardeau léger n’est pas un leurre, pour celui qui se met effectivement à son école…
Si parfois l’ennemi nous crible et nous fait tomber comme dans le cas de Pierre, le regard de Celui qu’on va crucifier et sa prière « en poussant un grand cri » sur la croix nous gardera afin que notre foi ne défaille pas et que nous puissions nous reprendre et raffermir nos frères par l’acquisition de la vraie sagesse qui est la folie de la croix… celle que nous fuyons au quotidien et où les « conseils évangéliques » nous ramènent pour que ne nous en allions pas « tout tristes » comme le jeune homme riche de l’évangile. C’est ce saut dans la confiance quine peut provenir que de la grâce d’avoir découvert que Jésus est fiable pour nous avoir aimés jusqu’au bout de l’amour, jusqu’à la croix, jusqu’à la démesure, jusqu’à la résurrection en nous offrant l’espérance inouïe d’une plénitude de vie et d’une porte de sortie quand nous nous croyons enfermés pour toujours dans un labyrinthe sans issue…
Alors, en son nom, dans la folie de sa sagesse, nous apprenons à jeter du lest non pas en brûlant nos ressources (fumer de la drogue ou noyer sa santé dans l’alcool et les plaisirs vénériens ou en entrant dans la spirale de la violence aveugle et meurtrière, c’est gaspiller nos richesses), mais ne mettant nos ressources au service des autres, d’ailleurs qu’avons-nous que nous n’avons pas reçu ? Et que nous restera-t-il de ce que nous n’avons pas donné ? Soyons donc de bons administrateurs !
Les époux doivent vivre cette pauvreté radicale, les enfants doivent apprendre dans le partage généreux et la prise en charge des parents ce que c’est que d’être fils de Dieu et frères et sœurs des hommes, les célibataires, les veufs, les vierges, les délaissés par leurs conjoints, tous doivent comprendre que s’il est difficile à un riche d’entrer dans le Royaume des cieux, rien n’est impossible à Dieu et Paul, le pharisien, sur la route de Damas en est la preuve.
Vienne pour chacun de nous l’heure de la grâce où au lieu de partir tout tristes nous demeurerons tout joyeux avec le Christ, dépouillés de tout car nous avons tout partagé, mais pleinement libres car nous avons trouvé le vrai trésor, la perle de grand prix : la source de tout bien et de tout bonheur… Nous en serons témoins, donc, martyrs…
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Pour prolonger la réflexion sur le martyre, donc le témoignage chrétien, voici un beau texte de s. Ambroise présenté pour la mémoire de S. Denis, évêque et ses compagnons, martyrs (9 octobre) dans la Liturgie des heures :
HOMÉLIE DES. AMBROISE SUR LE PSAUME 118
Lorsqu’il y a beaucoup de persécutions, il y a beaucoup de martyrs. Chaque jour tu es témoin du Christ*. Tu étais tenté par l’esprit d’impureté ; mais, par crainte du jugement futur, tu as jugé qu’il ne fallait pas souiller la chasteté de l’esprit et du corps : tu es martyr du Christ. Tu étais tenté par l’esprit de lucre pour saisir la propriété d’un pauvre ou violer les droits d’une veuve sans défense ; mais. par la contemplation des préceptes divins, tu as jugé qu’il valait mieux porter secours que commettre une injustice : lu es témoin du Christ. En effet, le Christ veut avoir de tels témoins, selon cette parole de l’Écriture : Soyez justes pour l’orphelin, défendez la veuve, venez donc et discutons, dit le Seigneur. Tu étais tenté par l’esprit d’orgueil ; mais en voyant le pauvre et l’indigent, lu as été saisi d’une tendre compassion, tu as préféré l’humilité à l’arrogance : lu es témoin du Christ. Mieux que cela: lu n’as pas donné ton témoignage en parole seulement mais aussi en action.
Quel est le témoin le plus sûr? Celui qui confesse que le Seigneur Jésus est venu parmi nous dans la chair et qui observe les préceptes de l’Évangile. Car celui qui écoute et n’agit pas nie le Christ; il a beau le proclamer en parole, il le nie par ses actions. Combien de gens disent: Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons été prophètes, que nous avons chassé les démons et fait beaucoup de miracles? Au jour du jugement, le Christ leur répondra: Écartez-vous de moi, vous qui faites le mal! Celui-là est témoin qui, avec la garantie des faits, rend témoignage aux préceptes du Seigneur Jésus.
Combien y en a-t-il chaque jour, de ces martyrs cachés du Christ, qui confessent le Seigneur Jésus! L’Apôtre a connu ce martyre-là et le témoignage de foi rendu au Christ, lui qui a dit : Notre sujet de fierté, c’est le témoignage de notre conscience. Combien ont confessé la foi extérieurement, et l’ont niée intérieurement. ~ Ne croyez pas n’importe quel prophète: c’est à leurs fruits que vous saurez lesquels vous devez croire. ~ Sois donc fidèle et courageux dans les persécutions intérieures pour triompher aussi dans les persécutions extérieures. Dans les persécutions du dedans également, il y a des rois et des gouverneurs, des juges au pouvoir redoutable. Tu en as un exemple dans la tentation subie par le Seigneur. ~
On lit encore ailleurs: Que le péché ne règne pas dans notre corps mortel. Tu vois devant quels rois lu vas comparaître, ô homme, devant quels gouverneurs de péchés, Si c’est le péché qui règne. Il y a autant de rois que de péchés et de vices; et c’est devant eux que nous sommes amenés, devant eux que nous comparaissons. Ces rois-là ont encore leur tribunal dans l’esprit d’un grand nombre. Mais celui qui confesse le Christ paralyse aussitôt le pouvoir de ce roi, il le détrône de son esprit. Comment le tribunal du diable pourrait-il subsister chez celui en qui est érigé le tribunal du Christ?
* « témoin » et « martyr » sont originairement synonymes.
17 octobre 2021, 29ème dimanche TO B
Bon dimanche de l’esclave par amour parce que sans péché…
Semblable à nous en tout, SAUF LE PÉCHÉ…
Il pouvait porter et enlever le péché du monde…
Lui qui pouvait jeter la première pierre sur la femme adultère, ne l’a pas fait, au contraire…
« Celui qui n’a pas commis de péché, Dieu l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu » (2 Co 5,21) s’écrie saint Paul…
Ceux qui reçoivent son baptême et boivent à sa coupe deviennent victorieux comme lui sur le mal par excellence qu’est le péché et sur la mort qui nous tient en esclavage. Ils peuvent affronter les épreuves qui permettent à tout homme de faire ses preuves et de se perfectionner comme Job en restant fidèle à l’amour de Dieu.
Jésus sans péché peut devenir le serviteur, mieux encore l’esclave, de tous car aucune entrave ne le gêne, aucun repli sur soi, aucune recherche égoïste de soi. C’est l’homme pleinement libre de la liberté des enfants de Dieu qui seuls peuvent vouloir le bien de tous et du mal à personne.
C’est la perfection de l’amour qui transforme l’autorité et le pouvoir en humble service des plus petits.
Il y avait une dernière place, celui qui est sans péché l’a prise… Nous les pécheurs si nous arrivons à découvrir pourquoi nous cherchons la première place (pour cacher nos péchés et les augmenter de fait en dominant sur les autres…) alors nous aurons peut-être honte et chercherons à nous rapprocher de celui est vrai et nous vérifie, nous rend vrais… La dernière place est celle du sans péché et c’est la Croix (Trône de la grâce) ou le Maître et Seigneur qui lave les pieds de ses disciples leur a donné la preuve suprême de l’amour vrai en les attirant définitivement à lui, c’est là qu’ils recevront son baptême et boiront à sa coupe ; c’est de là que viennent tous les sacrements qui nous conduisent à l’amour vrai et sans fard ; alors chacun sera à sa place, unique et irremplaçable…
Approchons-nous de celui que nous avons transpercé et nous découvrirons bouleversés le visage du Serviteur Souffrant d’Isaïe qui porte nos fautes. Il nous fera découvrir que le plus grand mal n’est pas la souffrance, mais le péché… Le plus souvent, la souffrance fait partie des éléments utiles qui nous avertissent d’un danger de perdre notre vie dans cet univers en travail d’enfantement comme dit s. Paul (Rm 8,22). Toute seule la souffrance n’a pas de vertu réellement transformatrice, elle pousse plutôt à la conservation de l’acquis dont la possession est toujours mal assurée. C’est un effort de survie bio-psychologique qui en dit long sur la manière d’être de l’homme qui peut préfère utiliser, exploiter, torturer et éliminer les autres pour conserver sa mourante vie… Mais dans la perspective de notre pleine réalisation c’est l’amour qui a le dernier mot et l’amour étant extatique, sortie de soi, il ne supporte pas le repli égoïste qu’est par définition le péché, c’est-à-dire le fait d’agir sans considérer la règle ultime de cet agir qui est le bien. Non seulement le bien immédiat d’un soulagement partiel, mais le bien définitif et total. Ce bien suprême qu’est la Source de tout existence, de toute vie, c’est vers lui que nous devons tendre.
Le péché est le fait d’utiliser les énergies reçues de Dieu contre Dieu et contre son projet d’amour.
Son contraire c’est la grâce, c’est-à-dire le fait d’accueillir le regard d’amour de Dieu posé sur nous et de nous conformer à cet amour pour y correspondre à notre tour.
Ainsi, seul celui qui est sans péché peut souffrir de manière rédemptrice, c’est-à-dire peut vraiment donner sa vie pour l’autre et prendre sur soi le mal de l’autre pour le transformer dans cette alchimie qui lui donnera un sens et fera de la déficience une plénitude, une perfection à un plus haut niveau…
Alors nous pouvons comprendre le cri de Paul dans l’hymne à la charité qu’est l’amour vrai, désir du bien de l’autre pour l’autre, pas pour moi : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien » (1 Cor 13,1-3).
Jésus dans son humanité où « habite corporellement toute la plénitude de la divinité » (Col 2, 9), « apprit par ses souffrances l’obéissance et ainsi devenu parfait, il est maintenant principe de salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent » (He 5,8-9). Approchons-nous avec assurance du Trône de la grâce pour ressembler à celui qui a dit : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,44-45).
Devenons comme lui esclaves par amour parce que sans péchés… le contraire c’est le monde actuel (où nous devons nous battre pour que personne ne soit réduit en esclavage par haine et appât du gain), devenons témoins dès maintenant d’un monde nouveau, celui de la grâce…
Entrons dans son salut en écoutant sa voix et en suivant sa voie !
24 octobre 2021, 30ème dimanche TO B
Bon dimanche de l’écoute qui fait voir… en profondeur…
Voir avec les yeux du corps c’est important…
voir avec les yeux du Cœur c’est plus important car l’essentiel est invisible pour les yeux…
Voir et entendre, la vue et l’ouïe sont deux des sens qui servent à exprimer les fonctions spécifiques de l’intelligence et de la volonté qui caractérisent l’homme et qui lui permettent de se réaliser en toute liberté.
Jésus a dit qu’il est venu pour un jugement, une sentence à établir assez étrange d’ailleurs: « C’est pour un discernement que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles ! » (Jn 9,39). Il déclarait cela à propos de la guérison de l’aveugle-né au chapitre 9 de s. Jean. Ceux qui voient, voient un homme et un Galiléen sans instruction, ils se croient voyants et intelligents, pourtant ils passent à côté. Ils sont les détenteurs d’un texte (la Loi de Moïse) qu’ils appliquent selon leurs intérêts, sans en comprendre l’esprit. Ils se servent du sentiment religieux humain pour arranger leurs petites affaires en faisant croire le contraire…
Mais voici que par rapport à Jésus, – « signe en butte à la contradiction … afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs » (Lc 2, 34-35) comme l’annonçait le vieux Siméon –, un processus inverse se met en branle, une lumière nouvelle est offerte qui fait voir le fond des choses, qui dévoile le sens ultime des promesses et espérances messianiques d’Israël… Alors il faut une nouvelle écoute pour percevoir ce qui vibrait en lui. Cette lumière ne provient pas du soleil, et elle fait toutes choses nouvelles. C’est ainsi que ceux que l’on croyait aveugles (physiquement et spirituellement sans faute de leur part) arrivent à voir, donc à entendre et comprendre… à soupçonner l’inouï que représentait ce simple homme de Nazareth… et pour cela ils vont commencer une vie de foi théologale à la lumière de l’amour de Dieu. Saint Jean l’avait dit au prologue de son Évangile : « Ce qui fut en lui [dans le Verbe] était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie.. » (Jn 1, 4-5), « Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme ; il venait dans le monde. Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, » (Jn 1, 9-12).
Une chose c’est ce que nos yeux de chair et notre intelligence peuvent balbutier du Dieu unique, source de toute vie, autre chose c’est ce que le Dieu vivant et vrai est en lui-même et que lui seul peut nous dévoiler, nous déclarer… Mais quand il se déclare, il raconte son amour pour nous attirer, alors que nous semblons chercher sa foudre pour nous terrasser… ou lui voler son pouvoir pour le dominer…
« La foi vient de l’écoute » (“fides ex auditu auditus autem per verbum Christi” Rm 10,17) et ce qu’il nous faut écouter, ce qui nous fait écouter, c’est la Parole qu’est le Christ lui-même : Dieu qui vient à notre rencontre et nous déconcerte… Comme nous fait chanter la deuxième strophe de l’hymne “Adoro te devote” à propos de l’Eucharistie – et la comparaison vaut son pesant d’or –, « Visus, tactus, gustus, in te fallitur, sed auditu solo tuto creditur… Credo quidquid dixit Dei Fílius : nil hoc verbo veritatis verius… » (« La vue, le goût, le toucher, en toi font ici défaut, Mais t’écouter seulement fonde la certitude de foi… Je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu. Il n’est rien de plus vrai que cette Parole de vérité. »).
Si la foi vient de l’écoute, elle nous fait cheminer vers ce que nous espérons avec une ferme assurance sans le voir encore. Et l’espérance ne déçoit pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné ! (Rm 5,5)
L’endurcissement du cœur et l’aveuglement de l’esprit, c’est la condition de celui qui refuse de se laisser toucher par l’amour infini de Dieu (son Esprit d’amour et de feu) et de suivre la trace du seul bon Maître qui mérite qu’on abandonne tout pour le suivre…
Le fils de Timé, Bartimé, l’aveugle de Jéricho a suivi le Christ tout joyeux après avoir recouvré la vue physique car sa foi (vue spirituelle antécédante) l’a sauvé…
Le jeune homme riche a laissé le Christ et s’en est allé tout triste, car ses biens l’ont aveuglé…
La liberté s’offre, se propose et ne s’impose pas. C’est par des liens d’amour et de miséricorde que l’homme se laisse attirer et attacher librement pour atteindre sa perfection.
Nous ne devons pas être étonnés de voir qu’il soit difficile à certains de faire le saut de la foi et de suivre un chemin de Croix. C’est le contraire qui serait étonnant pour qui connaît les replis égoïstes du péché dans sa propre vie.
Si nous ne pouvons pas douter que Dieu voulant sauver tous les hommes leur fait voir et entendre son invitation par des moyens que lui seul connaît (et d’abord par la folie de la bonne nouvelle du Crucifié-Ressuscité), nous devons aussi constater que tous ne sont pas prêts à faire le saut décisif. Et c’est là que le jugement, le discernement se produit : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais vous dites : Nous voyons ! Votre péché demeure » (Jn 9,41).
Sur la route de Damas, Saul a dû être rendu aveugle par la lumière souveraine du Ressuscité avant de recouvrer la vue par l’imposition des mains d’Ananie (qu’il venait arrêter et emprisonner) quand des écailles lui sortirent des yeux (Act 9,18).
Il est une autre lumière que celle du soleil qui nous permet de voir les gens et les choses à une profondeur insoupçonnée et dans la pleine vérité. Celui qui reçoit cette lumière ne la comprend pas, mais est compris par elle. Il se laisse prendre dans la splendeur et la douceur d’un amour infini qui libère pour de bon et pour de vrai, pour ne plus vivre centré sur soi-même mais sur Celui qui est mort et ressuscité pour nous.
Embrassés par cette lumière, nous courons pour étreindre celui qui nous a étreints et oubliant le passé nous sommes tendus vers la plénitude entrevue qui remet chaque chose éphémère et limitée, contingente et évanescente, à sa place. Pour celui qui rencontre le Christ et croit en lui, avant et surtout après la Résurrection, le voile se lève, l’Écriture s’illumine, le feu prend au cœur de ceux qui découvrent dans le fils de Marie, le fils David promis et bien plus, le Fils de Dieu lui-même et le prêtre selon l’ordre de Melchisédech. Dans l’humanité qu’il a assumée il devient le trait d’union entre la terre et le ciel, l’échelle de Jacob, le Grand Prêtre qui est en même temps l’autel et la victime et le temple, réconciliant par sa chair et le sang de sa croix ceux que le péché avait désunis, divisés, aveuglés, assourdis…
Que veux-tu que je fasse pour toi ?
Seigneur, que je voie !
« Rabbouni, que je retrouve la vue ! »
Et Jésus lui dit :
« Va, ta foi t’a sauvé. »
Puissions-nous parvenir à ce même acte de foi !
31 octobre 2021, 31ème dimanche TO B
Ah! Si nous pouvions nous approcher du Royaume du Prêtre éternel!
Tu n’es pas loin du Royaume…
Nous ne serions pas loin du Royaume de Dieu, pa loin, mais pas dedans, presqu’au porche du mystère… si nous pouvions vivre au moins la loi naturelle, celle qui est inscrite au cœur de toute réalité et de tout être humain, celle de la conscience qui nous murmure: « Fais le bien, évite le mal… »; celle dont parlait Antigone désobéissant aux ordres du roi Créon (cf. la tragédie de Sophocle 495-406 av. J.-C.) en indiquant une loi supérieure aux dictats des tyrans: « lois non écrites, inébranlables, des dieux ». Cette loi naturelle devenue positive dans le Décalogue (les dix commandements d’Ex 20,1-17 ou Dt 5,6-22) où elle a été codifiée – selon la perspective de l’Alliance de Dieu avec son peuple – est fondamentalement une loi de justice qui fait rendre à chacun ce qui lui est dû (« unicuique suum tribuere »).
À Dieu nous devons en toute justice un amour total et au prochain un amour égal. Voilà ce qui nous permet de rester humains, de ne pas nous bestialiser, de ne pas plonger dans la loi de la jungle…
Il s’agit d’une exigence de justice donc envers la source de notre être et envers nos semblables. Exigence dont l’accomplissement sera toujours inadéquate. Envers Dieu nous sommes des débiteurs insolvables car comment pouvons-nous lui rendre ce qu’il nous a donné qui est le plus grand cadeau: la joie divine d’exister! Alors nous sommes invités naturellement non pas à l’effroi devant notre Créateur mais à un élan d’amour infini qui corresponde en quelque sorte à l’amour infini qui nous donne de vivre, de nous mouvoir et d’être…
Par rapport à nos semblables nous nous trouvons aussi bénéficiaires et débiteurs insolvables… Il suffit de penser à nos parents et à ceux qui nous ont permis de grandir et de vivre jusqu’à ce jour…
Voilà pourquoi, sans se perdre dans la forêt des lois cultuelles (celles du culte religieux) de la loi de Moïse, Jésus recentre la question du scribe à propos du « premier de tous les commandements » sur l’amour de Dieu et du prochain avec les caractéristiques propres de chacun de ces amours. Le scribe ayant acquiescé, Jésus lui fait comprendre qu’il est sur la bonne voie… mais seulement en chemin dans la bonne direction… pas encore parvenu à la vraie porte d’entrée du Royaume… Il faut ce dépassement, malgré la bonté foncière du Décalogue…
Toute la Loi et les Prophètes attendaient ce dépassement. Le feu était là dans la braise sous les cendres. Un vent nouveau devait souffler pour qu’il se réveille et embrase les cœurs… Qui donnera au jeune homme riche observant la loi de Moïse depuis son enfance d’aimer Dieu plus que les biens qui assurent sa sécurité et d’aimer les pauvres plus que bon bien-être et sa zone de confort? Qui donnera aux époux de s’aimer indissolublement si la dureté de cœur occasionne des ressentiments mortels? Qui donnera aux disciples de ne pas chercher la première place pour dominer mais la meilleure place pour servir?
Qui fera sortir la religion du cercle vicieux religieux où l’irruption de l’inouï de Dieu surprend et dérange au lieu d’émerveiller et de transformer les cœurs?
Qui donnera aux juifs le signe par excellence et aux grecs la sagesse authentique? Ce sera le Christ-Crucifié, puissance et sagesse de Dieu! Preuve que Dieu est aimable et aimé par-dessus tout… Preuve que l’autre peut être aimé et pardonné même dans sa déchéance la plus abjecte, trahir l’ami ou scandaliser le petit…
C’est le Christ Crucifié-Ressuscité qui nous ouvre la porte du Royaume comme il l’a fait pour le bon larron en lui promettant le Paradis pour aujourd’hui…
La loi naturelle ne peut être vécue que si l’homme est porté par une grâce surnaturelle, par un amour divin et par un Esprit Paraclet… Loi ancienne de l’amour qui ne s’accomplit que dans la loi nouvelle de la grâce! Ainsi seule la grâce humanise pleine l’homme. La grâce? La correspondance au regard d’amour de Dieu posé sur nous en Jésus, le vivant! Plein de grâce et de vérité, il devient le Prêtre qui officie en dehors du temple de Jérusalem dont le voile est déchiré devant l’absolue authenticité de son humanité totalement prise dans l’élan d’amour divin. Il est à lui tout seul, la Loi et les Prophètes et la Sagesse, le Temple, le Prêtre, l’Autel et la Victime… »Une fois pour toutes! En s’offrant lui-même! »
Il nous introduit au cœur brulant d’amour de Dieu et nous y fait reposer… « parce qu’il demeure pour l’éternité, possède un sacerdoce qui ne passe pas. C’est pourquoi il est capable de sauver d’une manière définitive ceux qui par lui s’avancent vers Dieu, car il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur. »
Ah! Si nous pouvions être du nombre de ceux-là qui s’avancent par lui vers Dieu…! Si nous pouvions non seulement nous approcher du Royaume du Prêtre éternel mais y entrer aujourd’hui! Mais qu’est-ce qui nous retient?
Bon dimanche!
7 novembre 2021, 32ème dimanche TO B
Bon dimanche du peu qui est le tout…au-delà des apparences…
L’obole de la veuve serait passée inaperçue comme tant d’autres et tant d’autres fois, si le regard de Celui à qui l’offrande était faite n’avait pas rejoint les plus petits dans les yeux du Rabbi de Nazareth et si sa Parole toute-puissante et créatrice ne résonnait pas dans la voix de cet homme qui a parlé comme aucun autre homme n’a parlé (« Jamais homme n’a parlé comme cela ! » diront les gardes envoyés pour l’arrêter, Jn 7,46). Elle était pauvre, elle était veuve, probablement vieille et ne comptait vraiment pas aux yeux du monde qui ne s’intéresse qu’aux « vêtements d’apparat, aux salutations sur les places publiques, aux sièges d’honneur dans les synagogues, aux places d’honneur dans les dîners », mais surtout et c’est cela le plus grave, ce sont eux qui « dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, font de longues prières »… Alors comment auraient-ils pu considérer le poids et la valeur immense de l’offrande de l’une des appauvries par leurs manœuvres judiciaires?
Seul le regard de la Vérité peut comprendre en profondeur le mensonge ignoble de ceux qui prennent sur leur superflu pour se faire voir et déclarer qu’ils seront d’autant plus sévèrement jugés.
Car précisément ils seront jugés par celui qui s’est fait pauvre afin de nous enrichir de sa pauvreté, celui qui, de condition divine n’a pas gardé pour lui-même sa divinité mais a voulu la partager avec nous en assumant notre humanité dans la situation du dernier, du paria, de l’esclave, de l’intouchable…
Ce qu’il a vu dans l’Évangile d’aujourd’hui devrait guérir complètement notre propre regard sur les autres: « Cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre ».
La veuve de Sarepta, a fait de même en accueillant prophète Élie dans un acte de foi éperdue (1 R 17, 10-16). Et comme l’a dit Jésus: « Qui accueille un prophète en tant que prophète recevra une récompense de prophète, et qui accueille un juste en tant que juste recevra une récompense de juste. Quiconque donnera à boire, ne serait-ce qu’un verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense » (Mt 10,41-42). Le peu est beaucoup… est énorme, est immense et infini… exprimant le trop plein d’amour de Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces…
Au jeune homme riche qui voulait avoir aussi le ciel, le bonheur, la joie parfaite, Jésus a indiqué comment l’acheter: en donnant ses biens aux pauvres…et en le suivant, lui, le Bon Maître: Le tout est rien… devant la plénitude qui nous attire… et donne sens à notre existence…
Chaque fois que des baptisés (disons, des chrétiens…) oublient cela, Mammon prend la place de Dieu et il se fait payer cher, très cher, trop cher: pourrissement du cœur de l’homme, manipulation et destruction des faibles et des petits… endurcissement mortel des forts et des riches… Si le sel perd sa saveur…
Il est intéressant de constater comment le protestantisme né, apparemment, d’une lutte contre la vente des indulgences, donc contre la simonie, soit revenu dans les sectes américaines à la dîme de l’Ancien Testament… Alors qu’en réalité le Christ ne demande pas la dîme, le dixième, mais le tout… simplement… Le tout de ce que nous avons, mais surtout le tout de ce que nous sommes…
Au cours de l’histoire de l’Eglise, de temps à autre, des lampes témoins se sont allumées pour le rappeler à tous, Benoît de Nurcie, François et Claire d’Assise, Vincent de Paul, Pierre Claver… Simples rappels de l’essentiel de la Kénose qui fait du don total du Christ, une fois pour toutes la mesure de notre amour… pour toujours…
À Celui qui nous a tout donné, nous ne saurions offrir moins que le tout… comme une obole… pour une indulgence plénière…
14 novembre 2021, 33ème dimanche TO B
Bon dimanche de l’achèvement coûte que coûte…nul ne sait quand…
Pendant des millénaires, l’intelligence de l’homme a eu du mal à admettre la contingence radicale, le caractère absolument éphémère de l’univers. Elle s’est console en imaginant un processus cyclique de destruction et de restauration pour l’univers et une forme de survivance, de transmigration ou de réincarnation pour les âmes des hommes. Autrement l’existence serait vraiment une absurdité, une « passion inutile » dirait un autre dans un autre contexte. En tout cas cette absurdité insensée ne semblait pas correspondre au monde qui révèle en tout point un ordre (cosmos disaient les grecs) et pas le chaos.
L’idée d’un commencement absolu de l’univers et de chaque être humain, tout comme celle de l’achèvement final comme un projet unique et unitaire n’a pu s’affirmer et s’imposer réellement que dans la mouvance du monothéisme absolu d’Israël.
C’est donc une lumière venue de la foi en la création ex nihilo par un Créateur transcendant absolument tout l’ordre du créé qui a permis de se rendre compte de l’unicité absolue de l’histoire de l’univers et de chaque être humain en fonction d’un « intelligent and loving design ». Donc en fonction d’une relation d’amour qui fait de chaque personne un absolu contingent tendu vers l’éternité d’une rencontre.
Du big bang des savants contemporains à la mort de notre étoile (le soleil n’ayant plus qu’environ 5,5 milliards d’années à vivre) il se produit une étonnante convergence entre les prévisions scientifiques et les affirmations de la révélation judéo-chrétienne… Nul ne sait exactement la date de l’explosion de notre petite étoile qu’est le soleil, mais il n’y a aucun doute sur le fait que les formes actuelles de vie sur terre auront disparues longtemps avant… Ainsi, la fin du monde, de notre monde et de notre système solaire actuel, n’est plus une supposition inventée pour faire peur aux gens et les pousser à croire à d’autres balivernes… C’est une évidence scientifique…
Pourtant, avec la certitude de la finalisation de l’univers, la foi chrétienne a hérité aussi de l’idée de résurrection de la chair, en fonction de la toute puissance du Créateur, là il n’y a plus de place pour la science et les calculs mathématiques… Heureusement que l’être humain n’est pas seulement du numérique! Il est aussi rencontre, amour et fidélité…donc éternité…
On peut toujours considérer certaines affirmations comme des métaphores rhétoriques ou de l’opium pour le peuple à aliéner, comme par exemple le cri du livre de Daniel dans la première lecture d’aujourd’hui qui nous apprend qu’il y a d’autres formes de vie que l’intelligence et l’amour du Créateur a mises en place: celle des anges (il nous parle de l’archange Michel) et celle des ressuscités, ceux s’éveilleront après le temps final de détresse.
La foi en la résurrection et en la rétribution des justes qui a soutenu Job dans sa souffrance (Jb 19, 25-27) et les Macchabées dans leur lutte pour garder la foi de leur pères (2 Mac 7) pourrait demeurer un vœu pieux et une exagération qui éloignerait de la solidité de la « realpolitik » des Sadducéens qui n’y croyaient pas (Lc 20, 27-38; Ac 23, 6-8).
D’ailleurs c’est à l’occasion d’une des controverses sur le sujet que Jésus offrira une lumière surprenante sur l’au-delà, les anges, la résurrection et la l’immortalité de la personne humaine pour Dieu et en Dieu, ce qui explique aussi sa manière d’aborder la mort et d’annoncer sa propre résurrection: « Les fils de ce monde-ci prennent femme ou mari; mais ceux qui auront été jugés dignes d’avoir part à ce monde-là et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari ; aussi bien ne peuvent-ils plus mourir, car ils sont pareils aux anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. Et que les morts ressuscitent, Moïse aussi l’a donné à entendre dans le passage du Buisson quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Or il n’est pas un Dieu de morts, mais de vivants ; tous en effet vivent pour lui. » (Lc 20, 34-38).
Voici une vérité de foi qui ne pourra pas devenir une évidence scientifique (malgré le Saint Suaire!). Seule la résurrection du Christ nous en donne la garantie. Encore faudrait-il avoir la grâce d’y croire… ou du moins s’ouvrir humblement à cette grâce…par le témoignage des chrétiens authentiques (il faudrait en rencontrer!)…
Mais cette vérité permet d’avoir une attitude toute différente par rapport à la vie sur terre; différente du « carpe diem » des hédonistes du consumérisme au risque d’écraser les autres qui n’ont pas de poids sur le marché; différente de la course vers les étoiles à la recherche d’une autre planète des savants de la NASA au risque d’y investir toutes les ressources qui pourraient permettre de rendre de plus en plus vivable la vie des plus faibles sur terre, différente de ce mépris des plus petits qui fait utiliser n’importe quel moyen de manipulation pour arriver à nos fins…
Une autre vision nous vient de la certitude de la fin du monde et de la résurrection du Christ: 1) l’histoire humaine arrivera à un achèvement ici-bas que nous le voulions ou non; 2) une autre forme de vie nous est proposée au-delà de la mort; 3) ce que nous faisons aux autres n’est pas sans conséquence sur l’ici et l’après; 4) rien à craindre pour notre traversée personnelle et l’achèvement du projet terrestre, pas de peur ni d’affolement, il faut bien enlever les étais pour voir la construction finale; 5) il nous suffit d’avoir construit correctement sur le fondement posé: ce que tu fais au plus petit c’est au Christ que tu le fais… quelle que soit l’heure, quel que soit le jour de son retour, pour « mettre ses ennemis sous ses pieds », accueille son pardon offert dans « son unique offrande » et laisse-toi mener « pour toujours à ta perfection » en étant de « ceux qu’il sanctifie ». Alors nous pourrons « tenir debout devant le Fils de l’homme » et « briller comme les étoiles pour toujours et à jamais »… Formidable! Construisons la fin! Vienne l’achèvement! Goûtons dès maintenant à la vie en plénitude dans le regard du plus petit qui s’illumine pour un sourire… Cela vaut plus que cent soleils, plus que tous les soleils de l’univers..
21 novembre 2021, 34ème dimanche TO B
Bonne fête du seul Roi qui ne soit pas de pacotille… car il l’est vraiment!
Mon Royaume n’est pas de ce monde et n’utilise pas les méthodes de ce monde…
Tous ceux qui considèrent comme le Christ que leur royaume n’est pas de ce monde, doivent se préparer à monter sur la croix pour y être crucifiés et entrer ainsi en Paradis. Il n’y a pas d’autre chemin, d’autre échelle du Paradis que d’ouvrir les bras pour se laisser fixer sur la croix de la « galère du saint amour où nous sommes tous volontaires » et où personne ne peut forcer qui que ce soit à monter. C’est Saint François de Sales dont nous célébrons bientôt le quatrième centenaire de la mort (28 décembre 1622) qui aimait invitait à nous efforcer de faire « tout par amour, rien par force. Dans la galère du saint amour – disait-il encore selon l’évêque de Belley,– il n’y a pas de forçats, tous les rameurs sont volontaires ».
Quant à ceux qui préfèrent que leur royaume soit de ce monde avec les moyens de pouvoir du monde qui glissent facilement vers la loi du plus fort de la jungle, malheureusement eux aussi doivent monter sur la croix qu’ils ont préparée pour les autres – comme Aman pendu au gibet préparé pour Mardochée au livre d’Esther – ou mourir comme l’autre larron en blasphémant le roi de l’univers méconnaissable sur la croix.
Il n’y a pas d’autre voie (« tertium non datur »), il faut monter sur la balance de la croix et passer au creuset de l’amour vrai pour que soient dévoilées les pensées de bien des cœurs devant le roi d’amour, de vérité qui libère, de paix profonde et de miséricorde infinie. Le règne de Dieu est au-dedans de nous… Régnons avec lui en prêtres, rois et prophètes sachant que le jugement sera sans miséricorde pour celui qui n’aura pas fait miséricorde, pour celui qui n’aura pas eu pitié de ses frères les plus vulnérables…
Je vous laisse pour approfondir la Parole de Dieu pour cette fête le texte d’Origère, Père de l’Eglise, proposé pour l’Office des lectures:
TRAITÉ D’ORIGÈNE SUR LA PRIÈRE
« Que ton règne vienne »
Comme l’a dit notre Seigneur et Sauveur, le règne de Dieu vient sans qu’on puisse le remarquer. On ne dira pas : Le voilà, il est ici, ou bien : Il est là. Car voilà que le règne de Dieu est au-dedans de vous. Et en effet, elle est tout près de nous, cette Parole, elle est dans notre bouche et dans notre cœur. En ce cas, il est évident que celui qui prie pour que vienne le règne de Dieu a raison de prier pour que ce règne de Dieu germe, porte du fruit et s’accomplisse en lui. Chez tous les saints en lesquels Dieu règne et qui obéissent à ses lois spirituelles, il habite comme dans une cité bien organisée : Père est présent en lui et le Christ règne avec le Père dans cette âme parfaite, selon sa parole : Nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui.
Le règne de Dieu qui est en nous, alors que nous progressons toujours, parviendra à sa perfection lorsque la parole l’Apôtre s’accomplira : le Christ, après avoir soumis ses ennemis, remettra son pouvoir royal à Dieu le Père afin que Dieu soit tout en tous. C’est pourquoi, priant sans cesse et avec des dispositions divinisées par le Verbe, nous disons : Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton Règne vienne.
À propos du règne de Dieu, il faut encore remarquer ceci : Comme il n’y a pas d’union entre la justice et l’impiété, entre la lumière et les ténèbres, entre le Christ et Bélial, le règne du péché est inconciliable avec le règne de Dieu. Si donc nous voulons que Dieu règne sur nous, que jamais le péché ne règne dans notre corps mortel. Mais faisons mourir nos membres qui appartiennent à la terre, et portons les fruits de l’Esprit. Ainsi, comme dans un paradis spirituel, le Seigneur se promènera en nous, régnant seul sur nous, avec son Christ. Celui-ci trônera en nous, à la droite de la puissance spirituelle, que nous désirons recevoir, jusqu’à ce que tous ses ennemis qui sont en nous deviennent l’escabeau de ses pieds, et que soit chassée loin de nous toute principauté, puissance et souveraineté.
Tout cela peut arriver en chacun de nous jusqu’à ce que soit détruit le dernier ennemi, la mort, et que le Christ dise en nous : Mort, où est ton dard venimeux ? Enfer, où est ta victoire ? Dès maintenant donc, que ce qui est périssable en nous devienne saint et impérissable ; que ce qui est mortel après la destruction, revête l’immortalité du Père. Ainsi Dieu régnera sur nous et nous serons déjà dans le bonheur de la nouvelle naissance et de la résurrection.
RÉPONS
Amour qui nous attends
au terme de l’histoire,
ton Royaume s’ébauche à l’ombre de la croix ;
déjà sa lumière traverse nos vies.
Jésus, Seigneur, hâte le temps !
Reviens, achève ton œuvre !
R/ Quand verrons-nous ta gloire
transformer l’univers ?
Jusqu’à ce jour, nous le savons,
la création gémit
en travail d’enfantement.
Nous attendons les cieux nouveaux,
la terre nouvelle,
où régnera la justice.
Nous cheminons dans la foi,
non dans la claire vision,
jusqu’à l’heure de ton retour.
28 novembre 2021, 1er dimanche de l'Avent
Bonne nouvelle année liturgique : il est venu, il viendra, il est là…
Le germe de David viendra, germe de justice, c’est-à-dire l’ajustement de tout à l’amour de Dieu pour le plus petit et le plus faible, selon sa volonté…
La promesse messianique soutient et sous-tend la foi monothéiste d’Israël. Mais l’accomplissement de cette promesse dépasse les attentes de ce peuple et de tous les peuples. L’ordre de la nature et l’ordre de la justice voulues par Dieu et s’imbriquant réciproquement dans sa création, donnant un sens au mal et à la souffrance, donc au mal naturel, au mal moral, à la peine et à la souffrance, seront complètement dépassés par l’ordre de la grâce où ils trouveront leur signification ultime… Si la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité nous sont venues par Jésus Christ.
C’est dans la profondeur d’une relation définitive et renouvelée avec Dieu que tout trouve sa vraie valeur, sa vraie forme et sa place exacte en s’ajustant pleinement au jugement, au décret créateur qui l’a posé dans l’existence.
Enseigne-moi tes voies, Seigneur : amour et vérité, pour que je marche humblement sur le chemin de ta justice.
L’attente du Messie est la forme concrète que prend le sens de la création et de l’histoire en Israël dans une perspective d’accomplissement et d’achèvement par le dépassement dans une nouvelle création fruit de la grâce : déborder d’amour pour tous à cause du Seigneur ; vivre dans la vérité à cause du Christ. C’est cela la nouveauté en germe sous le soleil. C’est la sainteté à laquelle nous sommes appelés.
Voilà ce qui nous donne aussi la paix profonde et l’assurance dans l’espérance tandis que le monde est bouleversé et que nous ne voyons pas d’issue ou de solution immédiate…
Puisque tout est en décomposition, que l’affolement et l’angoisse s’emparent des nations devant une nature qui se désagrège inexorablement et une vie d’éphémères illusions, c’est le moment pour ceux qui croient au Ressuscité de se relever et de tenir au coeur des ruines qui s’annoncent leur devoir de louange et de service…
Travailler et se tempérer en restant sobres et vigilants pour que ne coeurs ne s’engourdissent pas et ne soient pas pris d’effroi devant celui qui vient: notre chemin, notre vérité, notre vie, notre amour:
« Restez éveillés et priez en tout temps: ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme! »
Notre référent c’est le Ressuscité qui nous raffermit et nous console aux jours d’angoisse, sachant que tout ces souffrances absurdes et ce gaspillage de vies humaines et des richesses que nous constatons au quotidien, n’est pas le dernier mot de l’histoire… Si nous avons mis notre espérance en Dieu pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes.
Notre assurance c’est qu’il est venu, qu’il vient encore, qu’il est là… Dieu tient toujours ses promesses… Il les réalise selon son intelligence souveraine, pas selon ce que nous pourrions imaginer.
Sa tendresse pour les plus faibles et les petits qui mettent leur espérance et leur foi en lui, dépasse notre entendement dans cette patience et patiente gestation à travers lesquelles il conduit le monde en ne voulant pas qu’un seul de ces petits se perde pour l’éternité…
Étonnant amour de notre Dieu qui nous émerveillera à Noël en contemplant l’inouï de l’incarnation et qui nous éblouira lors du retour du celui qui a assumé notre condition d’homme en toute chose jusqu’à la mort de l’esclave, semblable à nous, aux plus faibles, en toute chose, sauf le péché, ce dernier déchet toxique non recyclable de notre fermeture d’esprit et de coeur…
Étonnant amour du temps de la patience de Dieu pour notre conversion et notre salut!
Pas de panique: redressez-vous, relevez la tête, soyez sobres et vigilants dans la prière, car votre rédemption approche !
Bonne nouvelle année liturgique !
5 décembre 2021, 2ème dimanche de l'Avent
Bon dimanche de la « Paix-de-la-justice » et de la « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu » des appauvris…
« Discerner ce qui est important », tandis que les événements du monde se déroulent comme à l’ordinaire de la loi de la jungle, « business as usual »… la raison du plus fort étant la meilleure… et ce sont eux qui semblent mener ou permettre l’action de ce que certains appellent « la main invisible »[1] qui réglementerait le marché et les pouvoirs de ce monde, mais probablement c’est le contraire… En tout cas aujourd’hui saint Luc nous présente les autorités qui menaient le monde politique et religieux du basin de la méditerranée, de la Palestine de la religion en Israël au temps de Jésus: « L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode étant alors au pouvoir en Galilée, son frère Philippe dans le pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias en Abilène, les grands prêtres étant Hanne et Caïphe… »
Cette précision historique n’est pas sans intérêt, au contraire! Elle nous apprend que le cours de l’histoire humaine n’est pas indifférent au cours providentiel du projet de salut de Dieu. C’est au cœur même de cette histoire que se produit l’inouï de l’irruption d’une parole qui déjoue tous les plans des hommes qui ne pensent qu’à asservir les autres pour garantir leur bien-être en n’apprenant jamais la leçon que l’histoire ne cesse de donner et que la Vierge Marie a résumée dans le chant du Magnificat (Lc 1,51-54): « Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour ».
C’est-à-dire que quand les hommes pensent avoir établi et assuré leur pouvoir, quand ils pensent avoir réussi à contrôler et manipuler les masses à leur avantage… il reste toujours au cœur de l’homme, même le plus aliéné, une aspiration qui dépasse la résignation à l’esclavage à cause des « oignons d’Égypte », un appel et une certitude que ce qui donne le sens de l’humain ne se réduit pas aux « nourritures terrestres »… Les « pauvres du Seigneur », le « petit reste d’Israël » qui ne pouvait mettre son espérance dans les pouvoirs aussi fugaces que destructeurs des hommes a été attentif à l’irruption de cette parole déjouant les plans dominateurs de ce monde, car ils ne pouvaient douter que la miséricorde de Dieu « s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent »… La crainte de Dieu, commencement de la sagesse est ouverture du cœur qui permet de « discerner ce qui est important » et que les puissants de ce monde, les forts, les savants, ne peuvent deviner. Eux qui se contentent de leur perception superficielle de l’histoire et de leur intelligence spécialisée dans la défense de leurs intérêts immédiats, ne peuvent voir « l’essentiel invisible pour les yeux » dont ils ne peuvent pourtant pas éliminer la soif au fond d’eux-mêmes.
Jean qui s’est mis à baptiser près du Jourdain fait partie de ce petit reste qui garde confiance en l’infinie dignité de l’homme et en la fidélité absolue de leur Créateur et de ses promesses, sans lesquelles leur existence serait d’une absurdité incroyable. C’est l’attente messianique…
Alors saint Luc nous dit tout simplement qu’au moment précis de l’histoire qu’il vient de situer, « la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie »…
Quel dépouillement a-t-il vécu dans les déserts où le place saint Luc après sa naissance (Lc 1,80), quel décapage a-t-il subi intérieurement pour se libérer des séductions du monde et pour demeurer libre au point que sa parole de feu devint écho fidèle d’une autre parole coulant d’une source prophétique qui exigeait une stricte fidélité à l’Alliance mais dans la ligne d’une exigence bien différente de celle des Pharisiens, des Sadducéens et autres groupes qui gravitaient autour du temple de Jérusalem où le culte de Dieu était devenu un commerce bien lucratif…
Cette voix qui crie dans le désert ramenait les fils d’Israël à l’exigence d’un regard de pitié et de compassion, de miséricorde et de tendresse pour leurs frères et sœurs opprimés et découragés soit sur le plan religieux, soit sur le plan socio-politique et économique… Un regard d’amour sur le prochain signifié par l’ablution rituelle qui préparait le chemin au Seigneur pour qu’un jour « toute chair voie le salut de Dieu » selon un feu purificateur dans lequel l’Esprit du Seigneur lui-même les plongerait…
Selon ce que prévoyait déjà le prophèt Baruc, une joie va éclater pour les pauvres gisant dans la tristesse et la misère, le découragement et l’angoisse d’un avenir incertain, elle proviendra d’une parole du Seigneur qui changera le nom de son peuple pour l’appeler « Paix-de-la-justice » et « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu », probablement parce qu’il avait bien expérimenté le fruit amer de la « Guerre-qu’est-l’injustice » et de la « Vanité-de-l’impiété-qui-se-détourne-de-Dieu ».
Voici donc la Bonne nouvelle selon Jean-Baptiste que nous entendrons dans l’Évangile de dimanche prochain:
– Si tu as deux vêtements, partage avec celui qui n’en a pas… et tous en auront…
– Si tu as de quoi manger, partage avec celui qui n’en a pas… et tout seront rassasiés…
– Si tu recueille des taxes n’exige rien de plus que ce qui est fixé… et la corruption disparaîtra…
– Si tu es soldat, ne fais ni violence ni tort à personne et ne laisse pas l’appât du gain t’aveugler… et tous vivront en sécurité, surtout les plus faibles et les plus pauvres…
Voici ce que la « main invisible d’Adam Smith » ne pourrait garantir… Ce n’est pas le « business as usual »… C’est l’irruption d’une force d’en-haut dans le cœur de ceux qui craignent Dieu et pour cela veulent du bien à tous ses enfants. Alors une parole de vérité et de liberté surgit au plus profond de leur être au cœur même de leur déréliction…
Nous sera-t-il donné d’écouter cette voix qui retentit dans nos déserts pour que nous puissions « discerner ce qui est important » pour que nous soyons « purs et irréprochables pour le jour du Christ, comblés du fruit de la justice qui s’obtient par Jésus Christ (le salut de Dieu promis et réalisé), pour la gloire et la louange de Dieu »?
12 décembre 2021, 3ème dimanche de l'Avent
Bon dimanche de la bonne nouvelle selon s. Jean Baptiste…
La réponse de Jean le baptiseur à ceux qui lui demandaient ce qu’ils devaient faire en plus et à cause de l’ablution rituelle, c’est déjà le seuil du Royaume de Dieu…
Les promesses enveloppées d’obscurité des prophètes semblent arriver à un tournant de réalisation qui est une certitude lumineuse comme l’aurore avant le jour…
L’espérance donnée aux pauvres et aux petits fait vibrer l’air d’une façon nouvelle…
La certitude que le dernier mot est à la joie, à la vie, à l’amour, à une signification définitive, donne un élan nouveau… Mais il est clair aussi que tout passe par un grand remue-ménage dans le cœur de chacun.
Ce que Jean Baptiste annonçait, ce que Jésus reprendra avec un accent nouveau, ce Royaume imminent de Dieu, ne vient pas comme un tour de passe-passe, un spectacle qui serait devant nous mais pas en nous… Absolument pas!
Ce dont il s’agit doit sortir du cœur de l’homme, de l’intelligence et de la volonté de chacun illuminés par la rencontre d’un amour… Évidemment il faut cette rencontre, ce coup de pouce de la grâce, cette intervention extraordinaire du Créateur dans la vie de sa créature pour la recréer, la ressusciter de la torpeur de mort qui la tenait paralysée…
Alors l’affirmation de s. Augustin nous revient à l’esprit pour nous offrir une clé d’interprétation correcte: « Qui fecit te sine te, non te iustificat sine te. Ergo fecit nescientem, iustificat volentem » (s. Augustin, Sermo 169, c. 11, n. 13, PL 38, 923). « Celui qui t’a créé sans toi, ne te justifie pas, ne se sauve pas sans toi. Donc il fait sans que tu le saches, mais il justifie celui qui le veut »…
L’amour infini qu’est Dieu, le respect infini qu’est Dieu pour la grandeur de ce qu’il nous donne d’être et de pouvoir devenir fait qu’il ne peut que nous inviter à être et nous donner d’être dès maintenant ce que nous désirons: paix, joie, amour, don de soi, confiance et ouverture du cœur… C’est cela le Royaume de Dieu, le salut de l’homme, la plénitude de vie et de vérité que nous devons devenir dans la charité.
Car c’est à l’intérieur d’un tissu de relations que la transformation se réalisera en nous, ce changement de notre regard sur les autres et sur nous-mêmes. Dieu ne peut nous sauver sans nous, Dieu ne peut sauver les autres sans nous, et il veut commencer par les plus petits et les plus faibles…
Pour cela il nous faut ce que Jean Baptiste promettait et pour lequel il préparait la route: le feu de l’Esprit, le cautère qui purifie, la grâce en abondance, les dons de l’Esprit pour nous et les charismes pour les autres… Fruits de l’Esprit à profusion: amour, joie, paix; patience (longanimité), serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi (Gal 5, 22-23); « contre de telles choses il n’y a pas de loi », car elles jaillissent du profond de soi… C’est le Royaume de Dieu en nous! Oh, attention! Il y a aussi les fruits amers de l’anti-christ proposés par le monde comme poison pour nous enivrer et nous détruire: « fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions, sentiments d’envie, orgies, ripailles et choses semblables – et je vous préviens, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui commettent ces fautes-là n’hériteront pas du Royaume de Dieu » (Gal 5, 19-21).
Alors faisons attention! Procurons-nous le vrai « Cadeau de Noël »! Fruit de l’arbre de Vie enfin disponibles, non pas dans les marchés ou supermarchés, mais dans le cœur de tous ceux qui le veulent bien et accueillent un petit au nom de Dieu…partageant le peu qu’ils ont…
Noël est à nos portes pour nous rappeler que depuis Nazareth, depuis Bethléem, depuis le oui de Marie et l’ascèse rigoureuse de Jean Baptiste, ce que nous désirons est là à notre portée. Un « Oui » et un « Amen » de notre part et le Royaume de Dieu est au-dedans de nous, la paix que le monde ne peut ni donner ni enlever fait sa demeure en nous. Le bonheur, le ciel, le paradis n’est pas ailleurs, il est autrement…
Là où l’on veut nous saouler et nous droguer pour nous transformer en carburant d’un système aussi hideux, menteur que meurtrier, une flamme s’allume, un baume soulage nos meurtrissures et un collyre ouvre nos yeux… Celui qui t’a fait sans toi ne veut pas, ne peut pas vouloir te sauver sans toi…
Il suffit de penser pour s’en émerveiller que Dieu qui a pu tout faire de rien, n’a pas voulu refaire sans Marie sa création déchue comme s’exclame s. Anselme.[1]
Il suffit de penser pour rendre grâce que les Sacrements qui nous donnent la grâce de Dieu ne le font que si nous ne mettons pas d’obstacle. La grâce de Dieu est donnée par l’action réalisée en son nom (ex opere operato) en ceux qui ne mettent pas d’obstacle (non ponentibus obicem)… L’intention du ministre de faire ce que fait l’Église, l’attitude du sujet qui désire obéir dans la foi au Christ en ne mettant pas d’obstacle (fermeture du péché et de la mauvaise volonté), ne sont pas secondaires pour le Royaume de la vérité, de l’amour et de la liberté.
D’où la question posée par les gens à Jean Baptiste et sa réponse d’une concrétude absolue qui force à faire la vérité.
– Si tu as deux vêtements, partage avec celui qui n’en a pas… et tous en auront…
– Si tu as de quoi manger, partage avec celui qui n’en a pas… et tout seront rassasiés…
– Si tu recueilles des taxes n’exige rien de plus que ce qui est fixé… et la corruption disparaîtra…
– Si tu es soldat, ne fais ni violence ni tort à personne et ne laisse pas l’appât du gain t’aveugler… et tous vivront en sécurité, surtout les plus faibles et les plus pauvres…
Il faut l’ablution rituelle prévue par la loi de Moïse, mais il faut surtout un comportement qui montre les fruits d’une conversion, d’une pénitence vraie, pour que le Royaume arrive et que la Messie qui était venu, revienne… Si nous oeuvrons sur la charité, la force pour le faire nous vient de la source même de l’amour, de la joie, de la paix: Deus caritas est in veritate! Gaudete! De la vraie joie…
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[1]« Dieu a donné son Fils, fruit unique de son cœur, qui était son égal et qu’il aimait comme lui-même : il l’a donné à Marie, et, du sein de Marie, il en fait son Fils, non pas quelqu’un d’autre, mais le même en personne, de sorte qu’il est par sa nature le même Fils unique de Dieu et de Marie. Toute la création est l’œuvre de Dieu, et Dieu est né de Marie ! Dieu a tout créé, et Marie a enfanté Dieu ! Dieu qui a tout formé, s’est formé lui-même du sein de Marie, et ainsi il a refait tout ce qu’il avait fait. Lui qui a pu tout faire de rien, n’a pas voulu refaire sans Marie sa création détruite. Dieu est donc le Père de toutes les choses créées, et Marie la mère de toutes les choses recréées. Dieu est le Père de la création universelle, et Marie la mère de la rédemption universelle. Car Dieu a engendré celui par qui tout a été fait, et Marie a enfanté celui par qui tout a été sauvé. Dieu a engendré celui sans qui absolument rien n’existe, et Marie a enfanté celui sans qui absolument rien n’est bon. Oui, le Seigneur est vraiment avec toi : il t’a fait un don tel que la nature entière t’est grandement redevable, à toi, en même temps qu’à lui » (Saint Anselme)
19 décembre 2021, 4ème dimanche de l'Avent
Bon dimanche de la danse intra-utérine des bébés…que nous sommes…
« Il est né le divin enfant…
Chantons tous son avènement! »
Mieux encore, chantons et vivons de façon que s’accomplisse en nous et par nous les deux avènements que le premier « avent » (adventum = avènement) a mis en branle…
Pour chacun de ces trois avènements il faut une patiente gestation au bain-Marie, car « Dieu qui a tout fait de rien n’a pas voulu refaire sans Marie sa création déchue », comme le disait saint Anselme.
Le premier avent-avènement elle l’a vécu dans l’intimité unique de son cœur, mais n’a pas pu tromper ceux qui vivent de l’intérieur, attentifs au passage et à la visite toujours surprenante de Dieu: le petit Jean-Baptiste au début de son septième mois dans le sein d’Élisabeth a voltigé de joie à l’approche de son cousin dans le sein de Marie, et l’Esprit-Saint responsable de tout le réseau de communication GPFS (Grandeur du Père et du Fils et l’Esprit = Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto) qui est communion vraie et constitutive a rempli les mamans…
Ce premier avènement de Nazareth au Cénacle en passant par Béthléem, le Golgota et le matin de Pâques a transformé le cœur d’une vierge qui voulait le rester en vue d’une maternité de nouvelle Ève pour tous les vrais vivants… « Femme voici ton fils! »
Le deuxième avent-avènement, Marie l’a vécu au Cénacle en prière avec les Apôtres quand l’Église, Épouse et Corps de son Fils, une seule chair avec Lui vient à la lumière… A ce moment-là chaque baptisé, chaque cœur qui s’ouvre à l’Esprit et se laisse féconder dans la foi produit des fruits qui font de lui un frère, une sœur, une mère du Christ, une matrice où le Verbe continue à se faire chair et à habiter parmi nous… Ce deuxième avènement-avent dure maintenant jusqu’à la fin des temps et c’est chaque croyant que Marie éduque à l’écoute, à la contemplation, à l’action et à l’accueil du mystère ineffable qui l’enveloppe… Dans ce deuxième avent nous comprenons jour après jour que celui qui nous a créés dans nous ne nous sauvera pas sans nous… Que les potentialités infinies de l’évangile qui fait passer l’homme à une nouvelle étape de son humanité ne sont pas encore déployées tant que les démons de ce monde auront le dessus et que la loi de la jungle exercera sa domination meurtrière puisque les petits ne sont pas considérés comme les plus grands… Avec le secours de Marie, prions et travaillons afin que le levain de l’évangile, la seule bonne nouvelle, fasse lever la pâte de l’humanité… Témoignons suffisamment que les petits et les plus faibles sont les préférés de Dieu et nous pourrons bondir de joie et tressaillir d’allégresse au passage de Dieu dans nos vies, l’Emmanuel dans le sein de Marie, Vierge et Mère, l’Emmanuel dans chaque Eucharistie de l’Église et dans chaque cœur ou corps meurtri soulagés avec tendresse au nom du Christ…
Au cours de ce deuxième avènement-avent nous constatons combien l’ennemi s’acharne contre le reste de la descendance de la femme qui lui écrase la tête: « Heureuse celle qui a cru à la parole qui lui fut dite de la part du Seigneur! »
Mystère de la foi! Bondissement de joie dans notre sein maternel actuel qu’est l’Eglise qui nous prépare à l’aurore du troisième avènement-parousie, accomplissement total: notre traversée vers la rencontre définitive et l’achèvement du projet créateur dans les cieux nouveaux et la terre nouvelle…
Mystère de l’Incarnation! Proximité inouïe du Créateur-Rédempteur! Le Fils consubstantiel au Père et à l’Esprit-Saint réalise sa première vertigineuse Kénose (anéantissement, abaissement, Ph 2,7-8) d’amour pour assumer notre nature humaine dans sa personne divine, puis il fait une deuxième Kénose en s’humiliant de la condition d’esclave à la mort de la croix, enfin il réalise chaque jour sa troisième Kénose par le mystère de l’Eucharistie où il incorpore chacun de nous dans son corps glorifié, exalté à la droite du Père… Ainsi tout le sacré, tout le désir de tension religieuse de l’homme est accompli, tous les sacrifices sont achevés et remplacés, lui et nous n’étant plus qu’un seul corps nous pouvons compléter ce qui manque à ses souffrances pour son corps qui est l’Église en y associant, en y incluant toute souffrance humaine que nous essayons de soulager pour faire la volonté du Père : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre ».
Dans le mystère de l’Incarnation et des Sacrements de l’Église, nous devenons un seul corps avec le Fils de Marie et une seule âme avec le Fils de Dieu. Elle devient ainsi la Mère du Christ total et nous enfants de Dieu à chaque communion vécue en état de grâce, c’est-à-dire dans la conformité à la volonté du Père pour que nous soyons saints et immaculés devant sa face dans l’amour. « Me voici, je suis venu pour faire ta volonté ». « Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes ».
Le troisième et dernier avènement-avent, ne se fera donc pas sans nous ni sans Marie, mais ce sera la récapitulation de toute la création qui gémit dans les douleurs d’un enfantement et qui attend la manifestation des fils de Dieu (Rm 8).
Dans le sein de Marie l’inouï commence et Jean-Baptiste le pressent, Elisabeth le proclame, Marie le chante par son Magnificat: joie du Royaume, les puissants sont renversés, les pauvres relevés, les riches sont dépourvus et les affamés rassasiés, l’espérance nous soulève… Dieu n’est pas ce que le Menteur faisait croire, lui-même se dévoile à nous dans l’humilité d’une crèche, un grotte où l’on gardait la paille de blé pour les animaux… De l’humilité de Bethléem sort celui qui est notre Paix…
Qu’il nous soit donné cette année en chantant Noël de ressentir le choc, le déclic qui fit sauter de joie Jean-Baptiste à cause de l’étonnante proximité de celui qui est Au-delà de tout… Que prenne en nos cœurs cette étincelle d’amour, ce feu que notre compagnon de patiente gestation est venu allumer sur la terre… Ainsi commencera notre véritable conformité à l’amour qui sera offrande et consécration de toute notre vie, jusqu’à ce que Marie nous enfante dans l’éternité… Bondissons de joie vers cette rencontre!
Joyeux Noël! Joyeuse Nativité du Christ en nous et par nous!
25 décembre 2021 La Nativité de Notre Seigneur
JOYEUX NOËL tout simplement…si l’inouï nous atteint…au détour du quotidien…
Toutes les lectures du jour de la Nativité du Seigneur, depuis la veille jusqu’au soir du 25 décembre nous parlent de l’éblouissement du mystère indicible du Verbe de Dieu fait chair dans l’histoire humaine, dans l’histoire d’un people, dans l’histoire singulière d’un couple où l’on se fait une confiance absolue parce qu’on partage une foi inébranlable, dans le « Oui » personnel d’une jeune fiancée docile à Dieu et la droiture de la conscience d’un époux juste parce que croyant au-delà des apparences et ne voulant pas profaner ce que sa fiancée vivait d’indicible…
Cela nous invite à nous laisser interroger et attire par le mystère de gloire enfoui dans une grotte, le don de la paix enfoui au fond du cœur des hommes « de bonne volonté », ceux qui aiment le Seigneur et sont aimés de lui: de simples bergers…
La grandeur du mystère nous oblige à un face à face avec Celui qui vient à notre rencontre: l’Emmanuel, Jésus… Seul le silence est grand devant l’amour qui submerge…
Nous essayons quand même de balbutier quelque chose pour partager un écho bien faible de ce qui résonne dans nos cœurs…
Il est surprenant de constater que Dieu éduque Israël son peuple par l’affinement de son sens du sacré s’appuyant désormais sur la foi en l’Unique, mais il offre le salut à son peuple et à tous les peuples en se dévoilant par le mystère du profane!
Et ce, pour que l’être humain ne soit plus profané au nom du sacré mais devienne la demeure du mystère ineffable.
La profanation de l’humain c’est la pire dégradation du sacré. Elle se produit à chaque fois que le mystère dont il est la demeure et auquel il est appelé, ou même destiné, est oublié et qu’il est traité ou maltraité comme un moyen et non comme une fin en soi, comme un objet e non commun sujet, comme un mécanisme manipulable et non comme un personne intangible.
Si le Fils de Dieu s’est fait fils de l’Homme, c’est pour que tout homme apprenne à se considérer comme fils de Dieu, lui aussi, et regarde l’autre à la même lumière. Pour qu’il apprenne à tout mesurer à l’aune d’un amour sauveur infini et traite soi-même et chacun en conséquence comme ce qu’il a de plus sacré.
À ce moment-là il n’y a plus de dichotomie, d’opposition, entre le sacré et le profane car c’est dans le profane que tout sacré authentique se vérifie et c’est dans cette authentification que le profane se découvre dans sa dimension d’absolu par où passe le Cœur de Dieu.
Peuple sacré, temps sacré, espace sacré, rites sacrés, objets sacrés, hiérarchie, gestes sacrés ou consacrés: les religions du monde ont exploré et exprimé toutes les expressions sacrales sans pouvoir en atteindre le sens plénier car il s’agissait d’une recherche du divin à mesure ou démesure d’homme ou d’une recherche humaine d’autoréalisation sans rapport avec un divin personnel…
Quand Dieu lui-même s’est fait homme, c’est l’annonce inouïe du christianisme, il a fait sauter toutes les imageries, approximations ou idoles de toutes les religions, pour venir à notre rencontre dans la simplicité d’une vie d’homme ou désormais « habite corporellement toute la plénitude de la divinité » (Col 2,9), c’est l’expérience bouleversante des Apôtres au jour de la Résurrection… Dévoilement d’un secret « resté caché depuis les siècles et les générations et qui maintenant vient d’être manifesté à ses saints :
Dieu a bien voulu leur faire connaître de quelle gloire est riche ce mystère chez les païens : c’est le Christ parmi vous ! L’espérance de la gloire ! » (Col 1,26-27)…
On ne s’y attendait pas, on ne l’aurait jamais imaginé ainsi: dévoilement bouleversant!
Dieu déroutant qui remet l’homme déraillant sur la route de son véritable itinéraire. Seul le Dieu vivant et vrai dévoilant son visage pouvait mener à son accomplissement le désir caché au cœur de tout homme et de toute religion tel que l’exprime le prophète Isaïe poétiquement: « Ah! si tu déchirais les cieux et descendais – devant ta face les montagnes seraient ébranlées » (Is 63, 18), il pensait aux prodiges de l’Exode…
Mais voici que la Parole toute puissante de Dieu est descendue, et si des montagnes ont fondu comme cire, ce sont les montagnes de nos constructions et projections et masques dont nous affublions Dieu, croyant qu’il s’agissait d’approximations correctes…
Si la mer voit et s’enfuit, c’est la mer mortifère de nos passions qui nous réduisent en esclavage (Ps 114,3)…
Dieu surprenant qui nous rejoint dans le vagissement ou le sourire d’un enfant, dans la souffrance indicible d’un agonisant crucifié qui aura le cœur transpercé… Dieu ineffable qui se dévoile dans le drap dégonflé, d’un tombeau vide ou dans la fraction du pain aux mains d’un compagnon de route à la tombée de la nuit… Dieu du quotidien où la Parole prend feu au cœur des frères de Jésus-Christ… Dieu profané au nom du sacré…
Dites-nous, Marie et Joseph, le mystère que vous avez bercé et qui vous a fait renaître!
26 décembre 2021 La Sainte Famille
Bonne fête de la Sainte Famille où chacun s’occupe des affaires du Père…
Dans l’émerveillement de la nuit et du jour de Noël, nous avons redécouvert la splendeur de notre condition d’homme assumée par notre Créateur, Parole devenue l’un de nous pour que nous devenions pleinement la parole de Dieu que nous sommes, c’est-à-dire ses fils et filles: chacun, expression unique de la créativité de Dieu, pas au nom d’une autosuffisance orgueilleuse, mais à cause de l’humble vérité que nous ne venons pas de nous-mêmes ou simplement du néant par hasard mais d’un projet d’amour éternel et vainqueur…
Le cri déchirant de s. Jean au prologue de son Evangile nous a émus devant la terrible situation qu’il devait constater: La lumière, le Verbe, « était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu». Mais en contraste, en pensant à la multitude des petits et des pauvres de cœur qui ont été plus loin que les apparences et ont reconnu Dieu profané dans le Crucifié mais dévoilé dans le Ressuscité, il pouvait affirmer aussi: «Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom». Étrange pouvoir que nous aurions imaginé bien autrement, mais pas comme un investissement de notre intelligence et de notre volonté pour que par nous la lumière vienne au monde. Être enfant de Dieu, serait-ce donc perdre tout pouvoir, vivre dans la douleur et la misère? Alors là on comprend pourquoi cela n’intéresse pas beaucoup de gens… Pourtant à bien regarder, les dépossédés, les malmenés et les souffre-douleur de la terre, le sont devenus à cause de ceux qui ont refusé d’être enfants de Dieu! A cause des assoiffés de pouvoir, avides de plaisir et fuyant tout sacrifice les enfants de Dieu sont malmenés et les autres pas plus heureux… Le menteur est vraiment à l’œuvre…pour que nos ténèbres nous aveuglent et nous empêchent de sortir de nos ténèbres… Ce monde n’est vraiment pas le Royaume de Dieu, même quand il semble nous offrir monts et merveilles: illusions artificielles, vide existentiel, manipulation de masse…
Comment s’en sortir alors?
Ou tout simplement, comment y vivre?
Comment être dans le monde sans être du monde?
Comment être au milieu des loups sans devenir loup-garou ou vampire?
Comment aller jusqu’au bout de la course, mener le bon combat et… garder la foi?
Une seule voie: écouter une autre voix!
Demeurer comme Samuel au service du Seigneur tous les jours de notre vie… et prier avec le Psalmiste:
«De quel amour sont aimées tes demeures,
Seigneur, Dieu de l’univers.
Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ;
mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant !
Heureux les habitants de ta maison :
ils pourront te chanter encore !
Heureux les hommes dont tu es la force :
des chemins s’ouvrent dans leur cœur !
Heureux, oui heureux ceux qui ont goûté à la joie divine d’exister et de respirer à pleins poumons dans la liberté des enfants de Dieu! Heureux ceux qui ont trouvé la paix en se détournant du mal, qui tient dans un esclavage mortel et mortifère, pour vivre dans le bien, seul choix qui libère… Heureux les hommes dont tu es la force, des chemins s’ouvrent dans leur cœur, littéralement, ils deviennent le chemin par où quelque chose de nouveau peut jaillir sous le soleil dissipant les fumées de satan… Leur cœur ne les accuse pas, leur conscience est en paix, ils ont de l’assurance devant Dieu, ils sont ses enfants!
Voici ce que produit en nous l’accueil du Verbe fait chair: l’adoption filiale! Une nouvelle famille où la liberté pleine et entière apprend à vivre selon ce que disait saint Augustin: «Aime et fais ce que tu veux!». Puisqu’en aimant selon la Parole, «nous gardons ses commandements, et nous faisons ce qui est agréable aux yeux de Dieu». Nous demeurons en Dieu et nous nous occupons de ses affaires. «Or, voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et voilà comment nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné part à son Esprit».
Voici la nouvelle famille, la Sainte Famille, où étrangement les parents sont éduqués par ce Fils-là (et lui seul pouvait le faire) à une nouvelle dynamique où ils apprennent à ne se chercher et à ne se trouver qu’en Dieu: la Sainte Famille où chacun s’occupe des affaires du Père…
Les liens ne sont plus ceux de la chair et du sang qui sont si forts et contraignants et parfois asphyxient le meilleur des enfants, mais les liens de la vérité, de l’amour et de l’abandon à la miséricorde de Dieu où tous grandissent en âge, en sagesse et en grâce en enfants de Dieu…
Quels taux de croissance et quelles statistiques nous intéressent ces temps-ci? De quelles affaires nous occupons-nous ces jours-ci? Les affaires de quel Père ?
Bon dimanche dans la splendeur de la Nativité du Seigneur et de sa famille interloquée par une nouveauté insoupçonnée qui fait renaître Marie et Joseph d’en haut…
💫🌟🤗
28 juin 2020, 13ème dimanche
Aimer Jésus plus que notre papa ou notre maman, plus que notre époux ou notre épouse, plus que nos fils et filles, plus que notre propre vie… plus que notre commodité et bien-être!!!
C’est époustouflant!!!
Comment un homme (car il ne se présentait que comme « le fils de l’homme ») peut-il exiger un attachement aussi radical et un détachement aussi total???
Comment peut-il me demander personnellement d’accepter de porter la croix et d’y être cloué???
Comment faire ce pari du qui perd gagne avec lui???
…En le voyant mourir sur la croix lui le premier pardonnant à ses bourreaux…
…En le rencontrant lui le Ressuscité offrant la paix et la joie dans ses plaies glorieuses…
Et le centurion déclara : Vraiment cet homme était le Fils de Dieu….
Et Thomas s’exclama : Mon Seigneur et mon Dieu!
Ce Jésus, c’est à prendre ou à laisser : vrai Dieu et homme véritable ou tout simplement charlatan manipulateur… Dans le deuxième cas nous sommes quittes avec un sourire sarcastique, dans la premier cas nous ne pouvons que tout laisser pour mourir et ressusciter avec lui dans la plénitude de vie…d’un verre d’eau fraîche offert à un pauvre où il nous rejoint…
Bon dimanche!
Bonne fête des pères!!!
Bonne vigile de la fête des Ss. Pierre et Paul!
5 juillet 2020, 14ème dimanche
Bon dimanche de l’humilité et de la douceur du Coeur de Jésus notre école…
Notre repos…
Prendre la décision d’accepter son invitation est déjà un repos pour l’esprit…
Ensuite nous marchons avec lui portant son joug facile et son fardeau léger : aimer nos ennemis et faire du bien à ceux qui nous font du mal… car c’est ainsi que le Crucifié Ressuscité nous a traités et c’est lui qui nous donne la force de faire comme lui…
L’indécision est une grande fatigue pour l’esprit…
La décision dans la bonne direction est la paix…
« Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre coeur est inquiet, sans repos, tant qu’il ne se repose en toi » disait s. Augustin… et il parlait d’expérience…
12 juillet 2020, 15ème dimanche
Bon dimanche de la bonne terre qui porte du fruit… (Mt 13,1-23)…
Celle qui se laisse labourer, bêcher, retourner, ensemencer, arroser par la pluie de la grâce du ciel, sarcler pour produire les fruits de l’Esprit…
À celui qui a on donnera, mais à celui qui n’a pas on enlèvera même ce qu’il croit avoir…
Celui qui a quoi?
Celui qui a des oreilles pour entendre, des yeux pour voir, un coeur pour se convertir…
Car c’est de cela qu’il s’agit, du retournement total de notre être vers Dieu afin de sortir des sentiers où le monde s’engouffre dans la dureté du coeur des apparences et des couloirs de domination, le malin ne laisse aucune semence y entrer ni la pluie de la grâce y pénétrer…
Revenir à Dieu et sortir des nos émotions et sentiments passagers et éphémères qui nous interdisent la patience dans l’épreuve…
Nous convertir en sortant de nos convoitises des biens de la terre qui nous étouffent…
Alors nous pourrons produire avec toute la création qui gémit en douleurs d’enfantement les fruits de l’Esprit : 100, 60, 30 pour un:
« Amour, joie, paix, patiente espérance, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi dans la continence et la chasteté. Contre de telles choses, il n’y a point de Loi. Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises. Si nous vivons par l’Esprit, suivons aussi l’Esprit » (Gal 5,22-25)
Passe la charrue sur nos landes rebelles, Seigneur… fais nous produire les fruits qui demeurent…
19 juillet 2020, 16ème dimanche
Bon dimanche de la « patience » (pâtir) avec la zizanie en nous et autour de nous…
Dans l’endurance et la résistance que donnent l’espérance et la foi qui ne déçoivent pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs endurcis… par l’Esprit Saint qui nous est donné et qui prie en nous… il peut donc toucher tous les coeurs qui s’ouvrent à sa grâce…
C’est à la moisson qu’on distingue bien, car c’est à leurs fruits qu’on reconnaît la vraie nature des racines et des feuilles…
C’est après la cuisson qu’on constate la qualité du levain…
Il faut du temps pour que grandisse silencieusement la forêt…
La précipitation est du diable mais l’Esprit Saint ne supporte pas les retards dans notre réponse à l’amour…
Ne le contristons pas… Marie se rendit en hâte à la montagne pour aider Élisabeth et c’est elle aussi qui anticipa l’heure de Jésus à Cana…
Faisons n’importe quoi il nous demande de faire…
Courage et audace!
26 juillet 2020, 17ème dimanche
Bon dimanche de Dieu qui nous invite à le chercher… comme Unique trésor… pour lequel il vaut la peine de tout perdre… Perle précieuse…
Choix que le jeune homme riche n’a pas su faire, s’en allant tout triste…
Choix que Pierre, Jacques et Jean ont pu faire, disposés à apprendre et à chercher la vraie sagesse en celui qui est plus grand que Salomon…
Il fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment, leur dévoilant le sens de l’histoire…
La vie est un passage, un bref instant entre deux éternités où nous devons apprendre à dire bonjour, merci et au revoir…
Croire en Jésus c’est découvrir que nous avons été « destinés d’avance, appelés… à devenir justes et recevoir sa gloire… »
Nous sommes libres aussi de refuser cette proposition, cette invitation et cet appel, il nous suffit de faire du mal ou du bien aux plus petits pour décider de notre éternité…
Du trésor de la sagesse des vieux Jésus nous apprend à tirer du neuf en perfectionnant l’ancien…nous délivrant de nos mauvais sentiments…
Comme le dit s. Jean Chrysostome en commentant la demande de la mère des fils de Zébédée:
Les dix autres s’indignèrent contre les deux frères. ~ Vois-tu combien ils étaient tous imparfaits : les deux qui voulaient s’élever aux dépens des dix autres, et ceux-ci qui jalousaient les deux frères ? Mais, comme je l’ai dit, montre-moi ce qu’ils sont devenus ensuite et tu verras qu’ils ont été délivrés de tous ces mauvais sentiments. Tu apprendras donc que ce même saint Jean, celui qui s’est avancé pour cette demande, ménage toujours la première place à Pierre, lorsque celui-ci discourt et fait des miracles, selon les Actes des Apôtres. ~ Quant à saint Jacques, il n’a pas survécu longtemps. Dès le début, il brûlait de ferveur, et dans son mépris extraordinaire des intérêts humains, il s’est élevé à un tel sommet qu’il fut aussitôt mis à mort.
2 août 2020, 18ème dimanche
Ni la mort ni la vie, ni le présent ni l’avenir, ni les hauteurs ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur…
Cette certitude absolue proclamée par saint Paul à la fin du chapitre 8 de sa lettre aux Romains est d’une étonnante puissance!
Il a fait l’expérience d’un amour absolu et n’en revient pas…
Il a rencontré une vérité absolue et n’en doutera jamais plus…
Il a trouvé le sens de sa vie et peut maintenant mourir… certain que des bras ouverts l’attendent de l’autre côté…
Il ne vit plus seulement de pain et de jeux qui droguent, il ne se repaît plus de nourritures terrestres, il a rencontré la Parole éternelle jaillie du sein de Dieu, la Lumière née de la Lumière, le vrai Pain qui descend du ciel, la Source d’eau vive qui étanche toute soif…
Il ne craint ni la faim ni le dénuement, ni le danger ni le glaive, ni la détresse ni l’angoisse…
Grâce à celui qui nous a aimés…
Que cette grâce nous soit accordée à nous aussi en ce dimanche et en ces temps particulièrement désolants…
Alors les cinq pains et les deux poissons de notre vie si minable à nos yeux nourriront plus que cinq mille… il nous suffit de la remettre sincèrement et totalement à celui qui nous apprend à faire Eucharistie, rendre grâces par toute notre vie en mémoire de Lui!
Bon dimanche de la certitude de l’amour de Dieu quelles que soient les circonstances…
9 août 2020, 19ème dimanche
Bon dimanche de la foi qui permet de marcher sur les eaux troubles de la société liquide où nous vivons en nous offrant les vrais repères et la main tendue du Seigneur!
Il ne s’agit pas de la foi simple confiance dans le témoignage d’un autre humain (foi humaine), inévitable pour vivre sur terre…
Ni de la foi simple crédulité dans les récits mythiques ou non de notre culture (foi religieuse) qui essaient de répondre à certaines questions insolubles…
Mais de la foi théologale, don de Dieu infuse en nous par l’Esprit Saint qui nous fait savoir de Dieu ce que lui seul peut savoir (il est un et en même temps communion d’amour), qui nous fait savoir de nous-mêmes ce que le Créateur seul peut savoir (nous sommes un projet éternel d’amour de Dieu, un loving design), qui nous situe correctement au sein de l’univers (nous y sommes placés pour que s’y manifeste notre caractère de fils et filles de Dieu en son Unique)…
Cette foi-vertu, vérité absolue parce que seul Dieu ne peut mentir sur Dieu, Pierre ne l’aura qu’après avoir renié le crucifié et rencontré le Ressuscité…
Il en est de même pour Paul…
Qu’il en soit de même pour nous car comme l’a expérimenté s. Augustin, « tu nous as faits pour toi Seigneur et notre coeur est inquiet tant qu’il ne repose en toi… » Vienne la brise légère de la vraie foi et passe le voile sur toutes nos suppositions et opinions pour que le Roc solide de la foi de Pierre nous soutienne sur les flots divers et menaçants de ce monde éphémère…
23 août 2020, 21ème dimanche
Bon dimanche de l’Église, surprise de Dieu!
« Je bâtirai mon église… », littéralement : J’édifierai comme une maison l’assemblée de ceux que j’aurai convoqués… sur la profession de foi de Pierre…
Les portes de l’enfer (les puissances du mal, de la mort, de la destruction) ne pourront pas lui opposer de résistance…
Ce que tu lieras sur terre sera lié dans les cieux…
La réponse donnée par Pierre à la question de Jésus (« Pour vous, qui suis-je? ») a donc des conséquences énormes et marque un tournant dans la vie de Jésus et de ses disciples… L’Église naît d’une décision divine et d’un engagement humain, pas moyen de séparer ces deux aspects…
Parfois, à entendre certains commentaires sur les limites et les péchés du personnel de l’Église (dont la Personne est le Christ), on aurait l’impression que beaucoup ont des conseils à donner à Dieu et pourraient lui expliquer comment il aurait dû procéder pour bâtir son Église, de façon plus correcte et convainquante… La perfection des cours de management et de marketting seraient plus efficaces pour le succès du church-business que les éléments humains de piètre qualité utilisés par Jésus au long des siècles…
Ô profondeur de la sagesse et de la science de Dieu! Ses décisions sont insondables, ses chemins impénétrables…
Seule la lumière de la foi dans la toute puissance de Dieu manifestée dans la fragilité humaine soutient la construction édifiée par Jésus… Vraiment si c’était une entreprise et un business humains elle aurait déjà disparue… Par la grâce de Dieu, aujourd’hui encore elle arrache des millions d’humains aux gorges de l’enfer, tous ceux qui, au milieu des changements de ce monde, gardent leurs coeurs fixés là où se trouvent les vraies joies sur le Roc de la foi de Pierre en Jésus le crucifié-ressuscité : À lui la gloire pour l’éternité!
30 août 2020, 22ème dimanche
Bon dimanche du « qui perd gagne »!
Jeu extrêmement dangereux auquel on ne peut se livrer que si l’on est porté par la certitude d’un amour absolument vrai…
Certitude? Dans ce monde relatif et relativise, la seule certitude semble être l’incertitude orchestrée par ceux qui profitent des masses et manipulent les esprits…
Amour vrai et absolu? Comme la confiance totale de l’enfant dans les bras de ses parents… ou l’abandon sans crainte du plus faible dans les bras d’un plus fort qui le protège et veut son bien, prêt à se sacrifier pour l’épanouissement de l’autre, pour le faire grandir en étant heureux du bonheur de l’autre…
« Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire » s’écrie le prophète Jérémie.
C’est seulement ainsi que nous perdons notre vie pour la gagner, que nous donnons notre vie pour la garder : Adoration véritable, offrande de tout notre être selon le bon vouloir de la Divine Miséricorde!
Pierre y est invité aujourd’hui. Il doit purifier sa vision du Messie et entrer dans le jeu du don de soi, perspective qui déjoue les manoeuvres de méfiance que satan, l’adversaire, veut instaurer par la peur de la souffrance…
Cette dernière est incluse dans la certitude de l’amour vrai et absolu qui est extase, sortie et décentrement de soi… Aimer c’est exister en un autre… l’amour est extatique…
C’est pourquoi la saveur de Dieu, les sentiments de Dieu, la Sagesse de Dieu, l’Amour authentique qu’est Dieu ne se dévoile pleinement que dans la croix et les plaies glorieuses…
Avec LUI, qui perd et se donne, gagne et se trouve…
6 septembre 2020, 23ème dimanche
Bon dimanche de la correction fraternelle dans la communion des saints…
Notre seule dette envers tous c’est de faire le vérité dans la charité…
Difficile entreprise puusqu’il faut ménager la susceptibilité de l’autre, sa fragilité, la possibilité de se tromper soi-même et la nécessité de regarder le tronc dans notre propre oeil avant de voir la paille dans l’oeil de l’autre…
Comment être vrai sans humilier et avilir l’autre? En nous rappellant que là où l’amour est vrai et non pas affirmation de notre ego l’Esprit Saint nous fait trouver les voies correctes pour résoudre les problèmes…
Mais là où les coeurs se ferment, la liberté de choix de l’autre doit être respectée. Les étapes indiquées par l’Évangile d’aujourd’hui ont été codifiées dans le Droit canon. Mais Dieu seul sait combien il est douloureux de traverser ce processus de clarification et de discernement en sachant que la seule dette à avoir envers tous est celle de l’Amour qui lie et délie le ciel sur la terre…
N’ayons pas peur Jésus ne nous laisse pas seuls, il est au milieu de nous, il vient aimer l’autre en nous comme il nous a aimés…
Miséricorde infinie!
13 septembre 2020, 24ème dimanche
Bon dimanche du pardon reçu et donné sans limites.
« Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs » (Mt 6,12)
L’enseignement sur le pardon des offenses qui nous permet d’être « parfaits comme notre Père céleste est parfait » (Mt 5,48) pour dépasser le minimum des publicains et des païens tout comme le maximum de la justice des pharisiens, est bien présenté dans la première lecture et l’Évangile d’aujourd’hui…
Il ne s’agit plus de la simple correction fraternelle par rapport à un mauvais comportement de l’autre qui ne me concerne pas directement peut-être comme dimanche dernier (Mt 18,15-20), mais d’une offense qui m’est faite de façon répétée ou d’une attitude franchement offensante et hostile de l’autre à mon égard. Jusqu’où pourrai-je arriver… pardonner jusqu’à 7 fois puis me venger… ou pardonner toujours, faire du bien toujours (Mt 18,21-35)?
Nous voici dans la démesure d’un amour infini inaccessible et même inacceptable humainement parlant…
Cet amour qui enveloppa également Judas et Pierre, Jacques et Jean, Simon le zélote et Matthieu le publicain…
Cet amour qui nous embrasse tous du haut de la croix et nous renverse sur nos chemins de Damas dans la splendeur des plaies glorieuses du Ressuscité …
« Serviteur méchant, toute cette somme que tu me devais, je t’en ai fait remise, parce que tu m’as supplié; ne devais-tu pas, toi aussi, avoir pitié de ton compagnon comme moi j’ai eu pitié de toi? » (Mt 18,32-33).
Voici les « charbons ardents amassés sur notre tête » (Rm 12,20) pour notre conversion, afin qu’ayant expérimenté l’amour et le pardon de Dieu nous ne vivions plus pour nous-mêmes mais pour celui à qui nous appartenons « dans la vie comme dans la mort » (Rm 14,8).
« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font! »
Seule l’expérience de ce pardon dans le dialogue avec le Ressuscité au bord du Lac permettra à Pierre et aux autres de délier sur terre et au ciel…
La miséricorde se moque du jugement!
20 septembre 2020, 25ème dimanche
Bon dimanche de la générosité de Dieu qui se donne totalement! Surabondance de l’amour que chacun reçoit selon l’incomparabilité de son être, l’immensité de sa soif et la démesure de son désir de voir les autres heureux…
Comment pourrions être jaloux de voir les autres comblés et heureux? N’ayons pas l’oeil mauvais parce que Lui il est bon… Ce serait notre enfer…
Mais le Royaume de Dieu c’est le don total de lui-même, il ne peut qu’aimer à l’infini, le premier comme le dernier, le grand comme le petit, le faible comme le fort, et même le juste comme l’injuste…
Il y a plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent…
Son amour nous poursuit à toute heure… l’accueillir c’est notre bonheur et le désir de nous en aller, de mourir pour être avec le Christ notre préférence…
Car vivre pour nous c’est lui et mourir un avantage!!!
Mais nous sommes tellement heureux du bonheur des autres que si notre fatigue et martyre (témoignage) quotidien peut aider d’autres ouvriers de la dernière heure à goûter à la bonté de notre Dieu : Que sa volonté soit faite!
Laissons-nous attirer par l’océan de sa miséricorde aujourd’hui… car c’est ici et maintenant qu’il se laisse trouver… à cette heure qui est la dernière…
Allons jusqu’à la vigne, c’est Dieu qui nous fait signe…
4 octobre 2020, 27ème dimanche
Bon dimanche de la Pierre d’angle: une parole donnée et une fidélité maintenue.
C’est surprenant de constater que tout se tient ou s’écroule en fonction d’une parole donnée et reçue…
Parfois nous cherchons toutes sortes de solutions aux problèmes confrontés sans nous rendre compte que tout dépend de la vérité et de la solidité d’un « oui » ou d’un « non » que nous prononçons. Nos paroles ont une force inouïe car sur elles se construit toute l’histoire de l’humanité, histoire de choix libres libérateurs ou asservissants.
Tout le sens de notre vie tient à un je t’aime vrai qui nous est gratuitement offert à un moment donné…
Si nous pourrions nous en rendre compte nous comprendrions pourquoi Dieu se présente comme celui qui nous parle:
« Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles (le monde). Resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance, ce Fils qui soutient l’univers par sa parole puissante… » (He 1,1-3) a transformé le « non » des vignerons malhonnêtes et homicides en opportunité de salut pour tous ceux qui écoutent sa parole et acceptent son invitation…
Mieux encore, ces derniers deviennent sarments de l’unique vigne produisant du fruit en abondance après l’émondage. Ils deviennent pierres vivantes de la maison édifiée sur le roc, la pierre d’assise inébranlable, la pierre d’angle inamovible : Jésus ressuscité! Une parole donnée, un oui fidèle, un engagement respecté jusqu’au bout… et les fruits du Royaume abondent…
Au commencement était le Verbe, la Parole…
Faisons-lui confiance et le Dieu de la paix sera avec nous!
11 octobre 2020, 28ème dimanche
Bon dimanche de l’invitation au Banquet… en tenue de ville! Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus…
Vouloir la bouffe sans apprécier le pourvoyeur… c’est vraiment de mauvaise grâce… ou totale ingratitude.
Ceux qui déclinent l’invitation sont au moins honnêtes dans leur refus et moins condamnables, même s’ils passent à côté de leur bonheur pour se contenter de paille…
Mais les baptisés seront jugés plus sévèrement que les autres!!!
C’est quoi le vêtement de noces, le vêtement approprié pour le banquet du Royaume?
Le drame de Judas pourrait nous éclairer :
La mention de la future trahison de Judas à la fin de l’épisode du discours sur le Pain de vie (Jn 6,60-71) quand la foule déçue abandonne Jésus et que Pierre déclare n’avoir personne d’autre à suivre, conduit à l’affirmation de Jésus : « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les Douze? Et l’un d’entre vous est un diable » et l’Évangéliste ajoute: « Il parlait de Judas [fils] de Simon l’Iscariote ; c’est lui en effet qui devait le livrer, lui, l’un d’entre les Douze! »
Tout cela s’explique parce que les gens étaient venus pour le faire roi et qu’il leur donne le pain gratis et Jésus les a déçus en décevant profondément Judas aussi qui ne comprenait pas comment on pouvait gâcher une si belle opportunité : Être roi! Dernière des trois tentations selon Mt 4,8-9, deuxième selon Lc 4,5-7.
Alors Judas ne reste avec Jésus que de corps, refusant d’accepter l’exagération, le délire de Jésus sur sa chair à manger et son sang à boire…
Croire ou ne pas croire au vrai Corps et au vrai Sang de Jésus dans l’Eucharistie c’est accueillir ou trahir totalement sa Parole et sa Personne et son Père qui nous attire par son Esprit : Mysterium fidei ! Il est grand le mystère de la foi!
Judas comme les autres Douze avait pour mission de chasser les esprits mauvais (Mt 10,8) mais sa parole n’a pas été « oui », « oui ». Voleur et menteur, le malin à trouvé en lui un terrain favorable à son action, par le mensonge et la fausseté. Il a été pris au piège de sa propre intelligence et de sa soif d’argent et de pouvoir… Il n’a pas pu écouter la dure parole du Christ…
Ce ne sont pas tous ceux qui disent « Seigneur, Seigneur » qui entreront dans son Royaume, mais ceux qui font la volonté du Père…
« Faites ceci en mémoire de moi »…
Le don n’a pas été reçu par Judas. Il a consommé à la dernière Cène, mais n’a pas communié, dans son coeur, « après la bouchée, Satan entre en lui » (Jn 13,27). Il sortit aussitôt. C’était la nuit! (Jn 13,30).
Alors le roi dit aux serviteurs à propos de celui qui n’avait pas le vêtement de noces: « Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors: là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus ».
Douter de l’Eucharistie, vrai Corps et vrai Sang du Chris Jésus livré pour nous, le recevoir vaille que vaille, douter du prêtre ou à cause du prêtre qui célèbre, c’est ouvrir la porte à l’ennemi et entrer dans les ténèbres…
Accueillons le don du Père et portons le vêtement de noces: Mysterium fidei!
18 octobre 2020, 29ème dimanche
Bon dimanche du pauvre diable César…
Si pauvre qu’il confond les « moyens de vivre » avec la « raison de vivre »…
Les moyens: l’argent, le pouvoir, le plaisir…
La « raison de vivre » : ce qui donne un sens à mon existence et dilate mon coeur de la vraie joie, du bonheur d’aimer et d’être aimé…
La jouissance des biens passagers est comme une drogue qui nous donne le vertige avant de nous déprimer ; la soif de ces mêmes biens est comme un poison qui envenime notre relation avec les autres et nous durcit le coeur autant que les jouisseurs…
Les moyens (the means) ne sauraient être confondus avec la fin (the meaning), le but ultime, notre raison de vivre et de mourir.
Si les moyens ne sont pas mis en perspective en fonction de la vraie fin ultime qui leur donne un sens, nous passons à côté de l’essentiel. Si notre hiérarchie des valeurs est correctement ordonnée, alors nous donnerons à Dieu ce qui lui revient (l’aimer de tout notre coeur, de toute notre âme et de toutes nos forces) et au prochain ce qui lui revient (l’aimer comme le Christ l’aime et nous aime). Alors le pauvre César et ses acolytes qui croyaient nous dominer n’auront aucune emprise sur nous. Nous vivrons dans la grâce (amazing grace) parce que nous aurons une raison de vivre (meaning) et nous produirons ensemble les moyens de vivre (the means) sans nous laisser étourdir par l’illusion de l’accumulation des richesses à coup d’injustices comme si les moyens seraient leur propre fin… Cette accumulation rend tout le monde pauvre et misérable d’une certaine manière car en détruisant le bien commun de l’humanité nous detruisons les autres et notre possibilité d’être vraiment heureux (il y a plus de joie à donner qu’à recevoir), nous nous enfermons dans notre malheur.
Cyrus, le roi de Perse a joué intelligemment la carte du bien commun en permettant aux exilés par les babyloniens de retourner dans leur patrie, devenant « messie » et instrument de Dieu, sans le savoir…
César nous regarde comme des pièces de rechange de la machine infernale de sa jouissance orgueilleuse et narcissique (pauvre diable)…
Dieu nous regarde comme ses enfants bien-aimés en son Unique qui donne sa vie pour nous car aimer jusqu’à l’extrême est sa nature et son être : en LUI la joie de notre coeur!
25 octobre 2020, 30ème dimanche
Bon dimanche de la justice inadéquate envers Dieu et nos frères = Religion…
Rendre à chacun ce qui lui est dû, c’est un devoir de justice et d’équité. La conscience de tous s’eveille et le réclame dès que notre dû nous est refusé.
Mais comment rendre équitablement ce que nous devons aux personnes et aux institutions qui nous précèdent et dont nous dépendons nécessairement? À nos parents et à nos familles pour la vie, les soins, l’éducation reçue ; à nos professeurs et maîtres pour l’instruction et la formation ; à notre pays pour les moyens de subsistance, l’héritage culturel et historique ; aux responsables de la société qui se dévouent pour le bien commun ; et, surtout, avant tout, à Dieu dont la bonté créatrice, conservatrice et providente assure notre existence et celle de l’univers… Voici des domaines où notre dette est insolvable…
Si dans toutes les sociétés la réalité du devoir de justice envers le Créateur s’est exprimée selon des formes variées de culte aux ancêtres, aux esprits tutélaires, aux dieux du polythéisme, à Dieu être suprême et même à un « Dieu inconnu » (deus ignotus) chez les Athéniens (Ac 17,23), en Israël ce devoir de justice légale s’est exprimé en termes d’amour pour l’Unique et pour son peuple et pour l’étranger, la veuve et l’orphelin demeurant avec ce peuple. C’est le fameux « shema Israël » (écoute Israël) qui s’explicite dans le « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces…. et ton prochain comme toi-même » cela vaut plus que toutes les offrandes et les sacrifices…
Voici la quintessence de la loi de Moïse et de la prédication des Prophètes et jusqu’où le devoir de justice pouvait s’exprimer…
Jusqu’au coup de théâtre de l’Incarnation et de la Rédemption en Jésus-Christ qui nous laisse bouche bée…
C’est la démesure absolue qui fait son irruption et le Dieu inconnu et invisible s’est rendu visible en venant vers nous pour se faire connaître par don Fils en nous donnant don Esprit.
Alors l’expérience de la démesure de la miséricorde des entrailles de notre Dieu nous conduit à dépasser la perspective de la justice naturelle tout comme celle des scribes et des pharisiens pour aimer du commandement nouveau de l’amour: comme le Christ nous a aimés! Et vivre dès maintenant en ressuscités à cause et grâce à la miséricorde de notre Dieu quand nous visite l’Astre d’en haut pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort et conduire nos pas au chemin de la paix.
Débiteurs insolvables, notre dette nous a été remise pour que nous puissions à notre tour remettre leurs dettes à nos frères…
Commence alors la vraie religion qui n’est pas une religion car elle dépasse toute justice, commence le vrai culte qui soit à la hauteur de Dieu et de l’homme… culte qui ne saurait s’exprimer par des sacrifices d’animaux sans raison, mais qui est culte spirituel (ou mieux adoration selon le logos λογική λατρεία, Rm 12,1): offrande de notre coeur et de notre intelligence (logos = raison, intelligence) et de notre volonté…
Tout donner à celui dont nous avons tout reçu. Et le faire par amour et non par contrainte…
1er novembre 2020, 31ème dimanche
La sainteté est la liberté, la vraie liberté…
La sainteté est don de Dieu car il s’agit de la liberté des enfants de Dieu… (1 Jn 3, 1-3)
C’est l’oeuvre de la grâce en nous. Et la grâce c’est le regard d’amour de Dieu posé sur nous, nous invitant à l’aimer en accueillant les dons qu’ il nous fait (en premier : la joie divine d’exister et de savoir de qui nous tenons la vie, le mouvement et l’être pour toujours) et en lui rendant grâce!
Quand on découvre le vrai trésor, tout le reste prend sa place et reste à sa place. Alors on peut agir en toute vérité…
Libres de nos caprices, de notre soif de domination nous pouvons OBÉIR à la voix du Seigneur qui nous parle par son Fils et dans les événements…
Libres par rapport aux biens de la terre nous pouvons être PAUVRES parce que riches de la seule vraie richesse qui ne passera pas: le Royaume de Dieu…
Libres par rapport au vertige du plaisir immédiat et de la jouissance déréglée nous pouvons laisser le Seigneur RÉGLER notre vie, car c’est cela la CHASTETÉ dans la virginité, dans la continence du célibat, dans le veuvage ou le mariage…
Les conseils évangéliques professés radicalement comme voeux par les religieux sont vécus par tous… les Époux ne peuvent qu’être obéissants à la voix de l’autre et des enfants et vice-versa, ils ne peuvent qu’être pauvres car les biens passent par eux pour les autres, ils ne peuvent qu’être chastes parce que leur corps appartient aux deux qui ne sont qu’une seule chair…
Devenir LIBRES parce que nous produisons les fruits de l’Esprit Saint et en particulier la « maîtrise de soi »…
Nous comprenons alors les Béatitudes, c’est-à-dire l’annonce du bonheur qui est le coeur du message de Jésus…
Bonne nouvelle du bonheur, don de Dieu et pleine réalisation de l’homme…
Être saint, c’est être heureux, heureux pour toujours dans la joie parfaite d’être persécutés « à cause de Jésus » par les mensonges du monde… Qu’il mente et trompe ceux qui n’ont pas le trésor parce qu’ils se ferment à la grâce…
Les autres sont LIBRES dans la vérité et dans l’amour…. Heureux… pas pour un jour, mais pour toujours…
8 novembre 2020, 32ème dimanche
Bon dimanche du bon accueil de l’Époux!
La métaphore des noces, de l’union de l’Époux et de l’Épouse pour devenir un seul être, une seule chair, un seul esprit (1 Cor 6,17) revient constamment sur les lèvres de Jésus dans l’Évangile et sous la plume de s. Paul.
Comme toutes les autres métaphores, pâles images pour dire l’ineffable, il faut saisir l’élément fondamental, la pointe qui choque et provoque, pour les comprendre dans leur contexte…
La parabole des lampes et de la réserve d’huile des 10 vierges de ce dimanche invite certainement à la vigilance, à l’attente active, sage et prudente de notre rencontre définitive avec le Seigneur quand nous sortirons de ce monde (jugement particulier, 2 Cor 5,10) et quand l’histoire de la vie sur notre terre s’achèvera comme l’affirment maintenant les savants rejoignant sur ce point la foi de l’Eglise mais sans la perspective de la résurrection de notre chair (jugement final, Mt 25) et notre transfiguration pour être pour toujours avec le Christ, créateur, redempteur et re-créateur!
Tout cela n’est possible qu’à condition de notre pleine participation, corps et âme.
C’est là que la métaphore de l’union de l’Époux et de l’Épouse nous dévoile sa richesse.
Quand Jésus et Paul en parle ils insistent sur le fait que « les deux ne sont plus qu’une seule chair » mais cela suppose d’abord un amour inconditionnel, total, exclusif, fécond et indissoluble, donc un seul esprit, pour ne pas nous perdre dans une unidimensionalité charnelle… L’Époux donne sa vie pour l’Épouse, cette dernière accueille le don et y correspond à son tour dans une réciprocité asymétrique et complémentaire… S. Paul s’ extasie et s’ecrie en parlant du fait que les deux ne sont plus qu’une chair : « Ce mystère est de grande portée: je veux dire qu’il s’ applique au Christ et à l’Église! » (Eph 5,31). L’Épouse c’est donc chacun de nous, l’union de nos âmes, de notre intelligence, de notre volonté et ainsi de tout notre être au Christ. La métaphore exige une différence sexuelle réelle et totale avec toutes les implications voulues par le Créateur… nous, l’Église, n’avons pas une relation homosexuelle avec le Christ. Le théologien von Balthasar souligne fortement cet aspect …
L’union du Christ et de l’Église commence dans le sein de la Vierge Marie, car c’est là que la divinité et l’humanité se sont épousées indissolublement puisque c’est là que « le Verbe s’est fait chair » (Jn 1,14). En pensant à cela et à l’image du « Soleil levant qui vient nous visiter », les Pères de l’Église ont lu le Ps 19,6 dans cette perspective : « …et lui (le soleil qui porte le message de la gloire de Dieu à toute la terre) comme un époux qui sort de la chambre nuptiale (sans la l’endommager), se réjouit comme un champion joyeux de prendre sa course »… et hymne de Noël « Puer natus in Bethlehem » en transmet l’écho : « Tamquam sponsus de thalamo… processit Matris utero », « comme un époux de la chambre nuptiale il sort du sein de sa Mère »…
La bonne nouvelle de ces épousailles, la merveille de cette union ne s’achèvera qu’à la résurrection, quand tous les membres du Corps du Christ, c’est-à-dire chacun de nous greffés en lui par le Baptême, fortifiés par l’onction (l’huile) de l’Esprit et nourris par le Pain de vie, entrera au festin des noces de l’Agneau chanté par l’Apocalypse, un des plus beaux livres de la Bible, message d’espérance pour tous les temps: « Voici les noces de l’Agneau, et son Épouse s’est faite belle: on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante… (pensez à la Transfiguration du Christ)… le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints » (Ap 19,7-8).
Nous comprenons alors de quelle huile parle la parabole de ce dimanche, à quelle vigilance nous invite le livre de la Sagesse, à quel ardent désir nous pousse l’attente de l’Époux.
L’huile c’est aussi le symbole de l’Esprit Saint qui soupire avec l’Épouse en des gémissements ineffables … « L’Esprit et l’Épouse disent : Viens! Que celui qui entend dise : Viens! Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement » (Ap 22,17). « Maran atha ! » (1 Cor 16,22). « Amen, viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22,20)
15 novembre 2020, 33ème dimanche
Bon dimanche du paresseux méfiant et pour cela médisant et fainéant…
C’est ainsi que Jésus qualifie dans la parabole d’aujourd’hui l’esclave qui avait enfoui le talent reçu…
Cela fait écho à tant de passages des livres sapientiaux comme :
Prov 22,13: Le paresseux dit: « Il y a un lion dehors! Dans la rue je vais être tué! »
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Et les premiers versets du chap. 6 du même livre :
06 Va vers la fourmi, paresseux ! Regarde-la marcher et deviens sage: 07 elle n’a pas de supérieur, ni surveillant ni gouverneur, 08 et tout l’été, elle fait ses provisions, elle amasse, à la moisson, de quoi manger. 09 Combien de temps vas-tu rester couché, paresseux ? Quand vas-tu émerger de ton sommeil ? 10 Un somme par-ci, une sieste par-là, s’allonger un moment, se croiser les bras, 11 et voilà que survient la pauvreté, comme un rôdeur, la misère, comme un garde bien armé. 12 C’est un vaurien, un faux-jeton : il se promène, tordant sa bouche, 13 lançant des clins d’œil, des appels du pied, donnant ses consignes avec les doigts ; 14 le cœur pervers, il prépare des mauvais coups, à tout moment, il déclenche des querelles. 15 Voilà pourquoi, soudain, vient sa ruine, brusquement il est brisé, et c’est sans remède. 16 Il y a six choses que le Seigneur déteste, sept qu’il a en horreur : 17 le regard hautain, la langue menteuse, les mains qui versent le sang innocent, 18 le cœur occupé de projets coupables, les pieds qui s’empressent de courir au mal, 19 le faux témoin qui ment comme il respire, et l’homme qui déclenche des querelles entre frères.
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De fait l’oisiveté « enseigne tous les mauvais tours » (Sir 33,28) et S. Paul parle de ceux qui sont « affairés à ne rien faire », « ne travaillant pas du tout mais se mêlant de tout » (2 Th 3,11) en leur recommandant de travailler pour gagner leur pain …
Tenir dans le monde notre devoir de louange et de service : telle doit être notre attitude! Prier et travailler! Louer le Seigneur et prêter main forte…
Pour le reste nous sommes des serviteurs (des esclaves) sans prétention…
Ce dont il s’agit dans la parabole des talents c’est notre rapport avec Dieu, la confiance et l’abandon joyeux entre ses mains avec cette ardeur au travail qui nous fait ressembler à notre Père qui travaille toujours…
L’effort quotidien a parfois le goût amer d’un échec constant et le démon de l’à quoi bon pourrait avoir le dessus en nous faisant baisser le bras…
C’est précisément là que se manifeste la qualité de notre relation avec le Seigneur : voulons-nous l’utiliser comme une baguette magique qui résout nos problèmes sans nous déranger? Voulons-nous en faire un pourvoyeur qui déresponsabilise? Voulons-nous lui faire la leçon pour l’obliger à satisfaire tout de suite nos caprices en nous épargnant toute croix? Nos petits maux comme nos grands maux (peste, famine, guerre) fruits de notre refus d’obéir à la loi naturelle et à celle de l’amour) peuvent être une juste peine qui rétablit l’ordre de la justice chambardée par nous (peine vindicative), ou encore une peine médicinale pour nous prévenir et nous guérir, mais aussi éventuellement une peine satisfactoire que nous acceptons de supporter pour aider les autres par amour : peine du Christ sur la croix et les nôtres « complétant dans notre chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son Corps qui est l’Église » (Col 1,24)…
Alors, changeons de regard sur notre Dieu en contemplant le Roi-Esclave crucifié! « Prenons notre part de souffrances pour l’annonce de l’Évangile, en bon soldat du Christ Jésus » (2 Tim 2,3).
Celui qui nous a créés sans nous ne peut pas nous sauver sans nous…
Tout comme celui qui a tout fait de rien n’a pas voulu refaire sans Marie et son « Fiat » sa création déchue…
Que ce soit sous prétexte que le Christ va bientôt revenir, ou que les circonstances sont difficiles et désespérées, Marie nous apprend à faire fructifier le don de l’existence et la grâce du salut reçus…
Vierge prudente, elle est la femme forte et sage qui ne s’agite pas, ne désespère pas mais sait tirer parti des circonstances présentes pour aimer, louer et servir… Elle ne perd pas son temps quand il s’agit de prêter main forte à Élisabeth, aux époux de Cana, à son Fils sur la croix, à Jean dans la foi, aux disciples en prière au Cénacle à la Pentecôte…
La lampe de sa foi, de son espérance et de sa charité ne s’éteint pas…
Pas de surprise…pour le fils de la lumière… le Seigneur vient à tout moment et le trouve à son devoir de louange et de service..
29 novembre 2020, 1er dimanche de l'Avent
Bonne nouvelle année liturgique! Bonne neuvaine de l’Immaculée!
Voici qu’une nouvelle année nous est offerte dans l’espoir que nous grandirons et porterons des fruits qui plaisent à notre Père…
Marc nous rejoint avec ses raccourcis frappants et percutants : Veillez!
La péricope de ce dimanche (Mc 13,33-37) conclut le chapitre où Jésus annonce la destruction du temple de Jérusalem et répond à la question de Pierre, Jacques, Jean et André : « Dis nous quand cela aura lieu et quel sera le signe que tous cela va finir ? » (Mc 13,4)…
Pour bien comprendre cette conclusion, il faut lire tout le chapitre qui précède celui de la dernière Pâque du Seigneur et relever l’insistance sur l’attention et la vigilance comme à Gethsémani (Mc 14,38).
Jésus indique les « signes » qui montrent que tout cela, malgré sa beauté et sa splendeur « doit toucher à sa fin ».
Signes de la caducité foncière de toute réalité terrestre… Signes de la contingence tellement éphémère de tout ce qui nous rive aux choses d’ici-bas, troublant notre coeur et affaiblissant notre volonté par l’aveuglement de notre intelligence…
Il nous faut alors veiller, ne pas nous engourdir, ne pas nous endormir, ne pas nous laisser vivre comme si nous n’avions que la jungle de ce monde et les nourritures terrestres…
Il nous faut résister aux séducteurs et aux séductions et aux tentations de ce monde qui voudrait cacher et maquiller son néant…
LA VIGILANCE DONT IL S’AGIT EST BIEN À LA FOIS LA CLAIRE CONSCIENCE DE LA VANITÉ DES CHOSES D’ICI-BAS ET DE LA NÉCESSITÉ POUR NOUS D’Y TENIR NOTRE DEVOIR DE LOUANGE ET DE SERVICE…
Non pas comme les morts en surcis qui circulent armes au poing comme des bêtes traqués…
Mais comme des vivants pour toujours dans l’amour du Père qui donne un sens éternel à chaque instant fugace de l’existence humaine, car c’est sur cette terre où nous avons été plantés que nous devons fleurir et porter du fruit, un fruit qui demeure…
Alors, pas de panique!
Pas de désespoir!
Pas de trouble en nos coeurs!
Mais seulement une flamme allumée en nous un matin de Pâques par le Ressuscité et ravivée chaque dimanche, chaque jour par la fraction du pain en mémoire de Lui jusqu’à ce qu’il vienne…
Comme la lampe du tabernacle, garder la flamme de la foi allumée … ce don de Dieu versé dans nos coeurs par l’Esprit Saint avec l’espérance et la charité…
C’est le Mysterium fidei de l’Eucharistie reçue en état de grâce et avec action de grâce sur la parole du Christ qui maintient en nos coeurs la lumière quand tout s’écroule autour de nous…
Jusqu’à ce qu’il vienne, lui qui est venu et a vaincu… qui vient à chaque instant par sa parole, ses témoins, ses sacrements, ses saints, ses petits frères les pauvres…
Il vient pour nous entraîner dans sa victoire si nous savons discerner son Corps et sa présence pour tenir solidement car Dieu est fidèle (1Co 1,9).
Les cieux se sont déjà déchirés et Dieu habite en nous son temple : Veillons!
Que d’attention!
Que de délicatesse!
Que de douceur!
Que d’ardeur!
Que de confiance!
Que de labeurs!
Que d’amour pour faire attention et veiller: « Videte, vigilate »… « et orate » ajoutent justement certains manuscrits…
Prions donc avec insistance selon la post-communion de ce premier dimanche de l’Avent :
« Fais fructifier en nous, Seigneur, l’Eucharistie qui nous a rassemblés : c’est par elle que tu formes dès maintenant à travers la vie de ce monde, l’amour dont nous t’aimerons éternellement… »
6 décembre 2020, 2ème dimanche de l'Avent
Bon dimanche du ciel nouveau et de la terre nouvelle où habitera la justice…
Ainsi la nouveauté absolue que nous attendons sera une manière d’être différente pour l’homme…
Les injustices que sont nos péchés qui ne rendent ni aux autres ni à Dieu ni à la nature ce qui leur est dû rendent notre planète invivable…
Ajuster notre jugement, notre regard sur les choses et sur les autres à partir de la lumière de l’amour de Dieu pour nous changerait bien des choses… mais puisque ce processus de transformation est libre et non imposable de l’extérieur, il est à vitesse variable ici bas et en équilibre instable…
Chacun un jour doit recevoir son baptême de feu pour changer d’orientation définitivement et devenir juste, ajusté à la volonté du Juste-Juge-Sauveur…
Pour entrer dans la consolation promise dès maintenant, Isaïe et Jean Baptiste nous invitent à nous préparer au baptême de feu de l’Esprit de Dieu…
Préparer une route au Seigneur aujourd’hui comme autrefois dans l’humilité et la confiance.
Humilité pour abaisser nos montagnes d’orgueil, confiance pour combler nos ravins de déprime, de découragement et de méfiance…
Oui, tout est en voie de disparition, de décomposition… donc le jour s’approche où nous verrons la gloire du Seigneur…
Raison de plus pour redoubler d’effort pour vivre sans tache, sans reproche dans la paix…
Sur le plan de notre système solaire, les savants prévoient que notre étoile, le soleil, aura fini de consommer son énergie en la transformant en lumière d’ici 5.5 milliards d’années…
Mais longtemps avant la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui sur terre sera impossible et aura disparu… Encore une fois la science confirme en partie la révélation et les paroles du Christ sur la fin de ce monde.
Mais n’oublions pas que mille ans sont comme un jour pour le Seigneur et la capacité d’auto-destruction des humains augmente jour après jour avec une injustice féroce…
Dans certains pays on se sent pris au piège, on voudrait partir pour d’autres cieux, mais désormais les moyens de communication nous font comprendre que ça va mal partout et voici que toute la terre est une prison ou une jungle où la loi du plus fort est la meilleure…
Mais qui est le plus fort en toute vérité? Celui que Jean Baptiste annonçait et que les « justes » attendaient…
Source d’énergie qui ne s’éteint pas et qui nous donne la force de tenir comme agneau au milieu des loups dans l’amour et la vérité…
Nous préparons ainsi les cieux nouveaux et la terre nouvelle où la justice habitera parce que notre lumière sera l’Agneau-Pasteur qui nous rejoint au quotidien dans l’Eucharistie, Soleil levant qui vient nous visiter… chassant la nuit profonde…
13 décembre 2020, 3ème dimanche de l'Avent
Bon dimanche de la joie! GAUDETE IN DOMINO SEMPER!
La joie est le premier fruit de l’Esprit Saint après et avec l’amour, suivie de la paix (Gal 5,22). Découvrir de quel amour nous sommes aimés fait bondir de joie notre coeur… Dieu qui est Amour dans la communion des personnes est donc un océan infini de joie… La certitude qu’il nous aime et nous veut vivants pour toujours soutient notre marche jour après jour…
Un tressaillement, un frétillement de joie traverse notre liturgie comme pour nous faire goûter l’expérience de Marie et de Jean Baptiste… Marie quand l’ange lui annonça le dessein de Dieu qu’elle chanta dans le Magnificat (sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent); Jean Baptiste quand il comprît que son cousin bien-aimé était celui pour qui il préparait la route (au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas…)
Quand la foi ouvre nos yeux et que l’amour y brille, alors le banal quotidien devient mélodie silencieuse qui soulève tout notre être… comprennent ceux qui peuvent comprendre…
Si c’est pour ce temps-ci seulement que nous mettons notre espérance dans le Seigneur, nous sommes les plus à plaindre des hommes, nous n’aurons en fin de compte que tristesse et amertume…
Mais si notre attente est plus profonde que les guirlandes et les lumières artificielles, alors nous déborderons de joie au milieu des tribulations actuelles ayant des yeux capables de voir celui qui se tient au milieu de nous dès maintenant et que nous pouvons servir, aimer et adorer:
Servir dans nos frères.
Aimer du plus profond de notre être.
Adorer en esprit et en vérité.
Nous devenons ainsi de vrais précurseurs, préparant la route au Seigneur dans le coeur de nos frères…
Il est fidèle celui qui nous appelle et qui promet, c’est lui qui agira…
Alors, débordants de joie dans le Seigneur, nous traverserons les hauts et les bas de cette vie comme si nous voyions l’invisible, comme si nous allions à un festin de noces: les noces de l’Agneau…! Et nous, l’Épouse, nous serons prêts, parés pour la rencontre…
Car c’est de cela qu’il s’agit : d’une rencontre qui bouleverse, transfigure, réoriente notre quotidien, lui donnant une dimension de profondeur et une signification jusque là insoupçonnée… inespérée… qui nous rend le goût de respirer, le goût de vivre, la joie des petites choses qui toutes nous parlent de Dieu…
Lentement, notre vie devient Eucharistie, Magnificat, Soif ardente de la rencontre face à face…
L’amour désire voir celui qu’il aime… Quand « la flamme de l’amour divin embrase les coeurs, où l’ivresse de l’amour de Dieu se répand dans tous les sentiments de l’homme, certains, de leur âme blessée, ont voulu voir Dieu par leurs yeux de chair… comment le regard humain si étroit pouvait-il le saisir? L’amour ignore le jugement, il manque de raison, il ignore la mesure… L’amour, s’il n’obtient pas l’objet de ses désirs, détruit celui qui aime…
Il est impossible que l’amour ne voie pas ce qu’il aime; voilà pourquoi tous les saints ont jugé sans valeur tout ce qu’ils avaient obtenu, s’ils ne voyaient pas le Seigneur… » (s. Pierre Chrysologue, off. des lectures 2e jeudi de l’Avent)…
Et le Verbe s’est fait chair… et nous avons vu…
Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète… (1 Jn 1,4)
« Demeurez dans mon amour… Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète! » (Jn 15,11)
20 décembre 2020, 4ème dimanche de l'Avent
Bon dimanche de la surprise de Dieu!
Surprise de l’irruption imprévue de Dieu dans nos vies. Nous le désirons mais voudrions qu’il se manifeste selon nos critères… alors nous craignons en même temps cette manifestation. Son action risque de ne pas correspondre à nos vues et à nos projets, donc nous hésitons à lui ouvrir la porte et à lui dire un oui vrai et total.
En effet, il nous responsabilise à l’infini.
Nous devenons responsable de chaque prière que nous formulons sincèrement.
Nous devons répondre et correspondre à ce que nous demandons et ce ne sera pas toujours par les voies que nous planifions pour nous épargner d’avoir à changer de cap et à nous impliquer…
Marie désirait le Messie… elle en devient la mère avec tout ce que cela implique de joie et de souffrance…
Joseph devait prolonger la lignée davidique selon la chair et la prophétie de Nathan… il en devient l’accomplissement en accueillant et protégeant son Seigneur (« David l’appelle ‘son Seigneur’ comment pourrait-il être son fils? » Mt 22,45 dira Jésus aux docteurs de la loi interloqués)…
David dans son amour fou pour le Seigneur (à travers chutes et relèvement dans un repentir sincère) rêvait de lui bâtir un temple, un palais, une maison digne de lui, mais c’est Dieu qui lui bâtira une maison bien différente, il aura un descendant d’une dynastie qui ne provient pas de la chair et du sang et pour cela durera toujours (Marie est à bon droit appelée Tour de David, Tour d’ivoire, Maison d’or, Arche d’alliance… dans les litanies de Lorette)…
Dieu a voulu que son Fils s’appelle fils de David! Pour être non seulement le roi d’Israël mais de tout l’univers…
Dieu, surprenante miséricorde!
Ce mystère caché depuis toujours dans le silence est maintenant porté à la connaissance de toutes les nations: Christ au milieu de nous, espérance de la gloire! (Rm 16,25-27; Col 1,27).
Le Fils de Dieu et le Fils de Marie c’est une seule et même personne. Dieu ne peut pas être humble à la manière de la créature où l’humilité c’est la vérité de sa dépendance et de ses limites indépassables… Dieu est plus qu’humble, il est « kénotique » c’est ainsi que Paul parle en Phil 2,7 d’anéantissement, d’un se vider de soi-même « kénosis » en grec: « Il s’anéantit lui-même prenant la condition d’esclave et devenant semblable aux hommes »…
Puis comme homme il s’humilia jusqu’à la mort de la croix…
Ce que l’Évangile de l’Annonciation nous dévoile aujourd’hui est vertigineux et insondable sous une simplicité surprenante : le Verbe de Dieu, sa Parole créatrice, son Fils Unique de même nature que lui, la lumière née de la lumière s’est dépouillée de sa « condition » divine pour assumer la condition humaine jusqu’à la condition de mort d’esclave sur la croix…
Se vider de sa condition divine sans perdre sa nature divine n’est possible qu’à Dieu, voilà pourquoi notre intelligence s’y heurte, elle doit se laisser prendre dans l’émerveillement du mystère de la foi… elle doit se laisser surprendre par l’imprévisible liberté de l’amour de Dieu… Sa logique d’amour dépasse à l’infini nos raisonnements…
En Marie, comme en nous, un « fiat » suffit… et c’est Dieu qui fait…
Le Créateur veut nous aimer jusqu’à l’extrême, jusqu’à la démesure, et nous enlever tout motif de doute, tout alibi pour justifier notre refus…
Selon nos catégories c’est clair que Dieu est fou d’amour… Osons la comparaison : assumer la nature du cochon pour sauver le cochon sans participer à la cochonnerie ! Pas possible pour nous! Rien n’est impossible à Dieu pour dire son amour à chacun même le moins aimable…
Et dans le fils de Marie, fils de Joseph, fils de David, fils de l’homme, Fils de Dieu, habite corporellement toute la plénitude de la divinité (Col 2,9).
Venite adoremus!
Joyeux Noël!
Mystère de l’Emmanuel dans nos vies!
Surprise!
24 décembre 2020 La Nativité de Notre Seigneur
Joyeux Noël!
Oui! Joyeux Noël!
De la joie et de la paix que le monde ne peut ni donner ni enlever!
Les coeurs ouverts à l’imprévu et aux surprises de Dieu le comprennent et vivent dans cette paix et cette joie… et la répandent autour d’eux… Hommes de bonne volonté, hommes qui demeurent dans la volonté de Dieu, hommes du bon plaisir de Dieu : Paix à vous! Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre aux hommes qu’il aime!
Quelle est donc la cause de cette joie?
Elle s’exprime à travers la Parole de Dieu dans les 4 messes de Noël : veille, nuit, aurore, jour… Il faudrait simplement se taire et laisser les textes s’infiltrer dans nos coeurs pour que jaillisse la source qui apaise notre soif et nous désaltère en nous invitant à plonger plus profondément dans l’océan de l’amour…
Je retiens deux expressions. La première du prophète Isaïe (messe de la veille):
« Comme un jeune homme épouse une vierge, celui qui t’a construite t’épousera, comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu ».
L’autre expression est la dernière du prologue de l’Évangile de Jean (messe du jour):
« Dieu, personne ne l’a jamais vu; le Fils Unique, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui a conduit à le connaître « .
Voilà la merveille sous nos yeux, de l’étable au crucifiement, du matin de Pâques à l’ascension, de la Pentecôte jusqu’à la fin des temps : le Dieu invisible s’est rendu visible à nos yeux pour nous déclarer son amour et nous préparer à nos noces éternelles avec lui!
Plus personne ne peut se tromper : le visage, le coeur, les sentiments et le comportement de Dieu nous sont maintenant dévoilés…
Il est le plus petit, le plus faible, le plus méprisé, le plus délaissé, le plus démuni, le plus désespéré…
Si tu n’y reconnais pas ton Dieu, c’est que tu n’as pas encore rencontré son Fils!
Tellement simple…
Joie pour les coeurs qui cherchent Dieu!
27 décembre 2020 La Sainte Famille
Une famille comme les autres… apparemment… mais inaugurant une façon radicalement nouvelle d’être famille…
Les hommes d’aujourd’hui veulent redéfinir la famille, la mariage, en se basant non plus sur les différences sexuelles naturelles, mais en redéfinissant la nature même selon leurs propres critères…
Tentation de l’arbre de la connaissance du bien et de mal de la parabole des origines : refus du projet de Dieu pour nous ériger en créateurs de nous-mêmes…
Mais au lieu de se perdre dans sa chair et son sang voulus par le Seigneur avec sa grammaire et sa fonction propre, depuis Abraham quelque chose de plus que naturel se dessinait, non pas quelque chose d’artificiel ou contre-nature, mais quelque chose de SURNATUREL perfectionnant divinement le naturel, car l’homme est fait pour Dieu et son coeur est sans repos tant qu’il ne repose en Dieu…
C’est avec Abraham que se dessine la possibilité d’une fécondité dans la foi et une alliance avec Dieu d’un type absolu… Isaac est fils de la chair et de la promesse… les liens de la foi et de la promesse créent une nouvelle paternité et une nouvelle fraternité…
Par Marie et Joseph le processus s’achève : Dieu se faisant homme et donnant à l’homme de participer à la nature divine… desormais frères, soeurs, mères et pères sont ceux qui font la volonté de Dieu : nouvelle naissance, nouvelle genèse : dans l’eau et l’Esprit Saint…
Nouvelle famille définie pour l’éternité!
Bonne fête de toutes nos saintes familles et de la grande famille des enfants de Dieu, libres dans le Christ!
Tous fils de la Promesse!
Saint Kizito, le plus jeune des martyrs d’Ouganda, avait 14 ans quand il est mort pour sa Foi le 1886.
Ces martyrs, de confession anglicane ou catholique, évêque, missionnaires ou petits pages à la cour du roi, ont été brûlés vifs pour être fidèles au Christ. Kizito, le plus jeune d’entre eux a préféré donner sa vie plutôt que de perdre la pureté de son corps et de son cœur, temple de l’Esprit Saint. Ils sont fêtés le 3 juin.
Saint Kizito a été choisi comme patron principal de la nouvelle oeuvre.
Les autres saints patrons choisis sont Notre-Dame du Perpétuel Secours, patronne d’Haïti, Saint Charles Lwanga et ses compagnons martyrs d’Ouganda, les martyrs d’Haïti, Bienheureux Pierre Toussaint (un haïtien), Marcel Van (martyr vietnamien et apôtre de la pureté et de l’amour), Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Saint Louis-Marie Grignon de Montfort.
Fête de Saint Kizito le 3 juin 2020 à Cité Soleil